Roman Polanski interpellé : pourquoi ça fait débat

Le 28 septembre 2009 – par Camille Polloni

Le cinéaste, âgé de 76 ans, a été arrêté le 26 septembre en Suisse pour une relation sexuelle avec une mineure de 13 ans qui s’est déroulée en 1977. Des artistes ont lancé une pétition.

Invité à recevoir un prix pour l’ensemble de sa carrière à Zurich, Roman Polanski a été arrêté dès son arrivée à l’aéroport. Le réalisateur est poursuivi par la justice américaine pour viol sur mineure, des faits vieux de trente ans. Les Etats-Unis ont quarante jours pour formuler une demande d’extradition à la Suisse.

Âgé de 43 ans en 1977, Roman Polanski a des relations sexuelles avec une mineure de 13 ans à Los Angeles. Les faits se déroulent à Los Angeles, dans la maison de Jack Nicholson prêtée pour une séance photo. La jeune fille accuse Polanski de l’avoir droguée puis violée. Il rejette cette accusation, affirmant que l’acte était consenti, mais admet le détournement de mineure et plaide coupable pour ce crime, passible de 20 ans de prison aux Etats-Unis. Début 1978, libéré sous caution dans l’attente du procès, il s’enfuit et ne remet plus jamais les pieds dans le pays. Il s’installe en France et acquiert la nationalité française.

Depuis trente ans, la justice américaine n’a pas abandonné les poursuites. L’arrestation de Zurich a entraîné le soutien de nombreux artistes, dans une affaire qui soulève plusieurs problèmes.

La question de la prescription

En France, la prescription dans les affaires de viol est de dix ans à compter de la commission des faits, sauf pour les victimes âgées de moins de quinze ans. Dans ce cas, elle court à partir de la majorité et pour vingt ans. Mais en Suisse comme aux Etats-Unis, les crimes sexuels sur mineurs sont imprescriptibles.
« Il n’y a pas de raison de ne pas exécuter un mandat d’arrêt international valable », a expliqué l’Office fédéral de la justice.

L’arrangement avec la victime
Outre « le problème de la prescription de l’action publique », l’avocat de Roman Polanski, Hervé Témime, a rappelé que « la victime supposée de l’infraction s’est désistée depuis de très longues années ». Samantha Geimer a publiquement demandé à ce que l’affaire soit classée, même si elle maintient ses accusations de viol. Elle a expliqué que l‘insistance avec laquelle le parquet de la ville exigeait le retour du cinéaste aux Etats-Unis tenait de la « mauvaise blague » dont elle faisait les frais.

Un procès peu équitable
Fin 2008, les avocats américains de Polanski relancent une demande de classement des poursuites à son encontre. Selon eux, de « nouveaux éléments de preuve » montrent que le juge (mort en 1993) et le procureur avaient commis des manquements. Les détails ont été décrits dans le documentaire « Roman Polanski: Wanted and Desired » de Marina Zenovich (2008). Le juge californien Peter Espinoza, reconnaît qu’il y avait eu « une faute professionnelle substantielle » du procureur et du juge, mais rejette la demande à cause de l’absence du cinéaste à l’audience.

Les conditions de l’arrestation
Pourquoi maintenant ? Des artistes du monde entier, parmi lesquels Costa-Gavras, Wong Kar-Wai ou Monica Bellucci dénoncent un « traquenard policier ». En effet, le réalisateur détient un chalet en Suisse, à Gstaad, dans lequel il séjourne régulièrement mais n’a jamais été inquiété. Les autorités suisses ont fait valoir qu’elles ne pouvaient prévoir ses séjours, alors que dans le cadre du festival, elles étaient averties de sa venue. La presse suisse, de son côté, évoque un échange de bons procédés entre la Suisse et les Etats-Unis. « Difficile de ne pas faire de rapprochement entre l’affaire UBS et l’arrestation surprise de Roman Polanski. La Suisse a-t-elle voulu faire plaisir aux Etats-Unis au risque d’un excès de zèle qui n’améliore guère son image de marque à l’étranger ? » s’interroge Le Matin.

La notoriété de l’agresseur présumé

Les prises de position publiques unanimes en faveur de Polanski semblent s’appuyer sur l’argument de l’œuvre accomplie. Au point qu’on en vient à se demander comment serait traité un personnage plus controversé qui se retrouverait dans la même situation. Bernard Kouchner déclarait par exemple ce matin sur France Inter : « C’est un peu sinistre, cette histoire franchement. Un homme d’un tel talent, reconnu dans le monde entier, reconnu surtout dans le pays qui l’arrête, tout ça n’est pas sympathique ». Le Temps : « Roman Polanski n’est pas n’importe quel fugitif. Son œuvre a touché le monde entier. Que l’on pense à son film Le Pianiste, qui fait le récit bouleversant de la survie d’un musicien dans le ghetto de Varsovie ? Roman Polanski, aujourd’hui âgé de 76 ans, a survécu lui-même au ghetto, à l’assassinat de sa première épouse par un serial killer puis à un lynchage médiatique après cette malheureuse aventure qu’il a eue un soir de l’année 1977 avec la fille, mineure, d’une actrice américaine ». Sympathique ou non, le conseiller fédéral suisse en charge de la culture, Pascal Couchepin, rappelle que « Grand artiste, grand politicien, grand écrivain, on est finalement tous égaux devant la loi ».

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