La danse classique et la respiration

photo 1©Sylvie Lagache

« Je danse, parce qu’aucune partie de mon corps doit rester sans le vécu du religio (lien au divin). »

Socrate

Méthode de conscience corporelle appliquée à la danse classique

Cette méthode qui unit danse classique et respiration utilise tous les codes et techniques de la danse classique conventionnelle (exercices, pas, enchainements et chorégraphies) ainsi que sa structure et déroulement de cours (échauffement sol, barre et centre).
 La différence est qu’on utilise la respiration avec le mouvement car un mouvement soutenu par la respiration (le souffle) apporte à la danse classique une dimension plus ample, plus puissante et en même temps plus légère. Cette méthode permet également d’intégrer le pratiquant dans sa totalité corps-mental- émotion.
J’ai développé et enseigné cette méthode au Brésil pendant 30 ans, dans différents endroits : d’abord au sein d’une compagnie de danse moderne professionnelle le “Ballet Stagium”, puis dans mon école de danse “Espace Sylvie Lagache” à São Paulo. Elle a été enseignée aussi au cours d’un atelier donné aux danseurs du Théâtre Municipal de São Paulo.
Elle est née d’une rencontre “Occident-Orient” qui m’a fait intégrer mon vécu de danse classique à l’hatha yoga appliqué à la danse classique de Lilian Arlen, l’aïkido de maitre Noro et le qi gong. Cette méthode propose un travail du corps qui ne passe plus par un entrainement intensif musculaire, mais énergétique en utilisant les centres d’énergie : du coeur, plexus solaire et abdominal (centre de gravité – hara) comme moteurs du mouvement, unifiés par la respiration. Cependant cette méthode de conscience corporelle ne focalise pas sur la performance technique mais sur la qualité du mouvement dans son authenticité.
En fait cette méthode a connu ses débuts en France quand j’étais danseuse, à l’âge de 21 ans et quand j’ai connu la pratique de l’aïkido, un art martial de défense, avec Maître Noro. Ainsi, très rapidement j’ai introduit la respiration aux mouvements de danse de base classique. Tous les exercices et les propositions de mouvements suivent le même principe, à savoir : le recueillement à l’inspiration et l’expansion à l’expiration. C’est aussi le principe du tai chi chuan, à la différence que la danse utilise des rythmes et des intensités variés, liés à des émotions, des sensations, des ressentis. Elle n’a pas un mouvement linéaire comme le tai chi, mais au contraire, est basée sur des contrastes: le lent/le rapide ; le léger/le lourd ; le haut/le bas ; le continu/ la rupture; le posé/le soudain; le prévisible/l’imprévisible, etc.. c’est comme une composition musicale en mouvement.
C’est aussi un travail qui se projette dans l’espace en utilisant des intensités énergétiques différentes, principalement le léger et le fort qu’on pourrait associer au féminin et au masculin, ou bien en langage oriental : au ying et au yang et en langage symbolique : au ciel et à la terre.
On se projette
On saute
On tourne
On s’équilibre .
Pour travailler l’équilibre, j’utilise des exercices de hatha-yoga appliqués à la danse classique – méthode de Lilian Arlen – qui focalise la concentration mentale et la tonicité du plexus solaire (à la hauteur de l’estomac).
Un autre aspect important de cette méthode, c’est le jeu de mouvements de la cage thoracique et du bassin amplifié par la respiration. En effet, la danse classique utilise ces deux parties plutôt comme un seul bloc et explore par contre beaucoup les jambes et les bras. Personnellement je focalise la cage thoracique que je considère la maison de nos sentiments, de notre âme et l’expression du bassin liée à nos émotions plus primitives, à la terre, dimension très manifestée dans les danses africaines, par exemple. Le mouvement des bras part de la cage thoracique et se projette dans l’espace ; le mouvement des jambes part de l’abdomen, du centre énergétique vital (hara en art martial) pour faire contact avec le sol et donner de l’impulsion aux pas. Les extrémités: bras et jambes ne sont donc pas des centres moteurs ni conducteurs comme dans la danse classique conventionnelle, mais ils sont le prolongement du centre du cœur pour les bras et du centre abdominal pour les jambes. De cette manière cette danse acquière de la vitalité, conduite par l’énergie et non par l’effort musculaire. Elle devient vivante, respire et dépasse, par là-même, un concept d’esthétisme purement formel.
Ainsi nous pouvons nous élever vers le ciel (cage thoracique+ respiration et prolongement dans les bras) ; s’enraciner dans la terre (bassin,  jambes et pieds) et s’épanouir comme une fleur qui s’ouvre. C’est donc une danse qui nous permet d’être dans le mouvement présent et en même temps de le transcender, d’où s’inscrit sa dimension humaine et spirituelle.
Indépendamment de sa beauté, la danse quand elle travaille le côté organique, améliore la santé, en commençant par la respiration, qui oxygène le sang, les organes et les muscles. La respiration abdominale libère les tensions qu’elle rencontre sur son passage au lieu de contracter les muscles abdominaux et fessiers comme le fait la danse classique ou la gymnastique olympique. La partie émotionnelle se développe quand le corps est plus libre. Le mental s’ouvre par l’oxygénation du cerveau qui contribue au développement de la conscience, ce qui nous empêche de nous limiter à un entraînement mécanique. Ressentir le mouvement à travers la respiration ou sentir la respiration traverser le mouvement, permet d’éveiller notre potentiel créatif et intègre notre corps-mental-émotion. Le pratiquant se rencontre alors dans sa totalité corps-âme-esprit, expression de son essence humaine, conforme a considéré Fançois Delsartre au XIXème siècle.
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©Sylvie Lagache

Vendredi 13 mai 2016 — Comment l’art peut-il aider les personnes en situation de fragilité ? 2ème partie

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Émission du Vendredi 13 mai 2016

Comment l’art peut-il aider les personnes en situation de fragilité ?

