La victime et le bourreau par Elisabeth Berger

24 mai 2013
Une précision est essentielle pour les personnes qui se retrouvent le plus souvent à jouer le rôle de la victime que se soit dans le couple, les relations amicales, professionnelles ou autres.
C’est un rôle, ce n’est pas vous. Ce qui signifie que vous choisissez de jouer la victime… mais que vous avez le choix d’agir autrement.
Pour qu’il y ait une victime, il faut que l’autre accepte de jouer soit le persécuteur, soit le sauveteur… encore que la victime peut également se sentir abusée par la société, un groupe, une religion.
La victime se sent (ou plutôt choisit de se sentir) faible, impuissante, écrasée, elle est en quête d’un sauveteur qui, pense-t-elle, la sortira de cet état de malheur dans lequel elle est plongée par la faute d’un persécuteur.
N’oublions pas que la victime vit de son malheur, elle trouvera donc les justifications ailleurs qu’en elle-même pour entretenir cet état d’être. Elle ne se sent jamais appréciée, et est en permanence en quête d’affection. Elle se sent dominée, mais vous la trouverez de préférence auprès de personnes très dominantes.
Elle se sent mal aimée, mais elle refuse les marques d’attention. Elle apprécie aussi de jouer à la victime innocente d’un manipulateur car, c’est là la clé de ce rôle psychologique : les bénéfices secondaires qu’elle tire de cette position sont immenses à ses yeux.

Quels sont les avantages et les bénéfices secondaires de la victime ?

Le pouvoir de la victime dans la relation est en réalité assez important : la victime bien rodée, voire la « victime professionnelle » sait très bien manipuler la relation à son avantage. Elle va parler tout bas pour que l’autre se penche vers elle et l’écoute. Elle va reprocher à l’autre sa cruauté, son manque de cœur, pour obtenir ce qu’elle veut. Elle va gérer la relation à coups de plaintes et de larmes. En réalité, elle emprisonne l’autre dans la relation.
Qu’est-ce qui peut pousser une personne à jouer ce rôle de victime et à accepter une relation aussi insatisfaisante, non adulte, et non libre ? L’avantage secondaire est l’irresponsabilité totale : la victime n’est jamais responsable de rien, si son mariage échoue, c’est la faute de son méchant conjoint.
Si professionnellement, cela ne va pas, c’est au choix à cause de son méchant patron, ou de sa méchante collègue. Mais rien n’est jamais de sa faute : elle est dans un état d’enfance psychologique où elle n’assume absolument pas sa vie. Par contre, quelle accusatrice elle fait ! Car auprès des « bonnes oreilles » qui acceptent de la maintenir dans son état, en écoutant ses plaintes, elle devient persécutrice de ses persécuteurs. Elle est capable de manipuler et de manigancer pour obtenir la chute de son persécuteur, mais elle n’aura jamais sali ses blanches mains.
Paradoxalement, pour entretenir cet état relationnel victimaire et larmoyant qui, pense elle, est sa seule possibilité d’interaction humaine, la victime est prête à entretenir des relations de type sado-masochistes sur le plan psychologique en recherchant de manière privilégiée un bourreau qui lui donnera sa raison d’être, et qui, du moins le pense-t-elle, lui donnera de la valeur aux yeux du sauveteur auquel elle pourra se plaindre.
C’est un type de relation pervertie où la victime n’existe que lorsqu’elle est plongée dans le malheur qu’elle s’est créé pour elle-même, et dont elle pourra être consolée, délivrée par un sauveteur bienveillant (le sauveteur peut changer car les victimes ont tendance à user l’autre dans la relation…)

Comment ne plus jouer le rôle de la victime dans le triangle dramatique ?

Le plus difficile pour une personne ayant choisi le rôle de victime, c’est de reconnaître les avantages secondaires qu’elle tire de cet état dans la relation, le pouvoir manipulatoire qu’elle exerce sur l’autre et qu’elle n’est absolument pas adulte dans la relation lorsqu’elle se comporte ainsi.
Renoncer à la plainte (son moyen de pouvoir tant sur le bourreau que sur le sauveteur) est également très difficile pour la victime… qui est-elle si elle ne se plaint pas de ses malheurs ? La victime peut donc au choix :
• continuer à se plaindre, à ne pas assumer sa vie comme un enfant geignard et pleurnicheur qui dépend de la bienveillance d’un « gentil » et qui est persécuté par des « méchants », considérer qu’elle n’a pas le choix, que les gens sont si méchants, se demander pourquoi cela tombe toujours sur elle
• faire le bilan entre les inconvénients de la situation et les avantages secondaires qu’elle en retire, et rester dans cette situation sans se plaindre mais en assumant ses responsabilités
• si cette situation ne lui convient vraiment pas… partir ! Mais si la victime part, elle doit comprendre qu’elle prend avec elle ce type de comportement et que si elle ne décide pas de devenir plus adulte et responsable de sa vie, elle tombera immanquablement de nouveau sur de « méchants » bourreaux et que le cycle plaintes/consolations va recommencer à coup sûr.

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Comprendre l’emprise : la relation « en-pire »

Logo Agora Vox« Le sentiment de notre existence dépend pour une bonne part du regard que les autres portent sur nous : aussi peut-on qualifier de non humaine l’expérience de qui a vécu des jours où l’homme a été un objet aux yeux de l’homme ». [Primo LEVI, « Si c’est un homme », 1947.]
Certains d’entre vous l’auront probablement compris, le petit jeu de mots de ce titre évoque l’Empire comme souvent cité par celles et ceux qui dénoncent l’avènement d’un nouvel ordre mondial, mais là n’est pas le sujet de cet article. Quoique…
Le vingtième siècle a été marqué par des crimes contre l’humanité perpétrés par des « foules[1] » sous l’emprise de leurs dirigeants. Il restera dans l’histoire comme un triste exemple des systèmes totalitaires déployés sur des nations tout entières. Mais l’emprise est un procédé de domination sur autrui qui ne se manifeste pas uniquement à l’échelle d’un pays.
Étymologiquement « empire » et « emprise » sont de même origine. Leurs définitions respectives données par le CNRTL sont très proches l’une de l’autre et ces deux termes appartiennent à la famille vocabulaire du verbe transitif « prendre » et de ses participes passés et adjectifs « pris, prise ». Cette similitude révèle le caractère universel du concept de relation d’emprise pour peu que nous gardions constamment à l’esprit la notion de gradualité (fréquence, intensité et durée) qui y est afférente (nous sommes tous sous emprise à un degré ou un autre).
L’utilité de cette approche est très simple : comprendre les mécanismes en œuvre dans une relation d’emprise permet de s’en déprendre et donc, dans un certain sens, de reprendre le contrôle de notre libre arbitre qui, contrairement à certaines croyances, ne nous est pas acquis, mais doit être conquis.

Qu’est-ce qu’une relation d’emprise ?
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