Vendredi 13 mai 2016 — Comment l’art peut-il aider les personnes en situation de fragilité ? 1ère partie

220px-Radio_Notre_Dame

Émission du Vendredi 13 mai 2016

Comment l’art peut-il aider les personnes en situation de fragilité ?

Nicole Vincent de Boissac, vice-présidente de VS Art, Volontariat et soutien par l’Art,
Sylvie Lagache, Danse thérapeute,
Christophe de Vareilles, artiste accompagnateur.


Sylvie Lagache Danse-thérapeute, bénévole également à l’association Art Thérapie Virtus. Comment êtes-vous tombée sur l’Art-Thérapie Sylvie Lagache ?

Je suis désolé, c’est brute comme première question, mais on y va comme ça.

SL : Bon, je ne suis pas tombée en fait, c’est un processus, je dirais de continuation de ma profession à l’époque, quand j’étais jeune. J’étais danseuse classique, j’ai commencé comme danseuse classique, je me suis réalisée comme danseuse classique et je me suis aperçue que ce que j’aimais vraiment, ce n’était pas la scène, mais les relations humaines. Donc, c’est à partir de là que j’ai intégré des techniques orientales, et je me suis aperçue que ça mobilisait des processus thérapeutiques, c’est-à-dire, au niveau même du corps, le corps s’assouplit d’une façon différente. On peut intégrer principalement l’émotion. Petit à petit je suis devenue Danse thérapeute.
Ça ne se fait pas comme ça, c’est un processus qui passe par la recherche de réponse à des souffrances personnelles.

Et puis il y a un engagement personnel aussi.

Pourquoi vous êtes-vous rendue au Brésil ?

SL : Simplement parce que j’ai rencontré un brésilien à Paris quand j’avais 23 ans, je me suis mariée et le Brésil m’attirait en plus.

J’imagine que le rapport danse et Brésil ce n’est pas un hasard non plus.

SL : Oui et principalement je dirais que le Brésil est un pays ouvert à toutes techniques et à toutes nouvelles démarches, c’est-à-dire qu’il n’y a pas la résistance au nouveau. J’ai pu développer un travail professionnel en toute liberté et en toute réceptivité.

La capoeira c’est pas dans votre rayon ? C’est un combat en fait.

SL : Je connais bien, mais c’est un combat exactement.

…/…
J’aimerais qu’on s’aventure un petit peu du côté de la Danse-Thérapie.

Il existe une formation d’Art-thérapeute, du côté des déclinaisons je vais trouver danse-thérapie, arts-plastiques thérapie, musicothérapie, dramathérapie et également l’écriture.
Juste pour une définition générale de l’Art-Thérapie, quelle est la votre ?

SL : L’art n’est pas une finalité, mais c’est un moyen et le but, c’est la thérapie, c’est le soin. C’est-à-dire que la personne avec certains soins, une attention, rentre dans un processus de transformation. Ce n’est pas basé sur des connaissances extérieures de la personne, mais on va puiser à l’intérieur de la personne tous ses ressentis, ses vécus, son histoire intérieure. C’est essentiellement basé sur le soin, ça requière énormément d’écoute. Plus que d’emmener la personne quelque part, on va l’accompagner. C’est un peu différent de la démarche d’un artiste qui n’est pas formé pour écouter, il montre son art, il est plutôt démonstratif, il a besoin d’ailleurs de montrer son art.

Ça dépend s’il est pédagogue !

SL : Oui mais par exemple si on est un professeur de danse, on va enseigner une technique et les personnes vont entrer dans une technique pour arriver à l’aboutissement d’une technique qui va être l’expression de l’Art. Un Art-thérapeute ne va pas enseigner et ne va pas chercher des résultats. Un professeur va attendre des résultats qui exigent beaucoup de technique alors que la Danse-Thérapie utilise certains outils pour que la personne puisse s’exprimer et exprimer ses émotions, ses ressentis et sa sensibilité, la technique est au service de l’émotion. On attend jamais un résultat parce que l’important est de mettre la personne dans un processus d’ouverture, qu’elle se sente accueillie, écoutée, acceptée, aimée, peut-être plus que pour des personnes non fragilisées. Un Art-thérapeute a besoin aussi de notions psy, une formation de psychologie, de psychothérapie sur les processus de psychosomatisation, de lecture pschocorporelle. Il faut qu’il soit vraiment en l’état d’accueillir l’autre, d’être vidé en lui-même, laisser l’autre entrer en lui pour pouvoir échanger au niveau de l’empathie.

On appelle ça le dialogue à cœur ouvert ici à Radio Notre-Dame

…/…
Et vous vous intervenez où Sylvie Lagache ?

SL : Actuellement j’interviens dans des institutions médicalisées IME – Institut Médico-Educatif, CAJ – Centre d’accueil de jour, FAM – Foyer d’accueil médicalisé. Ce sont des institutions qui travaillent avec des personnes handicapées physiques et mentales.

