L’état de stress post traumatique (ESPT)

Logo-Institut-de-VictimologieSelon la CIM-10 : « une situation ou à un événement stressant (de courte ou de longue durée) exceptionnellement menaçant ou catastrophique qui provoquerait des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus » entraine « une réponse différée ou prolongée » dont la conséquence est dans 15 à 35 % des cas selon la nature de l’événement traumatique et le vécu subjectif du sujet, un ESPT.

L’ESPT qui peut s’accompagner de divers troubles comorbides qui sont parfois la seule manifestation clinique dont se plaint le patient qui ne fait pas le lien avec l’événement traumatique causal.

La prévalence vie entière de l’ESPT atteint en Europe, selon l’étude ESEMeD menée en 2004 sur un échantillon de 21 425 habitants de six pays d’Europe, 2.9 % des femmes et 0.9 % des hommes, c’est beaucoup moins qu’aux Etats-Unis. Il faudrait par conséquent rechercher systématiquement des antécédents traumatiques chez tous les patients qui consultent un professionnel de santé pour traiter la cause de certains troubles et non les conséquences.

L’IMPACT TRAUMATIQUE : L’ÉTAT DE STRESS AIGU

La dissociation et le détresse péritraumatique

Dans 70 % environ des cas, l’impact traumatique se manifeste par une réaction de détresse et/ou un état de dissociation péri traumatique (F 44) [LHT] qui est un état de conscience modifiée probablement destiné à soustraire la victime à l’horreur de la situation vécue.
Ces deux réactions péritraumatiques sont corrélées au risque de survenue d’un ESPT.
Il existe des échelles spécifiques de détresse péritraumatique et de dissociation péritraumatique. Elles permettent de surcroît de se faire une excellente idée de la symptomatologie de la détresse et de la dissociation péritraumatique [LHT].

Les études en imagerie cérébrale plaident en faveur de l’importance du modèle biologique ; la moitié des études en IRM ont mis en évidence une réduction du volume hippocampique ainsi que des anomalies de structure du gyrus temporal supérieur ou du cortex cingulaire antérieur. Des études en imagerie fonctionnelle (IRMf) et des épreuves d’activations cognitives vont dans le même sens.

Les études psychophysiologiques (potentiels évoqués, électrocardiogramme, polysomnographie), l’étude de la réaction de sursaut) permettent de mieux comprendre l’ESPT : à titre d’exemple, une tachycardie péritraumatique supérieure à 95 pulsations par minute (témoin d’un climat d’hyperadrénergie prolongé) a été associée au développement ultérieur d’un ESPT, tandis qu’une fréquence cardiaque inférieure à 80 apparaîtrait comme un facteur protecteur.

L’état de stress aigu des classifications internationales (F43.0)

La CIM-10 définit une « Réaction aiguë à un facteur de stress » qui est l’équivalent de « l’état de stress aigu » du DSM IV. Sa durée n’excède pas le mois au-delà duquel il devient, par définition, un Etat de stress post-traumatique (ESPT).
Pour que ce diagnostic soit retenu, les symptômes doivent nécessairement perturber la vie sociale et/ou professionnelle. Parmi les critères proposés, identiques au ESPT, retenons l’existence de symptômes dissociatifs péritraumatiques, de troubles dits neurovégétatifs (un état de qui-vive, des réactions de sursaut, des troubles du sommeil, des troubles cognitifs), d’intrusions de pensées, d’images, de cauchemars de répétition, de conduites d’évitement.
Les troubles neurovégétatifs sont spécifiquement liés à la réaction de stress, les intrusions et évitements à l’effraction traumatique.
La survenue d’un syndrome de stress aigu, tel qu’il est défini dans la CIM-10 ou le DSM IV, est un bon prédicteur d’ESPT ultérieur, surtout lorsqu’il s’accompagne d’un trouble de dissociation ou de détresse péritraumatique.

