Michelle – La peur

La peur, c’est cette émotion qui me déstabilise… juste d’y penser et les larmes me viennent. La peur c’est la terreur. Je ne sais pas, quand elle me prend aux tripes, elle me serre entre ses doigts et j’étouffe. Je ne sais pas la contrôler. Je sais la refouler et la cacher pour ne pas qu’elle paraisse aux yeux des autres, en général je sais le faire. Aux travers des années je suis devenue maîtres dans le camouflage des émotions. Je suis comme un canard qui nage sur l’eau. Au dehors il semble harmonieux mais si vous regardez sous l’eau, ses petites pattes qui nagent vite lui donnent l’air de se débattre. En image c’est mon intérieur.
En général, ou pour être juste, la plupart du temps, j’essaie d’éviter de me mettre dans des situations qui éveilleront ce sentiment et c’est ce qui fait que je sur-vie. J’évite les diners, les sorties entre amis, les week-end en famille… Je ne suis pas dans le vrai, dans le moi, l’ici, le maintenant. Je suis dans l’ailleurs. Un coussin que je me fais confortable, une zone sécurisée, un monde capitonné à l’abri. Mais je me mets à l’abri de quoi ? Des autres ou de moi ?
J’ai su avec le temps identifier plusieurs situations qui sont sujettes de déclencher mes peurs ; un regard que j’aurai mal perçu me fera imaginer toutes sortes de trucs et me voilà partie dans mes peurs. Une parole mal interprétée me fera partir dans une paranoïa telle que ma seule envie sera de fuir à toutes jambes. Les contacts physiques, il faudra vraiment que je fasse confiance en la personne et que je la connaisse depuis fort longtemps.  Et encore… ils ne sont pas agréables.
Inévitablement, il y a des moments où je dois sortir de ma zone de confort, bien malgré moi. La vie me met devant des situations auxquelles je dois faire face. Et comme tout me fait peur, les malaises risquent de se produire souvent. Si on ne me connait pas très bien, mon malaise passe inaperçu. Dans le cas contraire, quand le malaise devient insupportable, l’expression de mon visage est comme un livre ouvert. La panique se lit dans mes yeux. Et quand je perds le contrôle, c’est impératif, je dois partir. C’est devenu une question de survie. Mon corps a des tas de réactions que je ne contrôle plus et je disjoncte. Je suis comme un lion en cage qui doit absolument se libérer.
Je déteste cet état.  Quand j’y suis, je ne suis plus rationnelle.  Au point culminant de la panique, c’est comme si je perdais les pédales et qu’une colère s’emparait de moi et c’est là que j’ai des idées folles qui me passent par la tête. Si je suis au volant et que je me trouve sur l’autoroute, j’imagine que je fonce à toute allure sur les voitures qui sont devant moi.  Dans la maison, je me vois tout casser, démolir les murs. Je me vois m’enfoncer des couteaux.  Toutes sortes d’images pour calmer mais en fait ça ne réussit pas tellement. J’ai la tête qui bout et qui veut exploser, le cœur qui s’affole. Je veux pleureur mais je n’y arrive pas. C’est à bout d’épuisement que je reviens des crises.
Et s’ensuit la déprime, la déception. Le découragement d’avoir sombré encore une fois dans cet état.  De m’être laissé dominer par mes maudites peurs. Je les hais, je les supplie de partir, je me sens lâche et stupide.


Les billets théoriques

9/ Les phobies qui maintiennent la dissociation structurelle


Autres billets de Michelle

Michelle – Lettre à mes parents 
Michelle – Dessin n° 1 – du voile et du flou
Michelle – Mémoires oubliées
Michelle – Dessin n° 2 – Le refoulement
Michelle – Le refuge
Michelle – Dessin n° 3 – La peur
Michelle – Dessin n°4 – Moi et l’autre

Le viol par inceste et les six émotions de base

Extraits de mon mémoire de recherche de Master 1 en art-thérapie Les émotions sont des alertes négatives, en terme animal, qui sont nécessaires à la survie. Le corps et l’émotion sont deux notions consubstantielles.

Que se passe t-il en neuro-endocrinologie ?

Violaine Guérin, (2011) explique ce qui se passe lorsque, dans une situation de stress active, les glandes surrénales se mettent à sécréter une grande quantité d’hormones : Parmi ces hormones, le 
cortisol et des neuro-médiateurs, comme l’adrénaline et la 
noradrénaline qui ont pour effet immédiat d’activer le système 
nerveux autonome – partie du système nerveux responsable des fonctions automatiques, non 
soumises au contrôle volontaire. Il est composé des systèmes sympathique et parasympathique –. À son tour, le système nerveux autonome augmente la fréquence 
cardiaque (et de ce fait la pression artérielle), accélère le transit, 
fait transpirer, rend les mains moites et peut encore créer de 
multiples effets. Il n’est pas indispensable de se 
trouver en situation de stress pour vivre ces symptômes, la seule 
perspective d’une situation stressante pouvant les générer. On comprend comment une pensée ou la 
présence d’éléments rappelant la situation traumatique (toucher, odeur, son) peuvent déclencher ces synthèses hormonales et faire revivre des sensations similaires à celles ressenties 
pendant une agression.
Du savoir intellectuel au sentir qui est une expérience vécue. Le corps siège d’émotion se modifie dans son milieu. Analyser les conditions qui me permettent de voir ce que je vois.

