Sophie G. – SoF – La transformation de l’image de l’anxiété

Sophie G. – SoF – La transformation de l'image de l'anxiété

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Le stress lié au premier rendez-vous a disparu mais je ne sais pour quelle raison il y a toujours un petit grain de sable qui vient s’immiscer et je me retrouve systématiquement en retard même si c’est de quelques minutes. Le plus souvent c’est mon ordinateur qui me joue des tours et ne parlons pas de la connexion qui, comme par hasard devient compliquée le lundi matin. Heureusement, tout mon matériel est toujours fin prêt, et il est rare qu’il me manque quoi que ce soit.
Mais bon ! nous parvenons à nous retrouver au travers de l’écran avec Emmanuelle et c’est pour moi un moment de soulagement parce que de l’autre côté de cet écran il y a une personne qui se montre attentive à mes tourments qui va m’aider, avec qui je suis en confiance, et croyez-moi ! en ce moment ces personnes-là ne courent pas les rues… Peu importe la distance. Peut-être est-ce plus facile parce que nous nous connaissons depuis longtemps mais c’est un lien qui s’est construit tout naturellement malgré cette distance.
Après quelques échanges liés à ma semaine et mon activité d’art-thérapeute mais aussi de papetière, Emmanuelle me donne la consigne :

« Au centre de la feuille du carnet, tracer un cercle. A l’intérieur du cercle, avec le matériel de votre choix, vous allez représenter intuitivement votre anxiété. Vous pouvez dessiner ce cercle sur une page de magazine. »

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Je prends comme d’habitude mon cahier à spirales, spécial croquis, dont les feuilles un peu épaisses acceptent toutes les techniques y compris la peinture ou l’aquarelle. Un couvercle en plastique pour dessiner mon cercle : J’aime bien utiliser ce que j’ai sous la main et un simple couvercle, une assiette ou une tasse permettent de pratiquer sans se poser de question : Du moment que le cercle rentre sur la page, tout va bien ! C’est ce qui me relie à mes années scrapbooking où le principe est de se servir de ce qui devrait partir à la poubelle si on ne lui redonnait pas une seconde vie au travers de la production en cours.
Des feutres, les Papermate dont j’adore toutes les couleurs de plus en plus nombreuses que je m’amuse à collectionner. Ils sont réunis dans une même trousse et quand j’ai besoin d’écrire, je pioche les yeux fermés. La couleur qui tombe sera la couleur du moment et les couleurs se trompent rarement ! Pour changer je n’ai pas pris d’images ou de page de magazine. Je pratique énormément le collage et pour ces ateliers avec Emmanuelle j’éprouve le besoin de sortir de ma zone de confort. Je pense que je peux me le permettre. Encore une fois, je suis en confiance.
Et pour finir, toujours mes craies à la cire de la marque Faber Castell qui sont aquarellables et se fondent parfaitement bien, aussi bien que de l’aquarelle traditionnelle. Le moment où je les dilue au pinceau est source d’apaisement. Le résultat est toujours une belle surprise.

Qu’avez-vous ressenti tout au long de l’évolution de votre création ?

J’ai donc tracé un cercle avec mon couvercle en plastique à l’intérieur duquel Emmanuelle me propose de représenter intuitivement mon « anxiété du moment ». J’insiste sur « l’anxiété du moment » car on a toujours tendance à se projeter vers la semaine à venir ou vers les événements attendus aussi bien bons que mauvais, alors que durant cet atelier l’important est de privilégier l’instant présent.
Et les ressentis du moment ne sont pas très positifs ! Autour de moi au travail, le respect des gestes barrières est inexistant, ma grande fatigue est très certainement due à la reprise d’un emploi du temps qui ne prend plus en considération mon état de santé général. Je réalise à quel point ces semaines de confinement m’ont permis d’écouter et de prendre soin de mon corps et de ses douleurs au point qu’elles avaient tout bonnement disparu. Aujourd’hui les contraintes de la vie reprennent le dessus et cela se ressent dans ma production surtout au travers des couleurs que j’utilise et qui apparaissent sous mon pinceau.
Mais ce dessin où le rouge, le gris et le noir dominent, m’envoie quand même un message positif :

