Inceste : la contagion épidémique du silence par Dorothée Dussy


Anthropologie et Sociétés, vol. 33, n° 1, 2009, p. 123-139.
Dans les sociétés occidentales, les situations avérées d’inceste se caractérisent exclusivement par des faits de viols ou d’agressions à caractère sexuel sur un ou plusieurs enfants de la famille.
Parfois, les agressions se poursuivent même une fois l’enfant devenu adulte, si ni lui, ni son agresseur, ni les circonstances n’y mettent fin. Dans de très rares cas, il arrive que de ces agressions initiales commence ce qui est ensuite vécu comme une liaison amoureuse. En revanche, il n’arrive jamais – les exceptions sont théoriquement toujours possibles quoique, une fois l’enquête menée, je n’en aie trouvé aucune occurrence – qu’un père et une fille, ou bien un frère et une soeur, ou encore une grand-mère et son petit-fils se marient, ou entament une liaison à un âge où les deux partenaires sont capables d’un consentement éclairé.
En tant qu’ethnologue qui décrit le monde social en m’appuyant sur le champ d’expériences des acteurs, je désignerai donc par le terme « inceste » les agressions sexuelles intrafamiliales commises sur des personnes mineures. La littérature qui traite de l’inceste dans sa dimension empirique, celle à laquelle je m’intéresse, a depuis longtemps montré la place centrale du silence entourant ces situations d’agressions répétées.
Émanant des disciplines de la santé mentale ou des mouvements féministes, et visant à améliorer la prise en charge des victimes et à prévenir de nouvelles situations d’inceste, la littérature a principalement discuté de la nécessité, individuelle et collective, thérapeutique et judiciaire, de sortir du silence.
Je souhaiterais ici décentrer l’objectif, et simplement explorer la dynamique qui habite le silence autour de l’inceste et qui le porte, dans la vie quotidienne des acteurs de notre monde social.
J’aborderai cette exploration selon trois registres d’observation.
• D’abord auprès d’enfants violés devenus adultes, pour lesquels, jusqu’à ce qu’ils aient révélé l’inceste, la question du « dire » constitue une thématique à la fois centrale et douloureuse.
• Ensuite, point de vue des anthropologues, dans la mesure où en tant que spécialistes de la formulation des règles sociales et théoriciens de l’interdit de l’inceste, ils sont des acteurs sociaux particuliers dont il est intéressant d’interroger le discours sur l’inceste.
• Enfin, à l’échelle collective, celle de la société, à l’heure où l’inceste marque régulièrement l’actualité.

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… une piste étymologique (vir : l’homme ; virtus : la puissance). En effet, le 
virtuel, c’est la potentialité du « en puissance » auquel ne s’oppose 
nullement le réel mais bien la mise en acte, l’actualisation. La 
graine qui contient virtuellement l’arbre est tout aussi réelle que 
ses éventuels avatars successifs ultérieurs. Plus encore, le bloc 
de marbre dans lequel le sculpteur anticipe sa création recèle 
virtuellement le buste qu’il projette. Ce dernier exemple est 
emblématique car il met en scène le désir de création et son 
guide, la représentation (-but2) qui substitue la présence à 
l’absence. On y voit bien comment la technique donne la main 
et l’outil à la désirance dans une simultanéité3 et une réciprocité 
à l’opposé d’un clivage psyché/technique si souvent source de 
méprises. On y perçoit aussi avec clarté, combien la mise en 
œuvre de l’acte est le fruit d’une « anticipation créatrice »4 dont 
la nature et le contenu sont le reflet authentique de la mémoire 
cognitive, affective, fantasmatique d’un individu indissociable de 
sa filiation et de son affiliation culturelle. Cette anticipation d’un 
prototype imaginaire s’enracine dans le substrat mnésique vir
tuels5. C’est une véritable simulation psychomotrice qui jette un 
pont entre les possibles du virtuel matriciel et les singularités de 
l’actualisation agissante.
Dans ce contexte sémantique, les sophismes pour souligner 
la soi-disante paradoxalité de l’intitulé récent de « réalité virtuelle » se font plus rares. Je la définis comme une construction 
mentale de l’observateur immergé physiquement dans des simulations sensorielles interactives (des artefacts technologiques) qui 
leurrent sa perception. La réalité virtuelle est donc un bon vieux 
simulacre, non pas de la réalité mais de la perception du corps 
mobilisé certes avec ses cinq sens (l’odorat résiste encore un 
peu ?) mais aussi ses « représentations d’actions6« .
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2 Freud S. (1900), L’interprétation des rêves, Paris, PUF, 1967.
3 « L’instance symbolisante est toujours déjà techonologique » dit bien J.-L. Weissberg dans sa contribution.
4 Missonnier S. (2001), Anticipation et périnatalité : prolégomènes théoriques in Pratiques Psychologiques, n°1, 17-30 et Cupa D., Deschamps-Riazuelo H., Michel F. (2001), Anticipation et création : l’anticipation parentale prénatale comme œuvre in Pratiques Psychologiques, 1. 31-42.
5 Bergson H. (1896), Matière et mémoire, Paris, PUF.
6 Freud S. (1900), L’interprétation des rêves, paris, PUF, 1967.
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