Relation incestueuse et passion toxique par Gérard Pirlot

03/05/2010
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Gérard Pirlot,

Psychiatre, psychanalyste (SPP), professeur de Psychologie clinique et interculturelle, Université Toulouse II, membre du Laboratoire de psychopathologie psychanalytique des Atteintes Somatiques et Identitaires (LASI), EA 4430, Paris Ouest Nanterre La Défense. PIRLOTG@aol.com

passions addictives, passions en négatif
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Mme Y est suivie depuis plusieurs années pour alcoolisme important qu’elle relie, avant son divorce, à une relation incestueuse à son père pendant 8 ans – de 8 à 16 ans – : aucune autre « passion toxique » dans sa vie, hormis celle de l’inceste et de l’alcool.

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Tout de suite apparaît un autre concept qui fait comprendre que cet excès reste peu mentalisé et psychisé, de là l’addiction – comme la somatisation : c’est celui de clivage, clivage mis en place face à des dangers, pour le Moi, provenant des motions pulsionnelles et ses dérivés, affects et fantasmes : fantasmes d’être un étron ou de coïter analement avec le père et le pénis maternel, comme l’a montré E. Hopper’, fantasme de tomber dans un puits sans fond chez les alcooliques décrits par M. Monjauzes, Shentoub et d’A. de Mijolla 6 ou encore fantasmes d’avoir un enfant du père par fellation ou en « bouffant » le sexe de ce dernier, comme chez certaines anorexiques 7.

Si clivage il y a, le travail analytique montre qu’il s’agit bien souvent de clivages « fonctionnels » comme dirait G. Bayle 8, et cela autant dans le Moi qu’entre instances de la première topique, aboutissant, comme les travaux de J. Mc Dougalll’ont montré 9, à remplacer toute émotion par la perception-sensation, du fait d’une faille dans la mise en œuvre des représentants-représentations de la pulsion et des affects.
Cette recherche de sensations d’excitation a été mise en évidence par Zuckerman afin, pensait-il, pour les sujets addictés, de maintenir un niveau élevé d’activation cérébrale (Zuckerman, 1971)10. Ainsi ayant recours à une économie de la perception, ces sujets, « esclaves de la quantité » comme l’a écrit M. de M’Uzan 11, luttent contre le vide psychique ou une dépression « blanche ». A titre d’analogie, citons A. Deburge-Donnars (1996), qui a qualifié de « mots-sensations » la formule à laquelle « s’addicte » véritablement l’amoureux ou l’amoureuse plongé(e) dans sa passion : « Dis-moi que tu m’aimes ».12

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6. Mijolla A. de et Shentoub S. A., (1973), Pour une psychanalyse de l’alcoolisme. Paris, Payot.
7. Combe C., (2002). Comprendre et soigner l’anorexie, Paris. Dunod ; Combe C., (2004), Comprendre et soigner la boulimie, Paris, Dunod.
8. Bayle G., (1996), Rapport du 56ème Congrès des psychanalystes de langues romanes : « Les clivages », Rev.fr psychanal, 60, n° spécial Congrès. pp. 1303-1547.
9. Mc Dougall J., (1974). »Le psyché-soma et le psychanalyste », NRP, n° 10. pp. 131-142. ; (1989), Théâtre du corps, Paris, Gallimard ; (2002), « L’économie psychique de l’addiction », Anorexie. addictions et fragilités narcissiques, Paris, PUF.
10. Au XIXe siècle, les stupéfiants étaient appelés les excitants. En 1838, Balzac écrivit un « Traité des excitants modernes » (eau-de-vie, rhé, café, tabac) et en 1845, Moreau de Tours dans son texte « Du haschish et de l’aliénation mentale », traitait également les stupéfiants et leurs aspects hallucinatoires d’excitants.
11. M’Uzan M. de, (1984), « Les esclaves de la quantité », NRP, n° 30, Paris, Gallimard, pp. 129-138 ; (1994), La bouche de l’inconscient, Paris, Gallimard. En 2004, reprenant la problématique des toxicomanes, M. de M’Uzan ajoutera « esclaves de la quantité « à rebours » (p. 136) ou « à défaut » » (p. 139) in « Addiction et problématique identitaire : « tonus identitaire de base » », in Aux confins de l’identité, Paris, Gallimard, 2005, pp. 132-141.
12. Deburge-Donnars A., (1996), « Dis-moi que tu m’aimes », Rev. fr. psychanal, 3, pp. 789-804. 

Définition – Alter ego

 subst. masc.
• POLITOL. (Espagne et Royaume des Deux-Siciles). Personne à qui le chef du gouvernement délègue les pleins pouvoirs pour agir en son nom. Synon. vice-roi, vice-président.
• Fam. Personne à laquelle un particulier accorde sa confiance et qu’il charge d’agir en son nom. C’est mon alter ego, c’est un autre moi-même.
• Dans la langue commune, l’expression renvoie à l’idée de substituabilité : l’ alter ego est celui qui peut faire et être à ma place. D’où l’ambiguïté : on insistera tantôt sur l’ego (l’autre moi, est un autre moi), tantôt sur l’alter (l’autre moi est un moi autre).
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People have different views on what exactly alter ego is. Here, we will talk about alter ego in the terms that it is a person that people create within themselves and relate to the person in terms of making it an ideal. Once a person creates an alter ego, they start dreaming about the same and living a life of their own with the alter ego. If you are wondering how alter ego is created, then here is some piece of information that can be of help to you.
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La définition d’un traumatisme ne dépend pas uniquement de l’événement mais de l’expérience subjective, donc de l’interaction entre la personne et son environnement. Une expérience traumatisante est toujours liée à un sentiment d’impuissance et de détresse. Il est typique pour un traumatisme psychique de se sentir absolument sans contrôle dans une situation qui est caractérisée par les éléments suivants (3) :

1. Submersion par des stimuli désagréables ;

2. Pas de possibilité de se défendre ;
3. Pas de possibilité de fuir.

Normalement, du point de vue biologique, nous sommes bien préparés pour nous défendre ou nous enfuir dans des situations critiques. Si aucune des réactions n’est possible, il reste la possibilité de se pétrifier (« freeze ») pour faire semblant d’être mort. Dans les situations sociales ceci n’est pas possible donc on peut imaginer que la dissociation, le retrait à l’intérieur, la fuite dans la fantaisie, la création d’un alter ego peut être le seul recours d’une personne emprisonnée dans une situation extrême. (3)
Le processus du traitement du contenu d’un traumatisme est caractérisé d’un côté par le désir d’oublier avec un comportement évitant la reproduction de situations qui rappellent le traumatisme et de l’autre côté par le désir de s’exprimer, de se rappeler et de parler des expériences traumatisantes. Ces deux réactions au traumatisme peuvent survenir en alternance et elles font partie d’un cycle qui maintient un niveau d’excitation élevé. À long terme, le comportement évitant empêche l’assimilation et l’intégration du traumatisme, ce qui participe à maintenir le niveau d’excitation chroniquement élevé. (3)
3. Imke Deistler und Angelika Vogler: Einführung in die Dissoziative Identitätsstörung – Multiple Persönlichkeit, Junfermann Verlag Paderborn (2005)