« C’est une image que je trouve belle malgré des ressentis négatifs et qui me dit que je peux transformer mon anxiété en quelque chose de positif… »

Une phrase que je reprends en cercle tout autour de ma production, comme pour circonscrire mes craintes toujours liées à la COVID-19 et à ses répercussions sur le travail, sans oublier l’ennui. Dès que je rentre chez moi où que je suis en rendez-vous avec des patients, nous prenons garde à respecter les règles sanitaires, je me sens plus en sécurité et en confiance et surtout la vie prend sens pour moi.
Emmanuelle me propose alors de prendre une autre feuille, et toujours avec le matériel, la forme et la technique de mon choix, de soustraire ou d’ajouter ce qui pourrait aider cette image à se sentir un peu mieux.
Bien entendu, les idées ne se font pas attendre : C’est toujours ma pratique de l’art-thérapie dans le sens où je peux prendre soin de l’Autre grâce à cette activité qui m’aide considérablement, tout comme tout ce qui est lié à son exercice, mes lectures, les formations que j’envisage encore de faire, cette collaboration avec Emmanuelle en tant que personne-contrôle et thérapeute qui se découvre dans son nouveau rôle et positionnement. Toutes ces idées se révèlent encore une fois sous la forme d’un arbre, l’arbre de vie, tel que je l’imagine. Les couleurs se font plus claires, plus douces. L’ensemble est tout à coup bien plus harmonieux et surtout plus doux !

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

J’éprouve vraiment le besoin de cacher la première production qui est en apparence très dure. Comme elle représente des idées récurrentes du moment, je dois pouvoir le faire aussi souvent que nécessaire. J’ai alors l’idée de les assembler par une attache parisienne. De cette manière, à chaque fois qu’une émotion négative liée à la COVID-19 ou au travail surviennent je peux aussitôt la recouvrir avec l’arbre de vie bien plus positif, plus doux et harmonieux et surtout porteur de belles idées et de beaux projets. Continuer à m’instruire pour toujours mieux prendre soin de l’Autre reste ma priorité absolue !
J’aime cette production que je vais pouvoir continuer à personnaliser comme à l’accoutumée et qui risque fort de rester toujours à portée de mains ou de regard…

Sophie G. – Épidémie, impuissance et pouvoir d’intervenir

« Jour 38 »

Sophie G. – Épidémie, impuissance et pouvoir d'intervention
L’épidémie, l’impuissance et le pouvoir d’intervention
Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Comme à l’accoutumée j’ai mis beaucoup de soin dans les préparatifs de mon installation. Je suis même tentée de dire que je me suis encore plus appliquée. Depuis plusieurs nuits, je dors très peu et c’est la nouvelle lune … Je n’ai cessé de me répéter que cette journée allait être la mienne, et exclusivement la mienne. Comprenez par là que je n’y serai pour personne ! Ces cinq derniers jours m’ont aidée à mieux ressentir ce que tellement de gens vivent au quotidien. Il a énormément plu : Mon mari, artisan est donc resté à la maison. Il est loin d’être désœuvré dans ces moments-là. Il est même très créatif comme moi, et il lui arrive parfois d’occuper beaucoup d’espace pour ses réalisations … D’ordinaire quand il fait beau, je peux filer au jardin : Je respecte ainsi son espace tout comme il respecte le mien quand cela se présente. Mais là, clairement pendant cinq jours, « nous » avons manqué de cet espace, et je ne pouvais rien y changer. Nous ne pouvions rien y changer…

Il n’y avait rien de grave à cela évidemment, mais d’un autre côté, j’ai encore mieux pris conscience en quelque sorte des difficultés liées à la situation actuelle  : Comment gérer, respecter, protéger l’espace de chacun et pour n’importe quelle raison y compris la créativité ? Personnellement j’ai tenu le coup en me disant que dès le retour du soleil, j’aurais devant moi quelques heures de liberté (nécessaire) en toute sérénité, l’espace de mon jardin à nouveau pour lire, écrire, lézarder … en totale liberté. Et je n’ai eu que cinq jours à attendre ! Je n’ose même pas essayer de me souvenir depuis combien de jours nous sommes en confinement. Cinq jours et je ressens cet immense besoin de respirer, reprendre mon souffle, mes aises, mon espace … Tiens, comment représente-t ’on l’espace en dessin ? je voudrais arriver à retranscrire tout cela sur ma feuille : Cinq jours en état de conscience de ce que d’autres vivent depuis tant de  jours.

