5/ Le clivage vertical par Vincent Estellon

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2. Le clivage vertical. – Cette notion ressemble à ce que Freud nomme le « clivage du Moi » : une partie de la psyché est tenue écartée d’une autre de manière à ce qu’aucune connexion ne soit possible entre les deux. Les effets dérivés de ce clivage sont proches de ce que Ferenczi note à propos du nourrisson savant (ou chez Winnicott avec le faux-self) : ceux d’une fragmentation du Moi.
Pierre Fédida1 donne un bon exemple de clivage vertical : il s’agit d’une secrétaire de direction qui entretient une relation affective et sexuelle avec le patron de son entreprise. Pour l’instant, rien de très surprenant. Mais voila le hic : en même temps qu’elle est la maîtresse de son patron, elle est la meilleure amie de la femme du patron. Lorsqu’elle revient d’un déplacement professionnel (qui lui a permis d’entretenir des relations sexuelles intenses avec son patron) la première chose qu’elle fait est de se rendre chez son amie (la femme du patron). Elle l’écoute se plaindre de son mari, est triste avec elle, est même capable de pleurer avec elle lorsque cette dernière soupçonne son mari de la tromper. Deux personnalités se mettent selon les circonstances à l’abri l’une de l’autre de sorte que la personne se vit comme « coupée en deux ».
Pierre Fédida montre dans ce très bel article comment l’humour en séance a progressivement permis à la patiente de faire communiquer des scènes qui étaient tenues absolument séparées par le clivage. On peut constater aussi combien lorsque le clivage menace de céder, que l’une des parties de sa personnalité commence à dialoguer avec l’autre partie, la patiente est dévastée par l’angoisse. Pour spécifier cette déchirure de la subjectivité, René Roussillon2 a proposé le terme de clivage au Moi plutôt que clivage du Moi. Le « clivage au Moi » insisterait sur la déchirure subjective entre une partie représentée et éprouvée et une partie non représentable, non élaborée, ni constituée dans la psyché.
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1. P. Fédida, « Le psychanalyste, un état limite? » in Transfert et états limites (sous la dir. de J. André), Paris, PUF, « Petite bibliothéque de psychanalyse », 2002.
2. R. Roussillon, Agonie. clivage et symbolisation, Paris, PUF, 1999.
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2 réflexions au sujet de « 5/ Le clivage vertical par Vincent Estellon »

  1. bonjour à vous, Didier, Emmanuelle

    Je « tombe » sur ce billet et passé le rire mais aussi le plaisir de lire ces mots, je me dis plusieurs choses: le chivage du moi/ clivage au moi ne me parlent guère, mais je ne suis pas assez informée encore de tous les tenants et aboutissants en psychiatrie………(je n’ai qu’une licence de lettres modernes)
    Ce qui m’intéresse par contre c’est cette notion de clivage vertical : c’est assez intéressant……………la symétrie fondamentale de l’humain, tout d’abord au plan anatomique a nécessairement des répercussions sur son fonctionnement psychique;on arrive à la notion d’état limite, border line: c’est vrai que c’est assez amusant d’imaginer cette patiente se confier en thérapie sur les scènes angoisssantes qu’elle livre à son soignant (heureusement qu’il y a de l’humour!!!!! sans quoi elle était fichue, cette secrétaire!!!) au sujet de sa relation sexuelle avec son patron et de son écoute amicale et attentive des doutes affreux de l’épouse dudit patron qui la trompe avec elle ( elle, id est la secrétaire, la patiente, sans doute éprouvant une réelle amitié pour l’épouse)
    donc le clivage vertical devient, j’ose tenter cette image: oblique, et la verticalité, et l’équilbre du moi s’en trouve bouleversé à tel point que l’ancrage n’est plus nulle part……..la pathologie mentale surgit nécessairement du moins des troubles sont nécessairement là et doivent se manifester pour répondre émotionnellement à la psychée et au corps fonctionnant soudainement de façon a-normale…

    je crois Monsieur Bois que « la secrétaire » (qui n’est pas plus cruche que vous , moi ou Freud), est consciente de ses deux personnalités, elle sait qu’elle couche avec le patron et qu’elle fait ding dong chez sa copine éplorée……. Ma question est sans doute étrange mais qu’entendez vous par un « psuedo Tdi »?

    trouble de l’intellect?

    le traumatisme doit être évoqué, oui avec comme toujours, les graves situations de violences subies, à mon avis.

    merci de ce billet, madame Césari

    amicalement,

    Camille, une fille du blog

  2. Je ne vois pas bien la différence avec un TDI, la secrétaire est-elle consciente de ses deux personnalités ?
    Ou faut-il le voir comme un pseudo TDI, sans les conséquences psychotraumatiques qui y sont liées ? pseudo TDI qui n’a pas été provoqué par une grave situation de violence ?

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