Maman,
C’est un mot que je prononce presque jamais.
On ne se parlait plus au téléphone. Juste un email laconique tous les six mois. Hier, tout à basculé. Tu avais le souffle coupé après avoir lu l’article du Nouvel observateur. Tu avais perdu ta morgue et ton aplomb coutumiers qui me clouaient le bec d’un cynique « ah, mais tu sais bien que ce sont des faux souvenirs ».
Hier, tu étais devant l’insupportable, comment ai-je pu parler, extirper de ma mémoire des faits qui nous mèneraient tout droit aux Assises. Dans ta voix, il y a ça aussi, la peur d’être démasquée. Une fraction de seconde et nous voilà toutes deux revenues dans la cuisine, dans l’insupportable brêche de l’amnésie. Tu as les mains en sang et moi le ventre éclaté. On se tient toutes les deux aux lisières des enfers.
Non, ça ne se peut pas, disent les enfants dans leurs jeux. Stop ! pouce. Il ne faudra plus jamais se rappeler de tout ça, pas de sang, pas d’enfant mort, pas de crime. La table de Formica est comme avant. Il ne s’est rien passé. Tu fais de la dépression, tu n’as qu’à rester au lit. Demain, tu n’iras pas à l’école. J’ai évacué tout le sang de mes yeux. J’ai commencé à avoir des conjonctivites à répétition. De prix d’excellence, j’en suis arrivée à ne plus savoir épeler les mots ni à pouvoir lire. Tout se délite sous mes yeux. Je ne peux plus faire de gym non plus. Impossible de monter à la corde, pourtant c’est obligatoire au Bac. Papa a installé un portique au jardin. « Tu vas finir chez Amora à mettre des cornichons en bocaux, si ça continue », il hurle.
Mes frères se tapaient la tête contre les murs, J.-M. a commencé à bégayer salement ; Et puis, ils ont foutu le camp très vite, à ne rentrer que tard la nuit, imbibés et défoncés.
Tu n’as toujours rien voulu voir: « non, il n’y a pas de problème d’alcool à la maison, ton père travaille dur pour vous nourrir. »
Il m’a fallu toute une enquête familiale pour comprendre le plus insupportable. Maman, toi et moi nous avons partagé les mêmes bourreaux. Ta mère vous avait élevés seule, ton frère et toi. Son mari était mort à la guerre. Ton frère, qui t’avait agressée est devenu mon tortionnaire aux scouts. Tu aurais pu faire de brillantes études. Pas d’argent, seulement pour ton frère. Un fils de riche t’a fait croire au prince charmant avant de t’abandonner alors que tu t’étais inscrite à la fac en candidat libre. Toi, tu dis, il est mort envoyé en Algérie, on se serait mariés sinon. Tu t’es marié avec Papa, pour échapper à ton frère et Mémé. Tu as commencé à prendre tes trucs pour dormir. Tu avais peur du noir.
Tu ne voulais pas que je fasse ma chambre. « Je ne veux pas que tu deviennes une Cosette comme moi. »
Après mon Bac, je suis partie à Normale Sup. J’en suis revenue peu de temps après, j’avais été violée.
Avant de mourir complètement alcoolique, la soeur de Papa t’avait confié qu’elle avait été victime d’inceste, qu’il s’était passé des choses épouvantables dans cette famille. Tu as eu vite fait de tout étouffer, comme d’habitude, tout ripoliner. Une faille narcissique trop dure à combler.
Alors, selon ton slogan préféré « Quand il y a un problème, il y a une solution. Et quand il y a une solution, il n’y a plus de problème ».
Il n’y a plus eu aucun problème. J’ai été déclarée folle. Papa l’avait prédit : « Si chaque fois que tu fais une fausse couche, tu adoptes un chat, on t »appellera la folle aux chats.
Tes imprécations n’y ont rien changé. Il faut croire que tes « crève sur le champ, salope ! », « merde du ventre ! » « c’est toi qui aurait du mourir au lieu de ton frère ! » n’ont pas agi sur moi.
Je me suis toujours accrochée à la vie, dans le désir de faire cesser cette grande tragédie qui nous avait emportés depuis des générations, cette tragédie qui n’a plus lieu d’être aujourd’hui.
Oui, tu es très agée, tu vas bientôt franchir le pas vers un autre Bardo, un autre espace temps. Laisse cette fureur derrière toi, au moment de mourir, lâche ce manège incessant. Je crois qu’on s’est rejointes, Maman, dans cette ultime preuve d’amour, donner les clés de la liberté. L’inceste ne rodera plus à nos portes, je ferai tout mon possible pour que ta propre voix, que tu n’as pas pu trouver se joigne à la mienne.
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4 réflexions au sujet de « Dominique – Lettre à ma mère »
Bonjour Dominique ,
Comment va tu ?? voilà je reformule mon message , car je te respecte et je viens de voir que une de mes personnalités est survenu à la fin de mon message et cela je ne le supporte pas !! comme je te le dit ton histoire me touche beaucoup et je t’accompagne dans ta douleur ! c’est terrible de lire tout cela ! comment à tu fait pour survivre à tout cela ? tu es très courageuse et très forte , mais je suis consciente aussi que à l’intérieur de toi tu dois avoir une grande souffrance ! alors accroche toi , je te souhaite bon courage pour la suite !
Béa grincheuse
Ce commentaire a été supprimé par l’auteur.
Béa grincheuse
Bonsoir Dominique ,
Mon dieu je suis mal grr est intervenu dans mon commentaire , je m’excuse Dominique , alors je vous le réécrit , un question de respect que j’ai envers vous et les autres les personne de se blog !
Terrible de lire ceci , cela me touche beaucoup , comment as tu fait pour survivre à tout cela ! Dominique tu es une personne très fort , mais la souffrance que tu doit avoir à l’intérieur de toi , comment tu fait pour la soigner ?? et pour la surmonter ??
Je te souhaite bon courage , et je t’embrasse. et grrrr é e é e é ele é e é e grrrrrr é e é e e t e é e u é e é ele é e é e grrrrrrr
Béa grincheuse
Bonsoir Dominique ,
Terrible de lire ceci , cela me touche beaucoup , comment as tu fait pour survivre à tout cela ! Dominique tu es une personne très fort , mais la souffrance que tu doit avoir à l’intérieur de toi , comment tu fait pour la soigner ?? et pour la surmonter ??
Je te souhaite bon courage , et je t’embrasse .
A bientôt grrrrr é e é e é ele grrrrr é e é e t e u é e é ele é e grrrrrrrr
Béa grincheuse