Principalement dans le milieu médical vous avez déjà aussi exploré en dehors du milieu médical ?

Oui, j’ai fait ça toute ma vie et j’ai travaillé aussi avec des personnes qui ont un cancer du sein – ça c’est très bien parce que la danse travaille sur la reconstruction d’un schéma corporel – quand on est opérée du sein, on a quand même une mutilation, on a des problèmes de symétrie, ce qui est physique, mais aussi on a un problème d’image de soi, d’estime de soi parce qu’on se sent une femme un petit peu déformée ; est-ce que je vais plaire encore, est-ce que je ne vais pas plaire ? La féminité est vraiment remise en question donc on aide à reconstruire cette image et reconstruire un corps plus équilibré, plus coordonné. Et en plus, je dirais qu’on peut créer des groupes de Danse-Thérapie, avec des personnes comme nous qui n’ont pas forcément des pathologies, mais qui désirent travailler sur leurs émotions, parce qu’on a tous un peu de difficultés un peu de blocage, dus à une éducation sociale qui nous oblige à “ne pas dire ceci, ne pas faire cela”. Qu’est-ce que l’autre va penser de moi ? Donc tout ça va créer certains blocages au niveau de l’expression de l’être. La danse thérapie peut aider.

C’est un vocabulaire non verbal et quand vous insultez quelqu’un ?

SL : Oui, on peut même faire des sons, les sons font partie du travail, de la respiration. Ce n’est pas seulement un travail individuel, certes il y a tout un travail sur soi, on se connaît, on se perçoit, on déroule sa perception intérieure, on entre en contact avec ses ressentis, mais il y a aussi un travail avec l’autre, c’est-à-dire en miroir ou en accordage. On se voit à travers l’autre, mais en même temps on échange, on passe un moment. On suit l’autre et à un autre moment on est suivi. Ça nous apprend à changer de rôle dans la vie, parce que parfois on est un leader et on a tendance à étouffer les autres, ou au contraire, on est très passifs et on a des difficultés à s’imposer. Donc on a toujours cet échange et on a le donner et le recevoir. Parfois on a plus de facilité à donner qu’à recevoir ou vice et versa, donc on apprend cet échange et à la fin on a toujours un travail de cercle, de groupe où tout le monde est réuni avec le même rythme, dans la même cadence et ça peut amener à une meilleure intégration sociale. Si une personne n’arrive pas à suivre le rythme, on diminue le rythme jusqu’à intégrer cette personne. Donc il n’y a pas de personne exclue comme dans un cours de danse, ce qui est normal puisqu’il y a des personnes plus efficaces, plus performantes, et ceux qui ne suivent pas sont envoyés sur le banc. Au contraire on ralenti pour que la personne ne se sente surtout pas exclue ou moins efficace ou moins compétente qu’une autre.

…/…

au téléphone :
Christophe de Vareilles Art-Thérapeute
http://www.christophe-de-vareilles.com/
Formateur pour un Master d’Art-Thérapie en Espagne.

Est-ce qu’il y a des différences fondamentales entre l’art thérapie pratiquée en France et celle pratiquée en Espagne

Non, il n’y a pas de différences fondamentales. Il y a déjà beaucoup de différences entre les différentes Art-Thérapies qui sont pratiquées en France. Ce que je soutiens comme approche est très centré sur la personne et l’accompagnement de la création de la personne.

La personne qui va créer elle-même quelque chose dans un but d’estime de soi, dans un but d’aller mieux, c’est comme ça que vous le résumeriez vous aussi Christophe de Vareilles ?

Oui, ça peut être à terme d’aller mieux, ça peut être aussi de changer, ça peut être partir dans une exploration de soi, ce qui va effectivement nous amener à découvrir des parties de soi qui étaient un peu inexplorées, un peu inhabitées et ça peut amener un certain inconfort aussi. Je trouve ça important de ne pas seulement nommer le côté oubli, agréable et confortable de la création, il y a aussi quelque chose d’une espèce de risque qui peut être à la fois stimulant et inquiétant.

Vous êtes artiste peintre, vous êtes vraiment basé sur la création artistique par la peinture et notamment par l’Art-Thérapie peinture où vous êtes allé ailleurs sinon ?

Ch de V : je suis de plus en plus intéressé par le “je/jeux” qu’il s’agit de réinstaurer, comme si la création était une forme de jeux. Avec ce que j’ai qui est là devant moi, qu’est-ce que je peux réinventer avec ce qui est sur la table ? Et en fait c’est d’apprendre à jouer avec des choses, jouer avec des couleurs, jouer avec de matériaux, mais du coup, c’est exercer de la liberté, c’est, petit à petit, avec le peu de liberté que j’ai aujourd’hui, est-ce que je peux petit à petit muscler ma liberté, explorer, faire un pas de plus et découvrir comme ça des aspects de soi en fait ?