1/ La joie

La joie est une notion qui désigne le sentiment d’une personne en présence d’un bien qui lui convient. (Lætitia en latin) est définie par Spinoza comme « le passage de l’homme d’une moindre à une plus grande perfection » c’est-à-dire comme une augmentation de forces et de la réalisation de soi d’un être humain. La joie est ainsi un accroissement de notre puissance, lié à la réalisation de nos désirs et de notre effort (conatus en latin) pour persévérer dans l’existence. La joie est une émotion de vie rare pour les incesté-e-s. Le viol, l’effraction, l’effroi ont fait approcher la mort à la victime.

2/ La tristesse

Triste novembre – chanson saoul de Marc Antoine

Tous les soirs elle tremble
Chaque fois qu’elle pense
Que c’est son père qui viendra pour la border
Elle est seule dans sa chambre
Tout ce qu’elle veut c’est la chance
De vivre une enfance
Qui ne lui a jamais été accordée
C’est une journée d’automne
Un triste novembre
Que Lisa ne pourra jamais oublier

Le premier album de Marc Antoine, sorti en 2008, a surpris, séduit, impressionné. Et il est resté. Il est devenu un disque de référence dans le R&B francophone.

3/ Le dégoût

Le lavage de dents est un souci chez bon nombre de victimes ayant subi des fellations. La pâte dentifrice est difficilement acceptable. Cette texture est rejetée, elle est abordable, en l’apprivoisant avec des tubes de gouache, en travaillant la texture et la couleur.

4/ La surprise

Article 222-23 du code pénal – Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
Manière d’opérer par laquelle on est saisi à l’improviste. Étonnement, trouble, ahurissement, effarement, stupéfaction, stupeur, ébahissement. Nervosité à l’idée d’être vu ou surpris. C’est un état émotionnel provoqué par un incident fortuit ou par une révélation allant à l’encontre de l’image qu’on se faisait d’une situation. Elle est en général brève, puis s’estompe ou laisse place à une autre émotion. Par extension, on appelle aussi surprise l’événement ou l’action qui provoque cette émotion.

5/ La peur

Nous ignorons les origines de la peur de l’inceste, mais nous pouvons établir une liste des peurs que les viols par inceste engendrent chez la victime :
• peur viscérale du rejet, d’être démolie, si la confiance qu’elle accordait à un autre devait se solder par une trahison ou un abandon (situation dont elle est souvent l’instigatrice) ;
• peur d’être rejetée par sa famille ;
• peur de rompre avec ses parents ;
• peur des autres ou de dire non ;
• peur d’être jugée pour ce que la victime « a fait » ;
• peur de détruire la famille ou de faire mal à leur entourage ;
• peur d’avoir des enfants par crainte d’être un mauvais parent ;
• peur d’être pédophile, incestueuse/incestueur, psychotique ;
• peur d’être enceinte chaque mois et les menstruations deviennent salvatrices ;
• « La peur devant les adultes déchaînés, 
fous en quelque sorte, transforme pour ainsi dire 
l’enfant en psychiatre »selon Sándor Ferenczi ;
• peur de tuer par le dévoilement ;
La peur génère l’hypervigilance, la réponse aux stimuli anxiogènes et pas aux stimuli neutres.

6/ La colère

Incapacité de reconnaître, d’admettre et d’exprimer sa colère ; peur d’une colère réelle ou imaginaire ; très grande hostilité à l’égard de toute personne du sexe ou de l’ethnie de l’agresseur ;
Caroline Benamza (2008) dans son mémoire de DU en Art-Thérapie sur les hommes agressés sexuellement dans l’enfance, décrit leur état émotionnel :
Lors du dévoilement, les hommes abusés ont aussi tendance à être plus coupés de leurs affects que les femmes. Ils ont aussi beaucoup plus tendance à avoir des comportements agressifs et violents envers eux-mêmes ou les autres. Cela comprend les comportements à risques tels que la vitesse au volant, les sports extrêmes…etc.
Au niveau émotionnel, les hommes survivants alternent entre le retrait affectif ou la paralysie émotionnelle (incapacité à exprimer quoi que ce soit) et les crises de rage avec agressions verbales et/ou physiques. Le travail thérapeutique, facilitant l’expression des émotions dont la peur, la vulnérabilité et l’impuissance, permettra véritablement de diminuer les crises d’impulsivité et notamment les crises d’impulsivité auto agressives.