Réflexion sur le don selon Marcel Mauss

Hervé-Corps-humainpage 20
On peut trouver une première piste de réponse si l’on observe plus spécifiquement les rapports de force engendrés par un don. Celui qui offre fait violence, en quelque sorte, à celui qui reçoit ; quelle que soit l’attitude du receveur – acceptation ou refus du don -, celui-ci se trouve en position d’infériorité. S’il refuse, il fait injure au donateur, entraînant ainsi des rapports conflictuels. S’il accepte, il se doit de rendre le présent, souvent, d’ailleurs, avec l’obligation tacite d’augmenter la valeur du don fait en retour, ce qui crée une nouvelle dette à l’égard du premier donateur. Les valeurs de libéralité, de prodigalité démontrées dans ce cas, cachent, bien plus que le simple intérêt pour le contre-don, la volonté de marquer une certaine suprématie, de s’affirmer sur le plan social. Le système de don tel qu’il existe dans les sociétés occidentales actuelles possède d’ailleurs des règles relativement bien définies. Pour celui qui donne, mais aussi pour celui qui sait recevoir puis rendre à son tour, c’est à la fois une demande de reconnaissance qui se trouve exprimée, mais aussi la recherche de la place que l’individu veut ou peut occuper au sein de la société. Le rapport de force et la quête de connaissance sont ce qui pousse les individus à donner et, de fait, à rendre ce qui a été donné.

« ( … ) la distribution des biens est l’acte fondamental de la  «reconnaissance » militaire, juridique, économique, religieuse, dans tous les sens du mot »

Marcel Mauss, Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés
archaïques, PUF, 1950 (1924 pour la première édition) p. 209-2010.

Autres billets sur le livre : Les éléments du corps humain, la personne et la médecine :
Livre – E. Grand, C.Hervé, G.Moutel – Les éléments du corps humain, la personne et la médecine
Réflexion sur le don selon Marcel Mauss (suite)

Traumatismes psychiques – Approche cathartique

Traumatisme-psychique

Principes de la prise en charge psychologique des sujets traumatisés
L. Crocq, D. Cremniter, D. Demesse, M. Vitry
page 90
Lorsque Freud (1893) a préconisé la méthode cathartique dans le traitement des hystéries traumatiques, il précisait qu’il convenait d’amener le sujet à revivre son trauma (par hypnose ou tout autre procédé), assorti de toute la charge des affects restés coincés ; mais que cette « abréaction » ne suffisait pas, et qu’il fallait aussi demander au patient d’établir des associations au sujet de son expérience vécue de l’événement. Il dénommait sa méthode « cathartique » par référence à Aristote, qui désignait par catharsis le soulagement que ressentait le spectateur des tragédies antiques en écoutant les mots du poète – proférés par le chœur ou le coryphée à la fin de la pièce –, apporter du sens à la situation maudite, imméritée et absurde que le destin avait imposée au héros vertueux. L’approche cathartique (Crocq, 2003) sous-tend en fait toute thérapie du trauma, puisque justement le patient ne pourra se dégager du non-sens et de l’absurde de son trauma qu’en découvrant, au fur et à mesure qu’il les énonce dans sa verbalisation des émotions, les signifiants qui vont habiller l’expérience de l’événement, et faire en sorte que cet événement qui a impliqué une rencontre inopinée avec la mort et le néant ne soit plus marqué par le sceau de l’indicible et de l’irreprésentable. À y regarder (de près, toutes les techniques psychothérapiques du trauma, qu’elles relèvent de la psychologie cognitivo-comportementale, de l’hypnose, de la psychothérapie de soutien ou de la psychanalyse, procèdent de la catharsis et visent à ce que le patient, après sa révélation du sens de son expérience traumatique, puisse l’intégrer entre un avant et un après dans la continuité fluide de son histoire de vie.
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Autres billets du livre Traumatismes psychiques
Se démarquer de la classique « neutralité bienveillante »