Un brancardier – dont le petit frère a été tué par les terroristes – raconte comment il a vécu l’attentat de l’intérieur…

Logo-DH.beUn brancardier – dont le petit frère a été tué par les terroristes – raconte comment il a vécu l’attentat de l’intérieur…
Samedi 14 novembre 2015

Fares – brancardier à l’hôpital Saint-Vincent de Paul (Lille) âgé de 34 ans – avait spécialement fait le déplacement vendredi jusqu’à Paris pour assister au concert d’Eagles 0f Death Metal. La DH a croisé sa route boulevard Voltaire alors qu’il venait tout juste de se recueillir devant le Bataclan. « J’ai perdu mon petit frère dans cette sale de concert. Il a été abattu par ces fils de rien. Il avait 19 ans. Il était étudiant en psychologie. Il adorait comme moi ce groupe de musique », témoigne Fares en pleurs. « On n’était pas du même côté de la scène quand c’est arrivé. Je ne l’ai pas vu mourir ».

L’attaque

Le trentenaire se remémore la scène de l’attaque comme suit : « On dansait. Et, d’un coup, on a entendu un ‘Bam’ ; un ‘Bam’ comme si ça venait de la musique. Tout le monde a continué à danser. Puis, on a commencé à voir des gens qui tombaient. Au début, on a pensé qu’ils s’évanouissaient. Mais non : des fils de rien nous arrosaient. Ils ont fait un Charlie Hebdo bis x vingt. Ils tiraient, ils tiraient, ils tiraient. Même sur les gens qui étaient allongés. Parmi les quatre jeunes qui nous ont attaqués, il y avait un Français : un blanc. On lui aurait donné le bon dieu sans confession. »

Et de poursuivre son récit : « J’ai survécu en me cachant sous un cadavre. Je n’ai pas bougé pendant deux heures et demie. On a finalement entendu des ‘Boum’. Des morceaux de cervelles ont alors été projetés partout. Tu ne vois cela que dans les films. On a ensuite entendu les coups de feu de la police et, j’en suis le témoin, c’est une femme policière qui a dit : ‘Levez les mains’. Les vivants, on a tous dû lever les main. Ils nous ont évacués et ils m’ont juste donné un bout de papier sur lequel était griffonné l’adresse de l’Institut médico-légal pour que je puisse retrouver son corps. Il adorait venir à Bruxelles se promener dans le quartier du Marché au Charbon. La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie. »


« Je me suis caché sous un mort » par dh_be

Reddit.com – J’étais au bataclan ce soir

Reddit.com – ThrowAwayFuck2015 – J’étais au bataclan ce soir
ThrowAwayFuck2015

J’étais au bataclan ce soir. Je suis rentré chez moi il y a plus d’une heure mais impossible de fermer les yeux de toutes façons.

Je n’ai pas l’histoire complète, la situation a rapidement fait que nous n’avions aucune visibilité tant sur les objectifs des terroristes, tant sur la salle, etc. Je donne mon ressenti, « ma » version.

Je donne mon ressenti

Au moment où nous avons entendu les « pétards », j’étais dans la fosse près des marches quand les terroristes sont entrés et j’ai directement couru en direction de la scène sur le côté droit, par réflexe.

Dans mon « coin », tout le monde était entremêlé dans des positions improbables et douloureuses pour tout le monde, visage qui fait face au sol, la tête reposant sur ce que l’on trouve, une jambe par exemple. Avec en fond un bain de sang. Et c’est comme ça que le pire jeu auquel j’ai jamais joué a commencé.

Le jeu de l’attente

Un silence plus que pesant dans la salle interrompu ponctuellement par des coups de feu. Pas de timer, de logique, rien. Juste, de temps en temps, un coup de feu. Et on se demande si le prochain coup est pour soi-même.

Attendre que la police arrive, sans aucune notion du temps (pas de montre, portable inaccessible). Sentir des gens se lever pour se faire abattre aussitôt. Et encore. Et encore…

Pas le droit de bouger car un seul geste augmente encore plus les douleurs – les siennes comme celles des autres (nous étions réellement entremêlés). Pas le droit de parler, de chuchoter, rien. Quelqu’un commence à pleurer ? Cette personne est accueillie par des « chuts » collectifs.