Nicole Vincent de Boissac, vice-présidente de VS Art, Volontariat et soutien par l’Art,
Sylvie Lagache, Danse thérapeute,
Christophe de Vareilles, artiste accompagnateur.


43 minutes

Il y a une formation pour être Art-thérapeute ?

SL : Oui absolument, d’abord il y a plusieurs formations, mais il y en a une qui est officielle en France qui a commencé il y a cinq ans et dont je fais partie de la première promotion, à l’université de médecine Paris Descartes dans le Pôle Paris PRES Sorbonne Cité, C’est un master et actuellement les premiers docteurs vont sortir.
C’est très important de le dire, parce que justement c’est pour aussi nous faire reconnaître en tant que professionnel au sein des hôpitaux, des institutions médicalisées.

Je reprends pour nos auditeurs : il y a un diplôme, il y a une fédération professionnelle des art-thérapeutes, même s’il y en a plusieurs avec un annuaire qui est un peu compliqué à consulter

SL : Il n’y a pas encore de statut professionnel, les personnes qui font de l’Art-Thérapie ne sont pas remboursées par la sécurité sociale, comme un kinésithérapeute par exemple, ou comme un psychologue, mais c’est en voie de l’être. Et j’insiste sur l’importance que l’Art-Thérapie est une profession. On a tendance à assimiler l’Art-Thérapie au bénévolat, bon c’est bien quand on peut en faire aussi, mais c’est une profession, les gens ont besoin de vivre de ça. Ça demande une formation difficile, laborieuse, complexe, longue et en même temps qui demande beaucoup de disponibilité comme Christophe de Vareilles l’a dit, c’est une profession centrée sur l’autre, ce n’est pas facile. On accompagne des cas dès fois difficiles, donc l’importance d’être reconnu en tant que tel et d’être bien rémunéré pas en tant qu’animateur artistique qui est une autre chose, mais comme Art-Thérapeute.

Justement je vais vous demander Christophe de Vareilles si vous partagez le même constat ?

Évidemment pour moi la formation c’est important et ceux qui m’ont le plus formé ce sont les personnes que j’ai accompagné et d’être suivi soi-même, d’être supervisé soi-même. Ce sont des rencontres qui peuvent-être extrêmement corrosives, qui peuvent-être très impactantes quand on accompagne semaines après semaines ou au quotidien des gens qui ne vont pas bien, on peut petit à petit se laisser très envahir par la souffrance de l’autre et quelques fois sans s’en apercevoir. Il y a des choses sur lesquelles il faut être vigilant d’où l’intérêt de ne pas se contenter d’une formation initiale qui n’est jamais malvenue, mais de veiller à ce que régulièrement toute ette tension qu’on porte soi quelque chose que nous transformons et qui nous transforme.

Christophe de Vareilles, d’un point de vue reconnaissance, en tant qu’Art-Thérapeute, vous sentez-vous reconnu aujourd’hui ?

Ch de V. : En fait, c’est très hétérogène, il y a des endroits où l’Art-Thérapie est très reconnue et d’autres endroits où l’on considère que si vous êtes Art-thérapeute, surtout ne prenez pas la place des psychiatres ou bien des psychologues, c’est chasse gardée. C’est très variable. J’ai travaillé pendant dix ans dans un service d’alcoologie où la place de l’Art-Thérapie était tout à fait reconnue au sien du service. Régulièrement le service envoyait des patients et en même temps ça pouvait ne pas être du tout reconnu par le service d’à côté, pour qui l’atelier c’est un atelier et il n’y a pas besoin d’avoir une formation pour faire de la barbouille. Tous ces lieux-communs qui trainent et qui sont un peu nuisibles.
SL : La musicothérapie et l’art-plastique-thérapie sont beaucoup plus reconnus que la danse-thérapie.

Contrainte physique

Travail avec le corps, qu’est-ce qu’on va faire ? On va danser, c’est quoi danser alors qu’on oublie le processus de neuro-miroir, c’est-à-dire que quand un patient voit quelqu’un danser devant lui, ça s’enregistre dans on corps à lui. Ça a peut le transformer, ça peut lui faire vivre des émotions et des ressentis. Ça fait partie des neurosciences, c’est important et le contact avec le corps.

Sylvie Lagache si vous avez deux petits mots pour la fin

SL : Je dirais pour rebondir sur ce que Christophe de Vareilles vient de dire que la relation est basée sur l’écoute et l’empathie.