L’ETAT DE STRESS POST TRAUMATIQUE (F43.1)

Clinique

Les troubles qui caractérisent le Stress post-traumatique surviennent toujours après une phase de latence pathognomonique, de durée variable, parfois très longue (plusieurs mois).

Pour la CIM-10, le syndrome de répétition reste l’élément prédominant du tableau clinique, il était pathognomonique de l’ancienne névrose traumatique de la nosologie européenne. On préfère à présent l’appeler syndrome intrusif. La victime revit le traumatisme par des pensées, des images, des sensations physiques : intrusives, répétitives et envahissantes. Les cauchemars relatifs à l’agression et les réveils nocturnes brutaux font partie du syndrome intrusif. Le traumatisé a l’impression que l’agression pourrait se renouveler surtout après un stimulus extérieur ou idéique (un film de violence ou un bruit inopiné par exemple). Tout se passe comme si l’événement traumatique était gravé sur une bande vidéo et que la télécommande du magnétoscope était devenue d’une extrême sensibilité. Il faut souligner que les cauchemars ne sont pas des rêves de désir : ils répètent littéralement la situation traumatique vécue et ne nécessitent aucun travail de décryptage compliqué. Les intrusions constituent des sortes de « mini expositions » naturelles qui devraient permettre une habituation progressive à l’horreur de la situation vécue, mais le syndrome d’évitement s’oppose à cette issue.

Pour reprendre la métaphore du magnétoscope, le syndrome d’évitement constitue une sorte de « zapping » des pensées, images, sensations et des situations rappelant ou symbolisant les circonstances du traumatisme initial. Parfois, le traumatisé lutte contre le sommeil pour éviter les cauchemars. Cela peut devenir un réel handicap social pour un représentant de commerce victime d’un accident d’automobile par exemple, ou un pompiste qui ne voudrait plus être confronté à la clientèle après un braquage. Les conduites d’évitement ne sont pas des phobies, car là aussi il s’agit d’éviter une situation bien précise en rapport avec un événement récent bien identifié.

Les troubles dits d’hyperactivation neurovégétative sont une hyper vigilance, un état de « qui-vive », une insomnie. Ils sont fréquemment associés à des troubles comorbides anxieux et dépressifs. La colère est un sentiment légitime quasiment constant. Elle est souvent mal orientée : contre soi-même ou contre les proches. Mais le thérapeute peut la mobiliser pour inciter la victime à se reconstruire.

Évolution de l’ESPT

L’évolution des troubles psychotraumatiques est variable.

Pour le DSM IV, un ESPT est aigu si sa durée d’évolution est comprise entre 1 et 3 mois, chronique au-delà. Il est de survenue différée si le début des symptômes apparaît au moins 6 mois après le facteur de stress.

Certains ESPT sont transitoires et traduisent des réactions adaptatives : ce sont des blessures psychiques qui ne nécessitent pas des soins spécialisés. D’autres, après plusieurs mois d’évolution, sans prise en charge le plus souvent, s’organisent sur un mode chronique, réalisant une « névrose traumatique », terme retenu dans la CIM-10, laquelle se pérennise et perturbe gravement le système défensif antérieur de la victime : on pourrait dire, de façon métaphorique, que la blessure s’est compliquée.

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Ravage intergénérationnel dans les viols par inceste