Vendredi 13 mai 2016 — Comment l’art peut-il aider les personnes en situation de fragilité ? 2ème partie

220px-Radio_Notre_Dame

Émission du Vendredi 13 mai 2016

Comment l’art peut-il aider les personnes en situation de fragilité ?

Nicole Vincent de Boissac, vice-présidente de VS Art, Volontariat et soutien par l’Art,
Sylvie Lagache, Danse thérapeute,
Christophe de Vareilles, artiste accompagnateur.


43 minutes

Il y a une formation pour être Art-thérapeute ?

SL : Oui absolument, d’abord il y a plusieurs formations, mais il y en a une qui est officielle en France qui a commencé il y a cinq ans et dont je fais partie de la première promotion, à l’université de médecine Paris Descartes dans le Pôle Paris PRES Sorbonne Cité, C’est un master et actuellement les premiers docteurs vont sortir.
C’est très important de le dire, parce que justement c’est pour aussi nous faire reconnaître en tant que professionnel au sein des hôpitaux, des institutions médicalisées.

Je reprends pour nos auditeurs : il y a un diplôme, il y a une fédération professionnelle des art-thérapeutes, même s’il y en a plusieurs avec un annuaire qui est un peu compliqué à consulter

SL : Il n’y a pas encore de statut professionnel, les personnes qui font de l’Art-Thérapie ne sont pas remboursées par la sécurité sociale, comme un kinésithérapeute par exemple, ou comme un psychologue, mais c’est en voie de l’être. Et j’insiste sur l’importance que l’Art-Thérapie est une profession. On a tendance à assimiler l’Art-Thérapie au bénévolat, bon c’est bien quand on peut en faire aussi, mais c’est une profession, les gens ont besoin de vivre de ça. Ça demande une formation difficile, laborieuse, complexe, longue et en même temps qui demande beaucoup de disponibilité comme Christophe de Vareilles l’a dit, c’est une profession centrée sur l’autre, ce n’est pas facile. On accompagne des cas dès fois difficiles, donc l’importance d’être reconnu en tant que tel et d’être bien rémunéré pas en tant qu’animateur artistique qui est une autre chose, mais comme Art-Thérapeute.

Justement je vais vous demander Christophe de Vareilles si vous partagez le même constat ?

Évidemment pour moi la formation c’est important et ceux qui m’ont le plus formé ce sont les personnes que j’ai accompagné et d’être suivi soi-même, d’être supervisé soi-même. Ce sont des rencontres qui peuvent-être extrêmement corrosives, qui peuvent-être très impactantes quand on accompagne semaines après semaines ou au quotidien des gens qui ne vont pas bien, on peut petit à petit se laisser très envahir par la souffrance de l’autre et quelques fois sans s’en apercevoir. Il y a des choses sur lesquelles il faut être vigilant d’où l’intérêt de ne pas se contenter d’une formation initiale qui n’est jamais malvenue, mais de veiller à ce que régulièrement toute ette tension qu’on porte soi quelque chose que nous transformons et qui nous transforme.

Christophe de Vareilles, d’un point de vue reconnaissance, en tant qu’Art-Thérapeute, vous sentez-vous reconnu aujourd’hui ?

Ch de V. : En fait, c’est très hétérogène, il y a des endroits où l’Art-Thérapie est très reconnue et d’autres endroits où l’on considère que si vous êtes Art-thérapeute, surtout ne prenez pas la place des psychiatres ou bien des psychologues, c’est chasse gardée. C’est très variable. J’ai travaillé pendant dix ans dans un service d’alcoologie où la place de l’Art-Thérapie était tout à fait reconnue au sien du service. Régulièrement le service envoyait des patients et en même temps ça pouvait ne pas être du tout reconnu par le service d’à côté, pour qui l’atelier c’est un atelier et il n’y a pas besoin d’avoir une formation pour faire de la barbouille. Tous ces lieux-communs qui trainent et qui sont un peu nuisibles.
SL : La musicothérapie et l’art-plastique-thérapie sont beaucoup plus reconnus que la danse-thérapie.

Contrainte physique

Travail avec le corps, qu’est-ce qu’on va faire ? On va danser, c’est quoi danser alors qu’on oublie le processus de neuro-miroir, c’est-à-dire que quand un patient voit quelqu’un danser devant lui, ça s’enregistre dans on corps à lui. Ça a peut le transformer, ça peut lui faire vivre des émotions et des ressentis. Ça fait partie des neurosciences, c’est important et le contact avec le corps.

Sylvie Lagache si vous avez deux petits mots pour la fin

SL : Je dirais pour rebondir sur ce que Christophe de Vareilles vient de dire que la relation est basée sur l’écoute et l’empathie.