« Pour ne pas donner raison à trois abrutis », Jérémy retournera voir Eagles of Death Metal

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Jérémy

Jérémy « va mieux ». Il s’affaire pour envoyer des chocolats aux habitants du 11e arrondissement qui lui ont ouvert leurs portes après qu’il a fui l’enfer du Bataclan, pris d’assaut par trois terroristes, le soir du 13 novembre. Signe que l’heure est à la reconstruction. « Ma mère aussi m’a dit que j’avais meilleure mine », plaisante le jeune homme de 26 ans. Son visage blême et son teint livide des jours qui ont suivi l’horreur ont laissé place à un beau sourire et des yeux verts et rieurs. Plus encore, le 16 février, Jérémy Maccaud ira au concert des Eagles of Death Metal (EODM), à l’Olympia, avec son meilleur ami et son oncle, qui l’accompagnaient ce soir-là.

Après avoir banni le métro pendant un mois et accepté les médicaments qui le faisaient dormir, le jeune homme se sent à présent libéré de son sentiment de culpabilité, prêt à renouer avec le groupe de rock qui l’électrise depuis l’adolescence. Parce qu’il ne veut pas « donner raison à ces connards », parce qu’il « ne veut pas renier » qui il est « pour trois abrutis ». Si une partie de son insouciance est restée dans la salle de spectacle du Bataclan, sa passion des concerts demeure irrépressible.

« Tu connais ce petit groupe de rock ? »

Celle pour les Eagles of Death Metal prend sa source le 31 mai 2008, au Pinkpop Festival, aux Pays-Bas. Jérémy a 19 ans, et l’ivresse des concerts le consume déjà. Entouré de ses deux amis de toujours, le jeune homme attend le début du show des Eagles of Death Metal, au premier rang. Avec l’assurance d’un adolescent qui s’offre ses premiers moments de liberté, Jérémy lance un cri de guerre, qui couvre les paroles de Jesse Hugues : « Ok, now, we’re ready for rock’n’roll ! »

« Cette même année, je faisais un long trajet en voiture avec mon oncle, quand il m’a demandé fièrement si je connaissais ce petit groupe de rock qu’il adore : les Eagles of Death Metal », raconte Jérémy.

Le jeune homme lui répond, moqueur, qu’il les a déjà vus en concert. Les deux hommes passent la fin du trajet à écouter religieusement l’album.
Il faudra attendre sept ans pour que le neveu et son oncle communient une nouvelle fois ensemble sur le son du groupe. C’était le 7 juin 2015, au Trianon, à Paris. Ce soir-là, Josh Homme est présent, chose rare.

« C’est lui qui a créé le groupe avec le chanteur. Il est surtout le leader de Queen of The Stone Age, l’un de mes groupes favoris, si ce n’est mon groupe favori », renseigne Jérémy.

Si le jeune ne cache pas son admiration pour Josh Homme, il reconnaît que sa présence ce soir-là « ne participe pas forcément à la force du groupe ». Son meilleur concert sera celui du Bataclan, en novembre, « avant que tout ne parte en vrille ». Le 13 novembre à 20 h 58, Jérémy immortalise le début du concert. À 21 h 41, il prend la dernière photo du show avant le bain de sang, cinq minutes plus tard. Entre les deux photos, « sept morceaux, cinquante minutes de bon son », résume le jeune homme, qui était accompagné ce soir-là de son meilleur ami, de son oncle et de la compagne de ce dernier.

Réfugié dans la loge VIP

Généralement, où qu’il se trouve, le groupe assure à son public qu’il est le meilleur jamais connu. « Mais cette fois, ils en font vraiment des tonnes, c’est hilarant. Entre le moment où le leader arrive sur scène, où il envoie des baisers en mettant sa main sur le cœur, et celui où il prend sa guitare pour commencer à jouer, il s’est écoulé plusieurs minutes. Entre deux morceaux, Jesse Hugues essayait d’envoyer un de ses médiateurs à un fan sur un balcon. Il lui en a envoyé plusieurs dizaines avant d’y arriver », raconte Jérémy, se remémorant un « très très très bon moment ».
La suite du concert, tragique, est connue de tous. Quand trois terroristes font irruption dans la salle de spectacle et tirent sur la foule, Jérémy parvient à se réfugier dans la loge VIP, aux côtés d’une cinquantaine de compagnons de cauchemar, dont le bassiste du groupe de rock, Matt McJunkins. Pendant que les terroristes sévissent dans la salle, Jérémy, toujours connecté, rassure ses proches par message ou sur Facebook. Il plaisante aussi. Et lâche au bassiste : « Franchement mec, j’ai préféré ton précédent concert ». Silence, suivi de rires, et d’un « câlin à l’américaine ».
Après deux heures entassés dans la loge, les rescapés sont secourus par les forces de l’ordre, et s’échappent de la salle de spectacle à l’intérieur de laquelle se trouvent toujours deux assaillants. En traversant la scène, Jérémy voit une partie du corps gisant de l’un des terroristes, et ceux des dizaines de victimes. Ses proches, qu’il a perdus de vue au début de l’assaut, s’en sortiront également indemnes.
Il lui faudra le soutien d’un psychiatre spécialisé en choc post-traumatique pour continuer à vivre avec ces images, les crises d’angoisse et les cauchemars qui les accompagnent. « Ça commence à passer », rassure Jérémy d’un ton convaincant. En réalité, il a appris à vivre avec.

« Je suis avec toi et je vois les images des victimes des tonnes de fois dans ma tête. Mais, aujourd’hui, je m’en détache. J’accepte mes cauchemars aussi », confie-t-il.

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Un otage du Bataclan : « Je me suis dit : “putain, tu respires” »

Logo-M-Attentats-du-13-novembreputain, tu respires
LE MONDE | 30.12.2015
Par Simon Piel
De qualificatif sur la soirée irréelle qu’il a vécue au Bataclan le vendredi 13 novembre, Arnaud n’en emploie pas. A peine dit-il, calmement, que « tout cela n’était pas prévu ».
Comment pouvait-il en effet imaginer qu’il allait passer par deux fois devant une « colline de cadavres » regroupés au milieu de la fosse de la salle de concerts parisienne ?

Marie, sa femme

Comment aurait-il pu deviner que Marie, sa femme, et lui, passeraient plus de deux heures dans un couloir étroit long d’une dizaine de mètres, retenus en otage par deux jeunes hommes se revendiquant du « califat islamique » ?
Comment pouvait-il savoir enfin qu’il serait le dernier à être libéré dans la fureur, « au milieu de la grenaille et des tripes », après avoir vu Foued Mohamed-Aggad et Ismaël Omar Mostefaï mourir sous ses yeux ?

Facultés de résilience

« C’est le témoignage médiatisé d’un agent de la BRI [Brigade de recherche et d’intervention] qui m’a fait réagir, son récit détaillé m’a appris beaucoup de choses, mais a fait de moi l’homme invisible », a-t-il expliqué dans un premier temps au Monde, quand il a pris contact par e-mail. Après avoir livré un premier témoignage à la police judiciaire, le 14 novembre, sur l’attentat qui a fait 90 morts la veille au Bataclan, il avait d’abord décidé de ne pas s’exprimer dans la presse. C’est d’ailleurs le choix qu’a fait son épouse. Ce n’est qu’un mois plus tard qu’il a changé d’avis. Pour figer cette soirée avant que ses facultés de « résilience », comme il dit, ne se chargent d’en gommer les pires…
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