« Mais qui t’es toi pour me parler comme ça ? »
Elle a vingt ans, elle est ma nièce : la fille aînée de ma sœur benjamine. Elle était en train de se plaindre qu’on ne la respectait pas et qu’on la trimbalait, parce que les annonces de retours sur Paris changeaient du jour au lendemain au gré des disponibilités dans les voitures, les disputes, les luttes de pouvoir des uns et des autres.
En fait j’ai entendu : « Mais tais (qui) toi pour me parler comme ça ? »
Je suis intervenue en disant qu’il en était de même pour moi et qu’elle n’avait pas à rouspéter comme ça.
Mais cette question a bien résumé ce qui s’est joué au sein de cette famille durant ce congé de Noël.
La mère de ma mère est morte à la fin du mois d’août et à l’ouverture du testament, on a pu apprendre qu’elle avait déshérité sa fille aînée en l’occurrence ma mère. Il est certain que les quinze ans de viols que m’a fait subir mon père n’y sont pas pour rien, sauf que je ne comprends pas vraiment pourquoi c’est ma mère qui doit en payer le plus lourd tribu.
Les biens immobiliers avaient été partagés en donation partage entre ma mère et sa sœur, mais les biens mobiliers figuraient dans le testament, quant aux sous, la loi en fait son affaire, il n’y a pas de mauvais partage possible c’est moitié moitié.
Ma sœur cadette a pris la curatelle de ma tante – la sœur de ma mère qui est schizophrène – et cette sœur a toujours été placée en victime dans la famille. Ma grand-mère, ma sœur cadette et ma tante formant un clan, ma mère et ma sœur benjamine l’autre clan.
J’ai pu constater en arrivant le jour de Noël que la maison dans laquelle vivait ma grand-mère avait été dépouillée de tous ses meubles. Selon le testament, j’héritai de l’argenterie, d’un service de verres, de vaisselles, d’un petit coffre et d’un guéridon. Ma sœur cadette avait une flopée de meubles et ses enfants avaient tous un beau meuble du style de la bonnetière Louis XIII signée qui est dans l’entrée. Ma sœur benjamine quelques meubles comme le bureau Louis XIII de mon grand-père et son fauteuil, mais rien pour ses enfants et rien pour les miennes non plus.
J’ai fait des études à l’École du Louvre avec une option « mobilier et architecture des grandes demeures », mais en fait, les meubles je m’en fous. Je les couche ici pour mieux les oublier et savoir quelque part qu’ils ont existé.
Ma mère et ma sœur benjamine m’avaient déjà piqué mes affaires laissées en dépôt lors de mes voyages, ma grand-mère et ma sœur cadette ont fini de me dépouiller du reste.
Le souci est que dans tout ça, où est ma place ?
Ma nièce reste le fil conducteur de ce Noël.
Il y a plus de dix ans, un soir de Noël, le père de cette fratrie de cinq enfants a annoncé qu’il les quittait pour toujours. Ce type est légèrement plus jeune que moi. Et voilà que cette année, sa fille ainée, la jeune fille ci-dessus déjà nommée, s’est mise en ménage avec un monsieur du même âge que son père. Il comptait parmi les hôtes de ce diner de Noël. Et bien sûr, dans le genre Festen, la donzelle et le monsieur nous ont offert une scène de ménage – qui m’a déclenchée la crise d’angoisse que je n’avais plus eu depuis quelques années –. Elle le méprisait et son visage très expressif était empreint de dégoût. Il l’a traité de garce en claquant la porte. J’ai fait part ensuite de mes observations au monsieur en question, lui disant qu’il était l’objet d’une manipulation inconsciente. Le lendemain, alors qu’il avait annoncé son départ au plus vite, les tourtereaux étaient rabibochés – et cette fois, c’est mon époux qui s’est trouvé à partir ou pas étant donné qu’il faisait partie de ce convoi là.
Cependant, la question reste de savoir pourquoi les femmes de la famille maltraitent leurs partenaires de génération en génération ?
Mon père a certainement fait un AVC il y a quinze jours. Il perd la mémoire et ne peut presque plus marcher. J’ai entendu ma mère disant que cette situation était insupportable et qu’il ne faudrait pas que ça dur trop longtemps.
