Michelle – Mémoires oubliées

Depuis tellement d’années je tente de me rappeler ces années oubliées. De grands trous dans ma mémoire, des trous existants pour une raison, c’est certain, mais laquelle. Je sais qu’il y a eu des abus dans ma famille mais moi, qu’est-ce que j’ai vécu. La période de 0 à 8 huit ans est quasi inexistante. Comme si j’avais cheminé dans cette période de cette petite vie comme en mode robot, fantomatique, un automate chez qui le disque dur ne fonctionnait pas et n’enregistrait rien.
Je me suis questionnée, fait appel à cette mémoire défaillante, sondé ce grand trou noir afin d’éveiller une parcelle de lumière, ne serait-ce que la lueur d’une chandelle mais elle s’obstine à me laisser dans le noir total.
On m’a suggéré d’en rester là, que ce ne serait pas une bonne idée de creuser plus loin. Si ma mémoire avait décidé d’oublier, C’était mieux ainsi. Mais mon être tout entier me dicte autre chose. Une force en moi veut savoir. Une énergie puissante me pousse à creuser et creuser d’avantage pour faire resurgir ce qui a pu me faire si mal. Il m’est si insupportable de ne pas savoir.
J’ai fait l’exercice de regarder des photos de mon enfance. Je me suis efforcée de les regarder avec des yeux d’enfant. Lorsque je les regarde, j’en observe chaque détail et plus je les observe, plus je suis déroutée. Je constate l’oubli profond dans lequel je me suis plongée.Tant de choses dont je devrais me rappeler et qui m’échappent.Une table, des chaises, des meubles de chambre à coucher, des fauteuils, des jouets, je n’arrive pas non plus à me rappeler les visages des membres de ma famille à cet âge. C’est comme si je ne les voyais pas à ce moment-là. Comme si je marchais sans voir devant moi. Je sais que ce n’est pas ce qui se passait mais c’est l’impression que ca me donne.
J’ai tant de questions sur celle que j’étais, tant de mystère qui tourne autour de ce qui se produisait à cette période de ma vie, je suis obsédée par cette inconnue qui est moi.
Mon âme, toi qui m’as accompagnée toutes ces années, aide-moi à me rappeler et dévoiler à mes yeux, à ma mémoire. Dicte-moi, éclaire-moi, guide-moi afin que je lève le voile sur ce vide qui m’accompagne encore à ce jour. Je suis tellement bloquée et cette ombre nous fait obstacle. Je voudrais tant que tu puisses communiquer avec moi, me transmettre ta belle énergie, tes connaissances et ta puissance en tes vibrations. Je sais que tu aurais tant de choses à me dire. J’aimerais t’écouter mais je n’arrive même pas à m’ouvrir à moi, comment pourrais-je m’ouvrir à toi ? Il y a ce filtre que je dois traverser, ce grand mur épais que je me suis construit, ce grand château de protection tout autour de moi. Je me suis emmurée et en le faisant, je crois que je t’ai exclue par mégarde. J’avais tellement peur, de quoi je ne le sais même pas mais je devais avoir vachement peur pour m’isoler autant. Aide-moi s’il te plait, je t’en prie, je dois retrouver la mémoire. Je suis comme une amnésique perdue dans une grande ville qui n’a plus d’identité. Personne ne me retrouve et je ne retrouve personne. J’ai besoin de ta main bienveillante pour me guide à travers ce gouffre et en sortir.


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Le retentissement des violences lié à la mémoire traumatique par Muriel Salmona

Muriel Salmona, intervenue lors d’un colloque, le 11 mars 2010 – Viols et agressions sexuelles : « comprendre pour agir », travaille à partir d’une étude dans les Hauts-de-Seine sur les conséquences psychotraumatiques des violences conjugales, familiales et/ou sexuelles, en 2008.

Les troubles psychotraumatiques sont générés par des situations de peur et de stress extrêmes provoquées par les violences. Ces violences sexuelles sont tellement terrorisantes, sidérantes, incompréhensibles, incohérentes et impensables qu’elles vont pétrifier le psychisme de la victime – le mettre en panne – de telle sorte qu’il ne pourra plus jouer son rôle de modérateur de la réponse émotionnelle déclenchée par l’amygdale cérébrale qui joue un rôle d’alarme en commandant la sécrétion d’adrénaline et de cortisol (hormones de stress).
La réponse émotionnelle monte alors en puissance sans rien pour l’arrêter et atteint un stade de stress dépassé qui représente un risque vital cardio-vasculaire (adrénaline) et neurologique (cortisol) par « survoltage » et impose la mise en place par le cerveau de mécanismes de sauvegarde neurobiologiques exceptionnels sous la forme d’une disjonction du circuit émotionnel.
C’est un court circuit qui isole l’amygdale cérébrale et qui permet d’éteindre la réponse émotionnelle. Cette disjonction se fait à l’aide de la libération par le cerveau de neuromédiateurs, qui sont des drogues dures endogènes morphine-like et kétamine-like, qui sont sécrétées par le cerveau : endorphines (avec effet morphine-like), antagonistes des récepteurs de la N-Méthyl-D-Aspartate (avec effet Kétamine-like).
Ce sont elles qui vont stopper le risque vital physique et psychique au prix d’un état dissociatif, d’une anesthésie affective et d’une mémoire traumatique cette dernière étant une véritable bombe à retardement susceptible de se « rallumer » au moindre lien fait consciemment ou inconsciemment avec l’événement traumatique (en totalité ou en partie), générant alors le même état de détresse et de panique que lors du traumatisme.