25 nov. 2015 – II
Par Mélanie Talcott
Vert, Rouge, Bleu, Jaune… Kaléidoscope de couleurs dont l’union donne au blanc toutes ses nuances avant que le noir vienne lui dénier l’immaculé. Œil de cyclope aveugle… Des couleurs, nous ne captons que le nom et ignorons les chatoiements. Habitude morne de la vision. Voyants aux yeux crevés. Nous tâtonnons toujours dans la multiplicité de la lumière.
Quelle couleur sera donc capable d’éteindre de sa froidure la belle vigueur du rouge ? Parions sur le bleu ? !… Bleu comme l’azur inespéré de toutes les aubes. Nuit des temps. Indigo des songes qui collent aux dunes des déserts. Ardoises perdues des étoiles où tremble le feu des cheminées. Bleu de Prusse qui habille les novices et bleu de teinturier pour effacer les taches de myrtille. De cobalt ou d’outremer pour unir les profondeurs du ciel et de la terre. Et celui plus innocent qui barbouille d’un bleu de craie les doigts des écoliers. Bleu ciel qui dissimule dans ses plis le savoir du soufi et marine, celui du chant des sirènes. Bleu de l’asphalte vampé de pluie et bleu roi celui des faux aristocrates. Au bleu, les poissons dans les secrets des cuisines. Et violette foncée, la blessure peinte au méthylène. Et cet homme perdu, qui ne voyait plus que le bleu de sa confusion. Violacé, celui du froid et limpide, le bleu des larmes. Bleu vert, le chatoiement royal de la pariade du paon vaniteux et bleuâtre, la fumée de l’ultime cigarette. Pâleur de la turquoise et lividité de l’améthyste quand l’obscurité lui dénie toute magie. Uniforme de la désespérance de l’interne et bleus à l’âme de l’adolescence. Moisissure de la matière et papier bleu porteur de dépêches, bonnes ou mauvaises. Bleu-jean de la modernité. Bleu cyanure que celui des condamnés et bleu de chauffe, celui du travailleur. Houille bleue de toutes les mers prisonnière des rêves célestes. Bleu. Entre jeunesse et dernier soupir, rythme liquide et fondamental de nos états cristallins. Bleu, blues de toutes les mélancolies.
Tant de nuances pour tisser à l’intime le dialogue du blanc… La perfection n’existerait pas sans une quelconque disharmonie pour la rehausser. Un héros ne doit sa vaillance qu’au courage du traître qui le vend. Jaune de Judas et des chevaliers félons. Jaune, le briseur de grève et la couleur du passeport des forçats libérés. Paillettes aux doigts des orpailleurs. Rimailles de mauvaise fortune. Flambant, le soufre d’une idée distillée comme un poison bienfaisant et qui affiche ses venins sur des étoiles de carton. Jaune le vêtement de l’empereur de Chine et jaune, l’étoile médiévale de l’infamie. Safrané, celui de l’œuf primordial qui ne promettait rien d’autre que la multiplicité de ses fruits. Ocre doré, les graines du premier faux pas et métallique, l’éclat inventé du serpent. Or de la concupiscence qui achète tous les mensonges. Pénitence du pèlerin et graisses de l’opulence. Soupir de l’Orient là où le lœss se fait poussière aux limons du fleuve Jaune. Topaze du Brésil et topaze d’Espagne aux doigts usés des bourgeoises. Soulographie dorée du whisky aux pâleurs de l’aube. Jaune tango taillé dans le vif de la toile. Tournesols sublimes de Van Gogh. Halo de cheveux oxygénés qui retiennent l’or des jours. Ambre de la peau aux mains du désir. Brocart des camps antiques où la vie ne valait guère plus qu’une poignée de jaunets. Bouche d’or et vermeil du silence. Maquillage jauni du temps qui dissimule les rides de l’enfance évanouie. Clarté tremblante de la lampe comme un phare dans la nuit. Vibration ténue de nos défaites. Tentative d’évasion. Bile traitresse de l’espérance. Alchimie médiocre où le plomb ne se transforme jamais en or. Jaune. Lumière d’obscurité qui rompt les cycles tracés de nos destins.
Kaléidoscope de couleurs dont l’union donne au blanc toutes ses nuances avant que le noir vienne lui dénier l’immaculé. Œil de cyclope aveugle… Des couleurs, nous ne captons que le nom et ignorons les chatoiements. Habitude morne de la vision. Voyants aux yeux crevés. Nous tâtonnons toujours dans la multiplicité de la lumière
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