Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?
Ce Lundi, le petit grain de sable était toujours présent ! j’avais bien tenté et réussi à être en avance sur l’horaire mais malgré cela, cette fois c’était l’écran de la plateforme qui restait noir… C’est quand même incroyable, d’autant que j’attends ces rendez-vous avec grand intérêt et motivation. Je songe même à laisser mon ordinateur allumé la semaine prochaine pour parer à toute éventualité. Heureusement, Emmanuelle l’art-thérapeute est non seulement d’une grande patience mais traite aussi cela avec humour en m’assurant que c’est un des travers des art-thérapeutes (sans doute mon « côté artiste ») ! Comme chaque semaine nous commençons par échanger sur les récents événements d’abord personnels puis liés à la COVID-19 et aux répercussions que nous avons encore à vivre. Je reste toujours très surprise de l’individualisme qui règne autour de moi, et je peux même dire que j’en souffre quotidiennement dès que je me retrouve dans des lieux publics où malheureusement il nous faut bien nous rendre de temps en temps. Je dirais même mieux : Quand on ne peut plus faire autrement… Je pense tout particulièrement au travail. Mais l’art-thérapie me permet quand je la pratique avec mes patients de compenser cela, et je donne alors sans compter. Parfois même jusqu’à me mettre en danger niveau fatigue d’ailleurs…
Aujourd’hui, c’est une consigne d’Alice Albertini, qu’Emmanuelle me propose de mettre en pratique. Une consigne au titre « Ô combien évocateur » : Donner à soi et aux autres… Donner aux autres, il n’y a pas de problème, je sais faire… Mais me donner à moi ?!? C’est une toute autre histoire…
Je dois donc commencer par plier une grande feuille en deux pour dessiner ensuite la moitié d’un cœur sur une moitié qui devra par la suite faire miroir avec l’autre moitié. Puis je le découpe. Avec le matériel que j’ai choisi au préalable et sur le côté que je souhaite, gauche ou droit peu importe, Emmanuelle m’invite à me poser une première question :
De quoi avez-vous besoin ?
Autrement dit, représenter ce dont j’ai besoin en ce moment ? Je dois confier qu’à ce moment précis ce qui me vient à l’esprit n’est pas très réjouissant, et l’environnement tel qu’il est actuellement me donne plutôt envie de me retrancher dans mes livres, l’écriture, la musique et mon jardin ou aux côtés de mes personnes ressources que j’ai la chance d’avoir dans mon entourage. Tout le monde n’a pas ce privilège, j’en suis consciente. C’est ce besoin que j’ai voulu retranscrire sur ce cœur. Même quand je pense à mon travail au magasin, qui en ce moment du fait de la faible fréquentation n’est vraiment pas sensationnel, mes idées sont presque tristes, et ma moitié de cœur l’est aussi.
Ensuite, Emmanuelle me propose de passer à la partie miroir que j’avais gardée pliée de manière à ne pas être influencée par la composition précédente, (et le moins que l’on puisse dire, c’est que çà n’a pas été le cas…). La deuxième question est :
Que pouvez-vous donner ?
Qu’avez-vous à offrir aux autres ? Comment pouvez-vous contribuer ? Avec toujours le même mouvement, si rien ne vous vient en tête, laissez-vous aller à la création et quelque chose apparaîtra.
Tout s’est alors passé très rapidement. Les idées et les couleurs fusaient. Tout était plus fluide pour moi, plus doux et harmonieux sans que je ne m’en aperçoive forcément au début. En même temps que mon dessin prenait forme, je m’expliquais sur les raisons qui m’animaient. Écoute, empathie, « bientraitance » à la place de bienveillance (ce mot si branché, si proclamé et si peu respecté à la fois…), prendre soin de… Tous ces mots qui évoquent pour moi ce que j’ai à offrir à mes patients, se retrouvaient sur cette moitié de cœur aux côtés d’une horloge sans chiffres symbole d’un temps illimité à donner. Et pour finir mes humbles compétences artistiques et connaissances à partager.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Je prépare toujours les mêmes outils pour les ateliers passés avec Emmanuelle. Cela fait partie pour moi du rituel de ces moments privilégiés. Tout est à chaque fois placé au fur et à mesure au même endroit sur la table, et sur les meubles à proximité de manière que je puisse éviter de me lever. Priorité au processus de création ! Papier aquarelle 300 grs pour supporter toutes les techniques et les passages répétitifs du pinceau si nécessaire, craies aquarellables à la cire de chez Faber Castell, et feutres noirs Micron pour surligner ou écrire si besoin est… Et pour finir des pastilles de gouache aquarellables de la marque Faber Castell, trouvées au rayon scolaire, et cependant dotées d’une texture, et d’une texture incomparables. Parfois, il n’est pas nécessaire de posséder des outils luxueux pour éprouver du plaisir dans la création !
Une fois le cœur déplié, il m’a fallu trouver les similitudes entre les deux parties et rajouter une touche qui pourrait harmoniser un peu les deux parties. Il s’agissait alors de rendre la communication meilleure visuellement, de manière spontanée sans trop réfléchir, dans le seul but de laisser émerger les résonances.
Je ne voyais évidemment aucun inconvénient à la consigne, mais au premier regard rien, absolument rien ne les reliait. Un côté était sombre et triste à mes yeux et l’autre respirait la légèreté et la plénitude. Enfin c’est comme ça que je les ressentais, et c’est ce qu’Emmanuelle avait repréré bien avant moi … D’un côté le travail qui ne m’apporte rien en ce moment, et son lot d’aspects négatifs liés à la COVID-19 et ses répercussions, alors qu’au long de ces dernières années j’ai pris avec plaisir l’habitude de nourrir mon esprit à chaque instant via la formation, et de l’autre cette nouvelle vie au contact des patients. Une vie qui m’apporte tant et tant, à commencer par ces échanges avec mes personnes ressources qui m’aident tant face aux écueils que peuvent apporter de nouvelles problématiques. J’aime apprendre au contact des patients puis de mes guides. Pour harmoniser les deux parties, j’ai finalement opté pour les couleurs liées à la nature. Et c’est tout « naturellement » que les tons de vert sont venus s’installer de part et d’autre de ce cœur bien parti au départ…
Qu’avez-vous ressenti tout au long de l’évolution de votre création ?
Autant la première partie de ce cœur aura été laborieuse, autant la face miroir aura été fluide, et symbole d’harmonie tout au long de sa réalisation. D’un côté les difficultés, de l’autre, l’accomplissement et tout ce qu’il procure comme satisfaction et harmonie. Et même si cette création a débuté dans la difficulté, c’est sur un sentiment de satisfaction qu’elle me laisse.
Que ressentez-vous en regardant votre production ?
Ce n’est pas ma production préférée parce que mon regard tombe inexorablement sur ce côté si tristounet, mais en même temps, il me rappelle à l’ordre sur le fait que je dois continuer à travailler dur pour trouver une solution qui me permettra de m’adonner à plein temps à ma pratique de l’art-thérapie. Un travail de fourmi certes mais tellement enrichissant et chaque jour un peu plus formateur, porteur de nouvelles rencontres : le seul qui pourra m’aider à oublier ce satané virus qui lui, ne semble pas près de nous oublier !