Le Sénat fait entrer l’amnésie traumatique dans la loi
Ce mardi au Sénat a eu lieu en séance publique l’examen de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles.
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Il s’agit d’une première dans la reconnaissance de l’amnésie traumatique comme élément suspensif de prescription pour les crimes commis à l’encontre des mineurs.
Le deuxième amendement visait à encourager la diffusion des connaissances scientifiques sur les psycho-traumatismes et les mécanismes mémoriels consécutifs liés à un fait traumatique.
Ces amendements prévoient que les troubles psycho-traumatiques affectant la mémoire (par exemple, une amnésie post-traumatique) des victimes de viols, mais également d’autres infractions traumatiques, peuvent être pris en considération par la juridiction pour constituer l’obstacle de fait, suspendant la prescription, en application de l’article 9-1 du code de procédure pénale.
Ces dispositions devront maintenant être examinées à l’Assemblée Nationale, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi et dans le cadre de l’examen du projet de loi gouvernemental, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
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Faut-il reconnaître l’amnésie traumatique ?
Mégane De Amorim, le 29/03/2018
Un amendement adopté par le Sénat mardi 27 mars est un premier pas dans la reconnaissance de l’amnésie traumatique, cette incapacité de se rappeler de souvenirs importants, comme dans le cas de violences sexuelles. La disposition ne fait toutefois pas l’unanimité du côté des spécialistes, et le gouvernement ne semble pas prêt à l’inclure dans la future loi portée par Marlène Schiappa.
C’est un souvenir enfoui dans le cerveau pendant des semaines, des mois, voire des années. L’amnésie traumatique décrit cette « incapacité de se rappeler des informations autobiographiques importantes, habituellement traumatiques ou stressantes », telles que des violences sexuelles subies dans l’enfance. Ce mécanisme a été au cœur d’un amendement adopté au Sénat mardi 27 mars, lors de l’examen de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles.
L’amnésie traumatique et l’« obstacle » de la prescription
L’amendement adopté reconnaît « l’amnésie traumatique comme élément suspensif de prescription pour les crimes commis à l’encontre des mineurs ».
« Concrètement, une personne qui a été victime de viol enfant et qui souhaite entamer des poursuites après l’âge de 38 ans peut aujourd’hui se voir opposer que les faits sont prescrits. Avec cet amendement, cet obstacle sera levé dès lors que l’amnésie traumatique sera établie, donc les poursuites pénales pourront se faire »,
explique François-Noël Buffet, le sénateur à l’initiative de l’amendement.
La question de la reconnaissance de l’amnésie traumatique s’était posée récemment avec le rapport de Flavie Flament et Jacques Calmettes, qui indiquait que « ces troubles (…) sont un obstacle à la dénonciation des faits dans le délai de prescription ». Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, explique : « Certaines victimes ne peuvent pas porter plainte pendant de nombreuses années après les faits. L’amnésie traumatique est plutôt fréquente donc c’est important d’en tenir compte ».
Les souvenirs sont-ils fiables ?
Olivier Dodier, docteur en psychologie à l’université de Toulouse et spécialiste de la mémoire appliquée au judiciaire, met toutefois en garde. « Les souvenirs traumatiques ne sont pas fiables à 100 %. La mémoire ne fonctionne pas comme une caméra vidéo, mais par processus de reconstruction. Au moment où l’on se rappelle, on ne peut pas tout se remémorer, donc on reconstruit le souvenir, on complète inconsciemment des brèches pour qu’il soit cohérent », assure-t-il.
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