Quand l’art répare le cerveau
HERVÉ PLATEL ET FABRICE CHARDON
20/03/2018
Dépression, AVC, Alzheimer, fin de vie… Les effets thérapeutiques de l’art sont de mieux en mieux établis. Les dernières études montrent même qu’il a le pouvoir de stimuler la neuroplasticité.
Camille, 13 ans, souffre de troubles cognitifs. Adrien, 17 ans, est violent et manque de confiance en lui. Handicapé par les séquelles d’un accident de la route, Dominique, 44 ans, a développé une dépression. Bernard, 75 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer. Jean, 41 ans, est entré en unité palliative, en raison de son cancer en phase terminale.
Leur point commun ? Tous ont été inclus dans un protocole d’art-thérapie. Et tous ont vu leur état physique, cognitif ou émotionnel s’améliorer. Nul besoin toutefois d’être victime d’une pathologie lourde pour bénéficier des bienfaits de la pratique artistique.
Pour le psychologue israélien Son Preminger, l’art est une expérience totale, à la fois perceptuelle, émotionnelle et personnelle. Il agit alors à plusieurs niveaux. D’une part, il stimule les sensations et les émotions, ainsi que la motricité (quand on danse, que l’on dessine, que l’on modèle de l’argile…). Ensuite, il encourage à aller vers les autres, pour élaborer une œuvre avec eux, ou tout simplement pour leur montrer les œuvres que l’on a soi-même exécutées. Il aide aussi à restaurer la confiance en soi, grâce à la satisfaction de réaliser une belle chose, ainsi que la « saveur existentielle » (le plaisir de vivre l’instant présent).
De ce fait, l’art-thérapie, définie comme la valorisation du potentiel et des capacités préservées d’une personne en souffrance grâce à une pratique artistique, permet d’assister des patients victimes de pathologies très variées. Une enquête réalisée en 2015 par l’école d’art-thérapie de Tours (Afratapem) montre à quel point elle a pénétré le milieu du soin en France : plus de 92 % des structures d’accueil (hôpitaux, centres médico-sociaux…) déclarent en proposer. Si de façon générale, elle n’est pas remboursée par la Sécurité sociale, certaines de ces structures l’intègrent tout de même gratuitement au parcours de soin. Autre atout : on peut y recourir à tout âge.
Quelque 30 % des interventions concernent ainsi des enfants et des adolescents. Chez ces derniers, les expérimentations se multiplient dans toutes les directions, même si les études sur de grandes cohortes manquent encore. Les art-thérapeutes proposent par exemple des séances de peinture à des enfants qui ont perdu toute motivation suite à des troubles cognitifs ou moteurs. Camille, victime d’une infection par un pneumocoque après la naissance et suivie dans un institut d’éducation motrice à Savigné-l’Evêque, près du Mans, a ainsi retrouvé une certaine forme de plaisir et d’envie grâce à ces séances ; ses difficultés motrices et mémorielles semblent aussi s’être améliorées. Dans une autre expérience, menée à Nantes, des enfants de 8 à 13 ans souffrant de mucoviscidose effectuent des séances d’arts plastiques, de jeux théâtraux et de marionnettes. L’objectif est de diminuer leur anxiété, notamment quand ils viennent à l’hôpital pour des analyses ou des traitements. Les mesures sont en cours, mais les premiers témoignages sont très positifs : « Quand j’ai les prises de sang, j’ai peur », déclare par exemple Martin. « Ça [la séance d’art-thérapie] me fait oublier, ça me change les idées… ça détend. » Autre bénéfice collatéral : les enfants sont plus motivés pour venir à l’hôpital.
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