1/ La prétendue séduction "à la française" n’est que de la violence sexuelle par Florence Montreynaud

24 août 2011

par Florence Montreynaud, historienne

C’est un curieux féminisme « à la française » qu’ont fait apparaître les débats autour de l’affaire Strauss-Kahn.

Selon la sociologue Irène Théry, il « veut les droits égaux des sexes et les plaisirs asymétriques de la séduction, le respect absolu du consentement et la surprise délicieuse des baisers volés » (Le Monde, 28 mai 2011).

En se référant au féminisme universel, qui en France comme ailleurs veut l’égalité et la justice, on peut se demander à qui profite ce mélange de notions opposées — droit et séduction, consentement à un acte sexuel et vol de baisers. Depuis des décennies, des féministes ont précisé le sens de mots relatifs à la sexualité, dissipant ainsi des confusions dues à la complaisance pour la violence machiste, symbolique (en mots ou en images) ou réelle (viols, coups, meurtres).

Plutôt que de flotter dans le ciel des idées, sur le nuage d’une prétendue « exception française », revenons aux réalités de la violence sexuelle dans le monde, cette violence que tant d’hommes, encouragés et protégés par le système de domination masculine, exercent sur de plus faibles.
Qu’est-ce qu’un séducteur, aujourd’hui comme hier, ici comme ailleurs ? Un homme qui, à force de sourires et de belles paroles, cherche à obtenir d’une femme ou d’une fille ce qu’elle ne propose pas, ce qu’elle ne désire pas. Quelle qu’en soit la forme — de la drague lourde des baratineurs de plage à la cour raffinée des libertins se croyant au XVIIIe siècle —, la séduction masculine « à la française » repose par convention sur une asymétrie visible : l’homme fait les avances, car c’est à lui de s’exposer en faisant le premier pas.
Au contraire, l’éducation ou la contrainte sociale imposent aux filles et aux femmes des attitudes présentées comme typiquement féminines, pudeur ou réserve, tandis que la famille doit veiller sur leur réputation, voire sur leur virginité. Comme me le disait une voisine, mère de fils avec lesquels jouaient mes filles : « Plus tard, vous ferez mieux de rentrer vos poules, quand je lâcherai mes coqs ! »
Tout au plus une femme « bien » peut-elle manifester discrètement sa disponibilité. Même si elle en meurt d’envie, elle se doit de résister à l’homme, de commencer par refuser ses propositions ; après une cour dont la durée dépend de la valeur qu’elle veut se donner, elle peut enfin paraître céder avec une réticence suffisante au désir masculin. Une femme qui accepterait avec empressement se déconsidérerait, comme le prouve le raisonnement machiste : « Une femme bien qui dit “non », ça veut dire “peut-être » ; si elle dit “peut-être », ça veut dire “oui » ; et si elle dit “oui », ce n’est pas une femme bien. » Déduction du dragueur : « Elle dit “non », mais ça veut dire “oui » ».
Une femme osant en public exprimer son désir à un homme est qualifiée d’« allumeuse », « provocante », ou « chaudasse », tous mots inusités au masculin. À tous âges et dans tous les milieux, la voilà classée — « une pute ! » — et rejetée du groupe. Alors que celui qui « ne pense qu’à “ça » » et « baise tous azimuts » est salué comme un « chaud lapin » ou un « don Juan », son équivalent féminin est une « grosse nympho » qu’« a le feu au cul » et « y a qu’le train qui lui est pas passé d’ssus ».
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