En même temps, je ressens ce même état d’impuissance face à tellement de choses : Ce virus d’abord dont il est sans arrêt question dès que l’on se connecte sur quoi que ce soit, les décisions des autorités sanitaires comme politiques et autres …. Ce que mon patron va décider quant à la réouverture du magasin. Va t’il respecter les consignes ? Ce sera très compliqué. Pour l’instant, je suis chez moi et je sens en sûreté finalement mais qu’en sera-t ’il ensuite ? C’est pareil pour ma mère que j’ai confinée avec assiduité durant ces semaines. sera-t’elle aussi raisonnable et responsable après le 11 mai ? je crains l’après …

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

J’ai souhaité renouveler mon expérience avec les pastels gras, et cette fois elle a été plus positive. C’est pour moi une petite victoire qui va m’ouvrir le champs des possibles, surtout au niveau du toucher qui me posait un problème jusqu’à présent.
D’autres médiums sont venus s’ajouter de manière plus naturelle comme les tampons que je possède en très grande quantité (vestiges de mes années scrapbooking) et que j’ai grand plaisir à ressortir pour leur donner une seconde vie, feutres Tombow, et toujours mes craies aquarellables FB et mes feutres-marqueurs noirs de différentes tailles.
La touche finale a été réalisée avec un feutre-marqueur Posca Or. Je remarque d’ailleurs que pour cette production, j’ai vraiment ouvert ma palette des possibles au niveau des médiums, et je trouve que cela s’est ressenti tant au long de la réalisation, qu’au niveau de la production une fois terminée.

Qu’avez-vous ressenti tout au long de l’évolution de votre création ?

Quand je retourne à ma création je vois chaque chose que je ne peux pas contrôler comme un virus en elle-même mais aussi comme une planète, un monde à proprement parler. Il n’y a pas que le virus qui me laisse sans pouvoir de contrôle. Beaucoup de choses sont devenues source de ce manque maintenant. J’ai d’ailleurs pu rendre  cet effet en ayant la possibilité de retravailler au doigt chacun des ronds. Le halo qui entoure chaque zone rend cette idée de propagation possible qui échappe à notre contrôle. Les entourer au marqueur étant peut-être une tentative inconsciente de les mieux cerner, les retenir …

Puis est venu le temps de la réalisation du cercle intérieur avec mon prénom. Un temps surprenant puisque je suis une inconditionnelle des mandalas mais jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais vraiment passé le cap de la réalisation personnelle. Or cette production en a été le moyen car au fil de ma création, j’ai vu ce mandala se réaliser sous mes yeux ? Chaque nouvelle étape annonçant la suivante sans aucune hésitation et avec un plaisir et une concentration assez rares. Certes, il n’est pas parfait mais le plus important, c’est qu’il est un des premiers (le troisième pour être exacte, ce qui est vraiment infime au regard de ceux que j’ai pu « faire-colorier » dans des albums), que je l’ai réalisé en suivant mon intuition, et qu’il me procure quand je l’observe énormément de satisfaction au travers du rayonnement qu’il renvoie. Un rayonnement doré comme le soleil, donc positif qui semble être en mesure de passer outre chacune des planètes-virus représentant des obstacles.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

C’est bien de la satisfaction mêlée d’apaisement, amis aussi d’inspiration et de créativité tellement nécessaires à mon équilibre en ce moment. que je ressens. Je m’aperçois à quel point ces moments où je me construis ma bulle au travers des préparatifs, puis quand je passe à la création en toute concentration et conscience pour enfin poser les émotions par écrit me sont nécessaires voire indispensables ! je parviens même à imaginer finalement les moments que je procure à mes patients que je consulte à domicile, à cet espace de créativité que je les invite à partager, et je comprends mieux le plaisir, la détente, et l’apaisement que je contribue à leur procurer, avant pendant et après …

Aujourd’hui nous sommes le jour 38 …

Des productions sous forme de rendez-vous avec moi-même qui  auront été aussi formatrices que bénéfiques finalement.