Le livre « Le Lambeau », comme une thérapie pour Gaëlle, 36 ans, rescapée du Bataclan

Le livre « Le Lambeau », comme une thérapie pour Gaëlle, 36 ans, rescapée du Bataclan
Edité par Alexandra du Boucheron & Sandrine Etoa-Andegue
08/05/2018
Gaëlle, blessée lors de l’attentat du Bataclan a dévoré « Le Lambeau », le récit de Philippe Lançon, rescapé de l’attaque contre Charlie Hebdo la même année.
Récit dense d’un rescapé meurtri dans sa chair lors de l’attentat du 7 janvier 2015 au siège du journal Charlie Hebdo, Le Lambeau (éd. Gallimard, 19 avril 2018) est le livre dont tout le monde parle et dont le lecteur ne ressort pas indemne. Son auteur, Philippe Lançon, écrivain et journaliste à Libération et Charlie Hebdo, raconte avec minutie et un pouvoir d’évocation puissant, le carnage, sa vie d’avant et le lent travail de reconstruction physique et psychique.
L’ouvrage, tiré à 30 000 exemplaires, a été réimprimé deux fois et s’est vendu à 75 000 exemplaires. Gaëlle aussi a traversé cette épreuve tragique. Grièvement blessée au Bataclan le 13 novembre 2015, elle a croisé Philippe Lançon à l’hôpital. La lecture du livre l’a bouleversée. Le Lambeau, c’est aussi son histoire.
Le Lambeau est posé sur la table basse de son salon. Gaëlle a lu les plus de 500 pages du roman en 10 jours. La nuit surtout. Elle a même noté certains passages dans un carnet. « C’est quand le terroriste était dans la salle et tirait sur les gens. Lui, explique qu’il voyait deux jambes noires et le bout de son fusil, et qu’il faisait le mort. En fait, c’est exactement ce que j’ai dû faire pour ne pas y rester. Il écrit : ‘Je me croyais toujours étranger à toute blessure. J’étais blessé pourtant. Assez immobile et la tête baignant probablement déjà dans assez de sang pour que le tueur n’ait pas jugé nécessaire de m’achever. »

« Ça a été dur de le lire et, en même temps, je me suis dit : ‘Lui aussi a fait ça.’ Faire le mort a un sens quand même fou. »

Gaëlle à franceinfo

Les balles des terroristes ont atteint Philippe Lançon et Gaëlle aux mêmes endroits. Le côté gauche de la mâchoire arrachée de la jeune maman de 36 ans se reconstitue lentement comme un puzzle de chair. Son bras gauche, qui tient avec une plaque et une dizaine de vis, est encore douloureux. Elle doit subir sa 22e opération chirurgicale mi-juin.

Les mots de l’écrivain, la vérité du rescapé

« Moi aussi, à l’époque, j’avais voulu tenir un journal, confie Gaëlle. Je me suis dit que de toute façon je m’en souviendrai. En fait, aujourd’hui, je me rends compte que j’ai complètement enfoui tout ça. »
« Il a fait ce travail un peu de mémoire auquel je m’identifie complètement. De façon ultra-réelle. Un réel un peu âpre, un peu infernal. »

Gaëlle à franceinfo

« Il a un talent d’écrivain et à ce titre, ça aide, poursuit-elle. Ça aide à comprendre et à mettre des mots sur des choses que l’on a en soi mais dont on ne parle pas forcément, soit parce qu’on n’a pas envie, soit parce qu’on ne sait pas. »

La lecture comme une thérapie

L’écriture de ce récit, intense, traversé par des références littéraires et musicales (Proust, Kafka, Bach), a sauvé Philippe Lançon. Pour Gaëlle, c’est une thérapie. « Il fait comprendre la violence, la souffrance, la solitude… Toutes ces notions-là, mais sans que ce soit finalement si lourd à porter. C’est ça qui m’a plu. »

« Ce n’est pas dans le mélodramatique. Il apprend à affronter sa gueule cassée. »

« C’est tout ce cheminement-là qui est un peu effroyable, mais ça sert pour avancer », affirme la jeune femme qui a prévu de lire Le Lambeau une seconde fois : « Je vais le relire avec encore plus d’attention. Là, j’ai mangé le livre parce que j’avais besoin d’aller au bout et aussi pour intégrer la dimension littéraire qu’il donne à ses descriptions et aussi pour me cultiver », conclut-elle dans un rire.

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Rescapée des attentats, elle ne veut pas parler de « monstres » mais d’êtres humains


Pas monstres mais êtres humains
Cette rescapée des attentats du 13-Novembre ne veut pas parler de « monstres » mais d' »êtres humains »
Invitée de l’émission « Clique Dimanche », diffusée ce dimanche 12 novembre sur Canal+, Caroline Langlade, rescapée de l’attentat du Bataclan en 2015, parle des terroristes qui ont semé la mort à Paris. « Je ne parle pas de monstres, je refuse ce mot-là. Les gens qui nous ont tiré dessus sont des êtres humains et c’est ce qui pose une vraie question derrière », explique-t-elle notamment.

Essayez de comprendre ne veut pas dires excuser, ça veut dire essayer de lutter contre.
Le soir du 13-Novembre, je me suis retrouvée face à face avec l’un des terroristes. Ce que j’ai vu, c’est un jeune de mon âge, qui a grandi dans un pays qui est similaire au mien, qui est la Belgique, un jeune qui a un visage qui ressemble à ceux de mes amis, mais avec un regard vide, un regard vidé d’humanité. Moi j’ai eu ce même regard pendant des semaines après le Bataclan.