Les terroristes n’ont rien dit

Les terroristes n’ont rien dit, à part vers le début quelque chose à propos de la Syrie, de Hollande et du fait que ça n’était que le commencement. Au début, ils « exploraient » les lieux, tirant aléatoirement sur des gens couchés au sol. Puis on ne les voyait plus. Puis on entendait des coups de feu. Impossible de se lever rapidement et de fuir pour moi, tous les muscles sont engourdis. Il était impossible d’avoir une vue sur la salle sans potentiellement croiser le regard des terroristes, une chance que je n’ai pas osé prendre. J’ai tout misé sur la police.

On se dit qu’un évènement de cet envergure, ça doit rameuter l’armée de terre voire le Charles-de Gaulle-sur la seine, que quelqu’un va entrer et intervenir. On n’a évidemment aucune idée de ce qu’il se passe simultanément à République ou au Stade de France. Et personne ne vient. Et les coups de feu continuent (pas de salves).

On continue d’attendre

Alors on continue d’attendre, de jouer au loto avec les terroristes. On a des pensées affreuses de type: « pitié, pas moi, vise l’autre côté de la salle ». Ces pensées sont encore interrompues par des coups de feu.

A un moment (on va dire vers le « milieu »? Ma notion du temps était plus que faussée), une explosion retentit. D’après d’autres témoins, c’était une grenade qu’ils ont balancé dans la fosse. Je ne peux pas confirmer, si ce n’est que c’était une explosion.

Et là le jeu de l’attente prend une autre tournure. Ils ont des explosifs. Des fanatiques armés d’explosifs et sans aucune revendication… Votre cerveau a le don de penser directement au pire: nous ne sommes pas une monnaie d’échange. Je me demande naturellement si le but n’est pas tout simplement de faire exploser le bâtiment ou au moins nous. L’attente n’est plus du tout la même. Le temps devient plus long. Les douleurs s’intensifient. Les gens paniquent/souffrent de plus en plus. Les téléphones sonnent de plus en plus car les proches cherchent à avoir des nouvelles, un élément de stress supplémentaire (pas de bruit !). On cherche du confort dans des jeux de regards avec les quelques personnes que l’on voit pour finalement y trouver la même peur.

Où est la police ?

Que fait-elle ? On commence à réellement désespérer intérieurement.

Enfin, quelqu’un chuchote « la police est là ». Et là tout change. Le temps devient encore plus long car elle n’intervient pas tout de suite (repérages, etc.). A ce moment, je pense que les terroristes sont montés quelque part dans le Bataclan car les policiers sont rentrés sans tirer.

Puis une horde de policiers rentre. Au moment de se lever, d’aider les autres à se lever, de voir des policiers en armure débouler dans le Bataclan… C’était un soulagement indescriptible. On se regarde les uns les autres, médusés d’être vivants. On reste évidemment vigilants. La police ne sait pas si les terroristes sont parmi nous ou ailleurs (et j’aurais été incapable de le dire). Finalement ils étaient ailleurs d’après les infos.

On commence à marcher

On commence à marcher, mains sur la tête, presque joyeux intérieurement. C’est encore une fois vite stoppé par LA vision de CAUCHEMAR. Des dizaines de cadavres, des gens agonisant, une marée de sang dans toute la fosse. Affreux. Horrible. Je regarde la zone dans laquelle je me trouvais avant de courir vers le fond et je vois de nombreux corps. Cela aurait pu très très facilement être moi.

Quelques pas en longeant le trottoir et je m’effondre

Je sors rapidement, toujours mains sur la tête, en croisant le personnel de l’entrée du Bataclan gisant au sol (les « pétards » que l’on a entendus avant que les terroristes rentrent). Quelques pas en longeant le trottoir et je m’effondre. Un torrent de larmes. Je ne me souviens même pas de la dernière fois que j’ai pleuré avant ce soir, mais impossible d’arrêter. Je tremble de partout. J’ai des acouphènes. Mais je suis vivant.

Enfin, nous sommes regroupés dans des cafés de la rue adjacente, soulagés de s’en être sortis et dégainons nos téléphones pour donner des nouvelles. Et nous apprenons le « reste ». République, Stade de France, etc. Quelle tristesse putain.

Tout ça pour quoi ?

Je n’apporte pas d’info essentielle à travers ce message mais ça fait du bien. C’est « frustrant » d’être au cœur de l’évènement et de ne servir à rien, rester face contre sol/jambe/bras/etc. pendant 2-3 heures n’aidant pas.