Je suis psy et j’ai beaucoup plus souvent écrit sur les autres que sur moi-même.
Mais derrière ce « titre », je voudrais dire qu’il y a avant tout une femme. Une femme qui a ses douleurs du passé et du présent.
J’ai choisi cette profession par vocation profonde et par passion pour les autres. Mon doctorat en poche, je me sentais toute puissante ! j’allais pouvoir guérir tous ceux qui souffrent ! Belle utopie de la diplômée qui pensait avoir la science « divine » ! Je n’étais qu’une psy parmi tant d’autres. Euphorie bien éphémère !
Aussi, en parcourant le blog j’ai lu le mot « avortements ». Cela m’a fait retourner dans mon passé. Un évènement qui pour beaucoup de personnes est traumatisant, sauf pour moi, du moins je le crois car je ne ressens absolument rien.
Il y a une vingtaine d’années, j’avais un compagnon qui était chercheur en physique quantique. Il vivait dans son monde et moi dans le mien. Ayant eu un problème gynécologique, j’ai dû arrêter la pilule. J’avais déjà ma fille et mon fils. Malgré une super attention, je suis tombée enceinte. Ce fut une horreur pour moi. Aussi, j’ai vite consulté dans une clinique où tout s’est bien déroulé. Anesthésie générale et aucun effet secondaire, à part d’être enfin libérée d’un poids. Quelques mois plus tard, malgré une plus grande prudence, test positif. Sauf, qu’ayant mes règles que quelques fois dans l’année depuis l’adolescence, j’étais enceinte de presque 14 semaines. Je me suis ruée chez mon médecin qui m’a envoyée dans une clinique. Là j’ai eu à faire à un obstétricien qui m’a fait la morale, mais je l’ai rapidement stoppé étant donné que j’aurai préféré mourir que d’avoir un enfant. Alors, il m’a donné la pilule RU 486, pilule abortive. Il m’a dit de la prendre et de rentrer chez moi. Je l’ai vite avalée et je suis rentrée chez moi avec de très gros mots de ventre. Tout se contractait. Je n’ai jamais su ce que sont des contractions puisque j’ai eu deux césariennes sans jamais en avoir. Je me tordais en deux et puis d’un coup, le sang coula entre mes jambes. La douleur s’intensifiait et le sang coulait de plus en plus. Ma salle de bains était digne d’un film d’horreur ! aussi, la seule solution était de m’asseoir dans ma baignoire et d’attendre que ce sang qui se déversait cesse ainsi que cette douleur horrible que je comparais à des coups de couteaux. Puis d’un coup, l’horreur. Je vis sortir de moi des énormes morceaux qui ressemblaient à du foie. Plus tard, je su que c’était le placenta. C’était tellement gros que j’étais obligée de me le retirer moi-même dans un bain de sang. La douleur augmentait et mon corps se peignait de rouge. Je me suis dit, je vais mourir, me vider, mais je n’avais pas peur, car je préférai cela à celui d’enfanter. Une chose ronde, dans un magma de « saletés » restait coincée dans mon vagin. Je l’ai retirée et pour moi, je retirai un morceau ou la partie entière qui faisait partie de moi et qui me rongeait. Aujourd’hui, je repense au premier film « Alien ». J’étais libérée d’un monstre mais je me vidais toujours. Mon ami rentra de travailler et cru s’évanouir. Il appela en urgence la clinique où on m’avait donné cette pilule, et on m’envoya en urgence voir un confrère au gynécologue. Il me reçu immédiatement et procéda à un curetage à vif. Sa blouse blanche ne le fut pas très longtemps et les murs non plus ! je cru mourir de douleur mais je n’avais plus cette chose en moi. Ce fut une boucherie. Plus tard, je su que c’était interdit de le faire de cette manière, mais peu importait. J’étais vide. Je mis du temps à me remettre physiquement, mais psychologiquement je n’avais qu’un sentiment, celui de la liberté ! Je repris vite ma pilule et plus jamais cela arriva.
Je parle très peu de cet épisode de ma vie car étant donné que je milite pour l’IVG et qui lorsque l’on me demande mon plus grand regret dans ma vie, je réponds sans réfléchir « avoir eu des enfants », cela choque. J’ai eu ma fille car je la désirais mais une fois née, tout s’est cassé, et 23 mois après naissait mon fils que je voulais également effacer. Mais ce fut le seul garçon de ma famille qui remplaça mon frère décédé et que mes parents élevèrent comme si c’était Dieu ! Mais après c’est une autre histoire…
Dans mon métier, je me suis beaucoup intéressée aux mères néonaticides. Habitant à côté de Fleury Mérogis, j’ai demandé à les rencontrer, à parler à celles qui le souhaitaient et au risque de vous choquer, j’ai compris ces femmes qui ne voient pas l’enfant mais un objet qui parfois fait du bruit en pleurant et qu’il faut faire taire au plus vite. J’ai correspondu avec Mme Courgeau, mais elle avait tellement peur des médias que nos échanges épistolaires ont été courts. Aujourd’hui, je fais des démarches auprès d’une mère néonaticide qui est incarcérée à Agen. Je vais également demander un droit de visite en tant que psychologue.
Aujourd’hui, je prends cela avec beaucoup de recul, mais je souffre énormément de ne pas savoir ce qu’est « être mère ». J’ai expliqué à mes enfants pourquoi je ne leur faisais pas de bisous, de calins, et que seul mon métier et ma recherche étaient le but de ma vie. Ils m’ont pardonnée car j’ai toujours été là pour eux. Aujourd’hui, mamie d’une petite fille dont le géniteur est musulman, j’ai approfondi un peu ma culture dans cette religion si proche de la mienne qui est juive. Enfant précoce, je posais, toute petite, de multiples questions à ma grand mère qui était dans les camps. Un souvenir lui revenait toujours. Celle d’une femme qui demandait du pain pour son enfant de 2 ans. Elle ameutait les gardes et un jour, un gradé vint la voir et la frappa durement. Elle se releva et osa le toucher de sa main. L’officier demanda aux gardes de la sortir elle et son fils du baraquement. Il y avait une grosse épaisseur de neige. Là, il l’a fit mettre à genoux et tua son fils sous ses yeux. Ma grand-mère entendait encore ses hurlements bien plus tard. Elle rechercha cette femme plus tard sans jamais la retrouver. Ma grand-mère étant violoniste soliste, elle jouait lors de banquets et prenait de la nourriture pour les enfants et les femmes de son baraquement. Je sais qu’une fois, elle m’a dit qu’elle avait du jouer du Wagner durant une séance de tortures et que ses doigts se tordaient de douleur sur les cordes.
Voilà une partie de l’enfance et de la vie de femme d’une psy. En racontant tout cela, j’exorcise mes démons mais en même temps, notre métier fait peur ou nous glorifie. Quand on rencontre un homme, il dit « une psy ? mais vous allez tout savoir de moi ? » et je réponds « je ne suis pas Mme Irma » et les personnes qui glorifient ce métier disent « oh la chance, elle n’a pas de problèmes car elle sait les résoudre ! » et bien non !! depuis 20 ans je vais voir des psychiatres car je n’ai pas plus de force que les autres.
Je voudrais dédier ces souvenirs de ma vie à Béatrice, alias la fée clochette, car elle disparait souvent ! pour lui dire que je suis avant tout une femme avant d’être une psy et que grâce à ses magnifiques et parfois terribles dessins, elle arrive à nous faire ressentir la vie et le courage de l’affronter…. Merci Béatrice
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