D’accord, il est monstrueux, mais elle aussi et pourquoi se place t-elle toujours en victime ? Dans cette famille, on est soit prédateur, soit victime.
Bon là, je veux bien passer par la psychanalyse qui se fonde sur le point nodal familial, la généalogie et un peu d’anthropologie. La généalogie – et on a un super bouquin plein cuir d’ascendants aristocrates protestants – objet principal et universel de la transmission. Je parle ici de filiation maternelle, le père ayant été gommé, sa famille, on ne s’en occupe pas, ce n’est que piétaille. Alors fi du nom du père, pièce maîtresse de filiation et tout le bazar symbolique.
Avec la question « Mais qui t’es toi pour me parler comme ça ? » m’avait été assénée une injonction à me taire, et alors qu’un petit tour en dissociation, m’a faisait entendre une voix qui sortait de ma bouche mais n’était pas la mienne – cette voix cassée qui hurle, mais ne hurle pas – j’ai fait remarqué que c’était la troisième fois en trois jours. J’ai aussi pu dire à ma nièce combien elle avait manipulé ce monsieur de mon âge et que je comprenais combien il était infernal pour lui de s’être laissé entrainer à ne pas prendre sa voiture, à dépendre des autres et à rester coincé là pour qu’une petite peste lui fasse un crise dont il ne pouvait ressortir que honteux et humilié.
Le premier jour j’ai un peu parlé en trouvant dans un grenier une plaque de cimetière qui était sur la tombe relevée d’une enfant née et morte le même jour en 1904. Ce jour est aussi mon jour anniversaire (je suis prématurée de plus de trois mois). Elle était la fille ainée de mon arrière grand-mère et portait son prénom. J’ai parlé des alliances inconscientes avec mon neveu le numéro cinq dans la fratrie. J’ai aussi abordé avec lui l’ESPT que mon père a subi en Algérie puisque le jeune homme se destine à la carrière des armes.
Pour Lacan, la maternité plonge la femme dans une image spéculaire reproduisant le « stade du miroir » à l’envers, rejouant la scène de sa relation avec sa mère. Elle ne peut la rejouer qu’avec la fille aînée et cela veut dire que l’inversion des rôles et des générations dans la relation mère fille est inévitable.
Ma mère n’a jamais élaboré sa relation avec sa mère pour pouvoir s’identifier à ma souffrance et comprendre qu’elle m’a exposée à la jouissance de mon père. J’ai toujours défendu ma mère, mais maintenant ça suffit. Elle ne permet pas la parole. Quand je parle elle me dit que je l’ai déjà dit. Une manière élégante d’apposer l’interdit. Elle ne veut pas de cette élaboration entre nous et pourtant là, la perche était de nouveau tendue : sa grand-mère était amoureuse d’un homme qu’elle n’a jamais pu épouser. Elle fut mariée à un homme qu’elle n’aimait pas et leur première enfant est donc née et morte à ma date anniversaire soixante ans plus tôt. Ma mère n’a pas épousé l’homme qu’elle aimait : ses parents avaient dit non : il était algérien et il est mort là-bas. Elle était partie le rejoindre tout en faisant ses classes de médecine, et oui, elle était à Descartes. Elle a épousé le premier beau garçon, un appelé, lieutenant de son état qui s’est engagé à la suite de son ESPT. L’Armée française ne soignait pas ses traumatisés, elle les revictimisait en les engageant.
Je l’ai toujours su tout ça, je l’ai observé. On a inversé tous les rôles. J’ai toujours été indulgente envers mon père, je comprenais sa souffrance et ce moment unique où je savais ce qu’il allait faire, la montée en puissance, la dissociation, la décharge et je faisais pareil. La défense de ma mère parce qu’il y avait ce grand amour mort et là aussi j’ai fait pareil, mais je ne méprise pas mon époux.
Personne n’a pris ses responsabilités. L’emprise et les dissociations ont eu raison d’une poursuite judiciaire que j’aurais du faire pour remettre chacun à sa place et ne pas répéter ce désastre.
Je n’ai pu que constater que la répétition était léguée à la génération suivante en la personne de ma nièce.
Je n’ai aucune place dans cette maison, n’en ai jamais eu aucune et n’en aurait aucune. Je n’y retournerai pas.