11 mars 2010 – Colloque "Viols et agressions sexuelles : comprendre pour agir" Extrait intervention de Muriel Salmona

Le retentissement des violences sexuelles lié à la mémoire traumatique

Ces conséquences psychotraumatiques vont avoir un impact particulièrement grave sur la santé psychique et physique de la victime et s’ils ne sont pas pris en charge spécifiquement ils vont se chroniciser et pouvoir durer des années, voire toute une vie. Au moment des violences sexuelles ils vont être responsables d’un état de sidération et d’un état de choc émotionnel post-immédiat, puis d’une souffrance mentale très importante, incontrôlable due à la mémoire traumatique des violences subies : réminiscences, flash-back, cauchemars (évaluée à une moyenne de 9,1 sur une échelle de 1 à 10, étude sur le 92, Muriel Salmona, 2008*(1)) associé à des troubles dissociatifs, des troubles de la personnalité, des troubles de l’humeur avec un risque suicidaire (x25), des troubles anxieux majeurs (crises d’angoisses, phobies, TOC, avec une sensation de danger permanent, hypervigilance), des troubles des conduites (conduites à risques souvent sexuelles, mises en danger : sur la route, dans le sport, conduites addictives, conduites auto-agressives et conduites agressives), du comportement (troubles de l’alimentation : anorexie, boulimie, de la sexualité et du sommeil), des troubles cognitifs sévères et des troubles somatiques fréquents liés au stress et à une atteinte du système immunitaire (fatigue et douleurs chroniques, troubles cardio-vasculaires et pulmonaires, diabète, troubles digestifs, troubles gynécologiques, dermatologiques, etc.). Ils sont aussi un facteur d’isolement affectif et social, d’échec scolaire, professionnel, d’exclusion sociale et de marginalisation, de délinquance, de conduites addictives, de risque d’être à nouveau victime de violences, de risque prostitutionnel.
Ces troubles psychotraumatiques sont générés par des situations de peur et de stress extrêmes provoquées par les violences. Ces violences sexuelles sont telle- ment terrorisantes, sidérantes, incompréhensibles, incohérentes et impensables qu’el- les vont pétrifier le psychisme de la victime- le mettre en panne – de telle sorte qu’il ne pourra plus jouer son rôle de modérateur de la réponse émotionnelle déclenchée par l’amygdale cérébrale qui joue un rôle d’alarme en commandant la sécrétion d’adrénaline et de cortisol (hormones de stress). La réponse émotionnelle monte alors en puissance sans rien pour l’arrêter et atteint un stade de stress dépassé qui représente un risque vital cardio-vasculaire (adrénaline) et neurologique (cortisol) par « survoltage » et impose la mise en place par le cerveau de mécanismes de sauvegarde neurobiologiques exceptionnels sous la forme d’une disjonction du circuit émotionnel*(2). C’est un court circuit qui isole l’amygdale cérébrale et qui permet d’éteindre la réponse émotionnelle. Cette disjonction se fait à l’aide de la libération par le cerveau de neuromédiateurs qui sont des drogues dures endogènes morphine- like et kétamine-like.
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