La troisième révolution engagée par la culture numérique est psychique par Serge Tisseron

Culture numérique : une triple révolution, culturelle, cognitive et psychique


Posté par Serge Tisseron le 7 juin 2012.

Les technologies numériques modifient enfin le fonctionnement psychique de plusieurs façons.
1. Tout d’abord, l’identité se démultiplie. Le Moi n’est plus la propriété privée d’un individu, mais une construction à chaque fois tributaire des interactions. Le psychisme humain est un dispositif d’interaction intériorisé qui se complète et se nuance sans cesse sous l’effet de nouvelles communications. A chaque moment, il en est de nos identités comme des vêtements dans notre garde-robe. Nous les essayons à la recherche de notre personnalité décidemment insaisissable. Les identités multiples et les identifications flottantes définissent une nouvelle normalité dont la plasticité est la valeur ajoutée, tandis que l’ancienne norme du « moi fort intégré » est disqualifiée en psychorigidité. Quant à la pathologie, elle ne commence que quand ses identités échappent au sujet et qu’il devient incapable de différencier le dedans du dehors, l’intériorité de l’extériorité.
2. Ensuite, avec les technologies numériques, le clivage s’impose comme mécanisme défensif prévalent sur le refoulement. Sur Internet, en effet, aucun contenu n’est réprimé et tous sont accessibles instantanément par l’ouverture d’une « fenêtre » : c’est le système « windows ». Or cette logique correspond exactement à ce qui se passe lorsque, dans le clivage, nous sommes capable de penser à une chose, et aussitôt après de l’oublier comme si elle n’avait jamais existée. Du coup, les contraires peuvent y coexister sans s’exclure. Cela renforce le processus du clivage aux dépends du refoulement, avec des effets considérables sur l’éducation.
3. Enfin, Internet reproduit la caractéristique de notre mémoire qui est d’être un espace d’invention permanente dans lequel rien n’est daté de telle façon que le passé peut toujours être confondu avec le présent. Alors que la culture du livre fait une grande place à la succession et à la narration (avec un avant, un pendant, un après et un conditionnel), celle des écrans se déroule dans un éternel présent.

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De l’emprise au « quant-à-soi » par Edith Lecourt

Connexions
2011/1 (n° 95)
216 pages
Editeur : Eres
I.S.B.N. 9782749214177

Partant de situations de l’actualité politique, la révolution en Tunisie, les mouvements en Algérie, en particulier, l’auteur s’interroge sur un fonctionnement psychique marqué par l’absence de « quant-à-soi ». Il relève, dans l’emprise, la confusion entre la personne et ses rôles et ses fonctions (l’individuel et le collectif). Reprenant le concept de clivage du moi de Freud, il en observe le peu d’adéquation avec ce type de situation. L’auteur reprend le débat et les propositions faites par C. Dejours concernant le clivage. D’autre part, il considère le rôle du réseau Internet comme réserve potentielle de « quant-à-soi » partagé au-delà des territoires nationaux. 

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