La double identité et les identités multiples par Edith Lecourt


p. 302
Il y a encore peu, les personnalités multiples étaient des phénomènes qui fascinaient autant les cliniciens que les romanciers et les cinéastes.
Sommes-nous en train de les prendre pour modèle ? Ou 
n’est-ce là qu’un jeu de société planétaire ?
Un grand auteur portugais, Fernando Pessoa, réalisa toute son 
œuvre littéraire sous le couvert, ou par l’intermédiaire, de plus 
d’une cinquantaine de noms d’auteur différents. La découverte de 
la malle qui permit de résoudre l’énigme de ces auteurs inconnus – 
qui se rapproche de ce que l’on appelle une « personnalité multiple » 
– fut pour certains de ses lecteurs un véritable choc : c’était donc lui, toujours lui, autant de fois lui, à l’origine de tous ces textes : un 
grand groupe. La malle, dans ce cas, pouvait contenir l’ensemble, 
regrouper les écrits, en cacher l’origine réelle aux yeux des curieux. 
Ce que ne fait pas l’ordinateur.
Certes, je l’ouvre, le ferme, y retrouve mes complices du virtuel mais, entre-temps, cet univers 
ne fait que grandir de façon exponentielle (mon blog est visité en 
permanence…). Les textes, les personnages « continuent leurs 
vies ». La maîtrise est ici impossible. Fernando Pessoa se retrouverait-il dans la pratique des avatars ?
Irvin Beartcat écrit à propos de la question de l’identité : « Le 
sujet qui parle ou dont il est question est un mélange entre la personne, le personnage, et le rôle qu’il s’agit de jouer dans le système » (dans Beau, 2007, p. 46).
Dans les jeux en ligne, dans les blogs, il reste, en parallèle, 
comme une sorte de garde-fou, la possibilité d’envoyer un mail, comme un sauf-conduit imaginé par les concepteurs. Ce qui institue d’emblée, même si ce n’est pas utilisé, une double relation. 
Bien sûr, l’adresse mail peut aussi faire l’objet d’une construction virtuelle par rapport à l’identité du sujet…


Beau, F. (sous la direction de). 2007 Culture d’univers. Jeux en réseau, monde virtuels, le nouvel âge de la société numérique, Paris, Dunod.
Bion, W.R., Recherches, sur les petits groupes, Paris, Puf, 1961, 1972, 1987.


Autres billets sur le livre Introduction à l’analyse de groupe
Introduction à l’analyse de groupe
Différences entre groupe réel (ou In Real Life) et 
groupe virtuel

Plus belle ma vie en ligne par Claire Ulrich

Le Monde, 17 novembre 2007

Bloguer, Mailer, chatter : tout ça est possible sur le web. Et bien plus encore : nouer de fortes amitiés, faire partie d’une communauté qui vous ressemble, partager ses joies et ses peines. Les rencontres et les plaisirs de la toile n’ont rien à envier à ceux de la vraie vie.
Claire Ulrich – Photos Reynald Drouhin
Les plus grands bonheurs de la vie en ligne, ce sont les rencontres, les 
conversations passionnantes et les amitiés tissées autour des blogs, avec des 
êtres humains enfin débarrassés de la quincaillerie des conventions, de l’âge, 
du physique et des hormones, du décalage horaire et de la distance. Ce n’est 
pas rien. Personne ne prend les amitiés virtuelles au sérieux mais je sais, avec une confiance qui n’a encore jamais été trahie, qu’en cas de besoin elles 
traversent le rideau des pixels et que sans jamais nous être vus nous nous 
reconnaissons. On peut en rire. Mais les profondes douleurs, comme les 
grandes joies, coulent aujourd’hui tout naturellement vers le Net !
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