Polanski, suite mais pas fin par le juge des enfants Jean-Pierre Rosenczveig

Par-delà la compassion due à la victime force est de constater que la cour a raison. La victime doit avoir toute sa place dans le procès pénal quand trop longtemps elle n’a eu notamment dans un pays comme le notre qu’un strapontin. Tout au plus lui demandait-on de décrire dans le cabinet d’un juge ou seule à la barre ce qu’elle avait supporté. Elle donnait du matériau à la justice qui l’ayant pressée de parler la dépossédait quasi totalement de la procédure une fois recueillis ses propos liminaires. La victime pouvait éventuellement réagir aux propos de l’accusé, demander des actes et surtout répondre à la question incompréhensible :
– « Demandez-vous des dommages et intérêts ! ».
« Je comprends pas Monsieur le président. » Si tant est qu’elle parvenait à répondre elle était vouée à rester confinée au fond de la salle durant le procès et au mieux si un avocat l’assistait elle était substituée dans sa parole par celui-ci.
Ajoutons qu’on n’hésitait pas à la faire revenir à la barre pour lui faire subir un interrogatoire d’une telle violence que souvent on se demandait si elle n’était pas le vrai coupable ! Pour peu qu’elle présente quelques fragilités (par exemples, la prostituée se plaignant d’un viol ou l’enfant dénonçant des actes pédophiles) il fallait un dossier extrêmement solide sur les faits pour tenir le choc de la contestation de la parole. Depuis 20 ans les choses ont commencé à bien évoluer quitte à aller vers un autre extrême où, pour certains, le procès pénal et ses suites devraient avoir pour cœur la victime.
Là encore il faut se garder de déraper. Le procès n’est pas une vengeance organisée et gérée par l’Etat. Il est certes important que ce temps plus ou moins public serve d’exorcisme à la victime et qu’afin de pouvoir commencer à se reconstruire elle soit reconnue, mais pas enfermée dans son statut de victime. Elle doit être considérée ; l’accusé doit y contribuer au minimum en la traitant correctement. Il lui appartient ensuite dans son choix de défense de s’expliquer, de reconnaitre ou non les faits, de les expliquer. La victime y trouvera (ou n’y trouvera pas) les réponses aux questions qu’elle se pose sur ce qu’elle a vécu. Le plus souvent elle ne demande pas une sanction ; elle veut d’abord qu’il soit dit officiellement qu’elle a été victime.

Généralement, même si l’accusé joue pleinement le jeu, la victime sortira insatisfaite de l’audience pénale, déçue de son agresseur tellement il est difficile d’accepter l’absurde et aussi souvent déçue de la justice même si celle-ci a fait au mieux pour la prendre en compte.
Procéduralement parlant, du moins en France, la victime n’est pas liée par l’attitude que prend le ministère public au regard des poursuites.
Elle peut lui forcer la main en se constituant partie civile ou en délivrant via un huissier une citation à comparaitre devant le tribunal correctionnel si le parquet décide de ne pas donner suite à l’enquête de police. En d’autres termes, la victime peut contribuer à engager les poursuites et le parquet devra suivre, quitte à ce que par écrit ou oralement le procureur de la République développe que, de son point de vue, les poursuites ne tiennent pas. Le tribunal appréciera.
Dans le cas qui nous intéresse le problème est inverse : la victime aurait souhaité que le parquet ne bouge plus alors qu’il relance la procédure. La victime avance vouloir tourner la page et avoir reçu satisfaction y compris sur le plan financier. Elle s’est même engagée à ne plus agir en justice. Elle estime non seulement être la mieux placée pour apprécier ce qu’il faut faire, mais encore être la principale concernée. C’est son droit de souhaiter que la page soit définitivement tournée, mais c’est aussi le droit du ministère public de veiller au respect de la loi par celui qui l’a violée en le faisant sanctionner et par la publicité donnée au débat judiciaire et au verdict de faire preuve de prévention contre ceux qui seraient tentés d’en faire autant.
En l’espèce il est important que tout un chacun sache que même 37 ans après on devra rendre des comptes d’avoir abusé d’une gamine de 14 ans à peine en sachant que au-delà de la relation sexuelle la poursuite en cours ne retient pas certaines circonstances aggravantes qui si elles sont avérées, ne sont pas à l’honneur de l’intéressé.
La victime est partie au procès ; il lui faut faire la preuve qu’une infraction a été commise dont elle a été la victime, mais il ne lui revient pas de requérir la peine. Elle laissera cette tâche au procureur se contentant de faire la démonstration de son préjudice et de demander réparation civile. La peine ne lui est pas toujours indifférente même si comme on l’a dit supra elle n’est pas toujours sa motivation.
Le parquet fréquemment argumentera le quantum demandé en se référant au sentiment de justice de la victime, mais il s’agit d’une argument d’audience parmi d’autres. En d’autres termes on s’attendait à ces deux décisions.
Il est évident que Roman Polanski sera jugé pour les faits qui ont été retenus et dont on rappelle qu’au final ils ne devraient pas lui faire encourir plus de deux ans de prison. Il aurait du le réaliser de longue date et accepter le procès ; la page aurait déjà été tournée dans l’intérêt général. Au lieu de cela en faisant de la résistance juridique mal placée il devient un cas d’école.On se demande comment il est conseillé.

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