La prise en charge des victimes de traumatisme par Muriel Salmona

La prise en charge va à la fois aider les victimes à sortir de leur isolement, à mieux se comprendre, à retrouver une dignité.
Cette amélioration se fait en identifiant les violences, les liens entre les violences et leurs symptômes, en comprenant les mécanismes neurobiologiques et psychologiques des psychotraumatismes. Grâce à l’accompagnement qui offre de nouvelles grilles de lecture, “revisiter” les violences permet de réunir et de replacer toutes les pièces isolées qui vont permettre de reconstruire l’événement traumatique, retrouver une chronologie et avoir une élaboration de représentations, d’interprétation et d’intégration qui vont âtre efficaces pour moduler et atteindre les réponses émotionnelles.
La mémoire traumatique “désamorcée” pourra être réintégrée dans une mémoire explicite narrative et autobiographique libérant l’espace psychique. L’arrêt des conduites dissociantes permettra la récupération neurologique et la récupération d’un sentiment de cohérence et d’unité, de “retrouvaille avec soi-même”.

http://psycho27.picamoles.free.fr/pdf/6RP.pdf

Dominique – Il est minuit, faites vos jeux, rien ne va plus

J’ai une horloge dans le ventre, une bombe à retardement qui se met en marche quand la nuit est tombée.
Je la crois désactivée, c’est bon, il ne reviendra plus, lui qui attendait dans la cuisine que tout le monde soit endormi, lui qui essayait de désactiver son propre mal être en buvant ; mais plus il buvait, plus je savais que cela aurait l’effet contraire et que la seule solution c’était… moi. Moi, son exutoire, sa sortie de secours. Il est minuit et je me laisse « dépieuter ». Demain, je ramasserai les morceaux de mon cerveau épars au pied de mon lit. L’homme à la cervelle d’or, un conte que j’avais lu enfant et qui résonnait tellement bien.
Mon père est mort. Parfois l’enfant en moi pousse un soupir de soulagement. Il est mort, bien mort, il ne peut plus faire de mal. La liste de ses victimes est enfin close.
Pourtant, à minuit, il revient encore parfois me hanter, son haleine, ses yeux de fou, ses mains puissantes qui vont me baillonner.
Mais non, je ne le laisserai plus faire. Au plus profond de la terreur, quand rien ne peut plus me ramener au moment présent tellement la réactivation est puissante, alors là, je lâche mon protecteur, une panthère noire. De l’ultime enfer elle bondit et vient nous garder, mon mari et moi. Mon mari, de ses quatre ans d’enfant kidnappé, me dit : « j’ai peur ». Et moi de répondre, « mais non, la panthère noire est là, personne ne peut entrer dans la chambre », n’aie plus peur ».
Un jour prochain, sûrement que la panthère n’aura même plus besoin d’apparaitre, tous nos abuseurs se seront volatilisés. C’est juste une question de temps.