Enfants maltraités : quand l’Église écoute et enquête…

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Préambule :  le présent article est une autre forme d’hommage à Maya Surduts, dont je publie dans l’article suivant la lettre que j’avais rédigée en 1999 et qu’elle avait co-signée, en réponse à un dossier du Nouvel Observateur.

Le rapport sur l’institut Marini contient l’observation suivante, page 74 :

 » La perception de l’abus sexuel sur enfants par les experts et le grand public :
Dans les années 1940-1950, les premières recherches en psychologie, psychiatrie et sexologie minimisent l’impact de l’abus sexuel sur l’enfant. Inspirés par la tradition freudienne … (…) L’impact du mouvement féministe s’avère bien plus décisif (…) c’est alors qu’émerge un problème inattendu : les violences sexuelles dont les femmes déclarent avoir été victimes durant leur enfance, la plupart du temps à l’intérieur de leur famille  »

Fribourg, Suisse. De 1929 à 1950, l’Église a la responsabilité d’un pensionnat pour garçons, l’institut Marini.
2014, un ancien pensionnaire rencontre l’évêque de Fribourg, et lui raconte les violences qu’il a vécues à l’époque dans ce pensionnat…

Pour toute personne qui entend le témoignage d’une victime de crime sexuel, il est difficile de réaliser que de telles violences sont vraiment arrivées, dans la réalité… Que s’est-il effectivement passé ? Comment il est possible que ces actes aient eu lieu, durant des années ?

Mgr Charles Morerod décide alors de confier une enquête à trois chercheurs, indépendants de l’Église. Une année de recherches aboutit à un rapport publié sur le site de l’évêché en janvier dernier http://www.diocese-lgf.ch/accueil/abus-sexuels.html

Mon point de vue de féministe française sur l’Église et les crimes sexuels

De Fribourg j’avais entendu dire en France qu’elle était « Fribourg la catholique, Fribourg la noire », presqu’un second Vatican miniature.  Autant dire qu’en apprenant la nouvelle d’un scandale d’« abus sexuels » sur des enfants dans un institut dépendant de cet évêché, j’ai été interpellée.

L’institut Marini recueillait des enfants en difficulté. Le rapport publié hier ( http://www.diocese-lgf.ch/medias/actualites/articles/article/enfants-places-a-linstitut-marini-de-montet-fr.html – http://www.diocese-lgf.ch/fileadmin/documents/Documents/Marini/Marini_resume_rapport_recherche.pdf )  révèle que 21 enfants au moins y ont été agressés sexuellement de 1930 à 1955 par des religieux et des laïques.

Pour les féministes, l’existence d’une chape de silence autour des crimes sexuels contre les enfants est un phénomène connu, et qu’elles ont largement contribué à soulever, au prix de combats contre toutes les autorités en place, notamment le « pouvoir psy » du dogme psychanalytique. En France, c’est le livre d’Eva Thomas : « Le viol du silence », puis le roman de Christiane Rochefort « La porte du fond » qui firent connaitre cette « conspiration des oreilles bouchées » dans les années 80.

Des groupes de paroles se constituèrent. Les victimes, femmes et hommes, dirent que leurs « incestueurs » étaient majoritairement des hommes « libérés », des pères responsables se chargeant de « l’éducation sexuelle » de leurs filles, friands de pornographie. Elles dirent que les adultes ne les croyaient pas, que les prêtres les pensaient perverses, et que les psychanalystes freudiens les accusaient de « fantasmer ». Elles dirent que quasiment toutes les autorités, les familles, les écoles, les médecins, quelques soient leur classe ou leur confession, avaient la même réaction : nier, cacher le crime. Ou pire : psychiatriser les victimes et persécuter les mères ou médecins qui tentaient de protéger les enfants.

Ainsi, la longue dissimulation de ces crimes n’a rien de surprenant et rien qui serait propre aux milieux catholiques. Si je m’inquiète de l’évènement que constitue ce rapport, c’est en raison de la signification qui va lui être donnée. Je crains un nouveau contresens, au détriment des enfants.

La question des répercutions de la théologie catholique sur les violences sexuelles est un sujet très vaste et complexe : je souligne que je ne parle dans le présent article que d’un seul de ses aspects et absolument pas du « catéchisme » dans son ensemble.

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Frank Berton, la « bête de scène » qui va défendre Salah Abdeslam

Logo-L'obs-sociétéElsa Vigoureux

L’avocat lillois, qui va assurer la défense du Français impliqué dans les attentats de Paris, est connu pour avoir assisté plusieurs acquittés d’Outreau, Florence Cassez ou encore Dominique Cottrez. Portrait d’une « gueule cassée ».

• Salah Abdeslam, suspect des attaques de Paris du 13 novembre qui a été remis à la France par la justice belge, sera défendu par l’avocat lillois Frank Berton.
• « Ce qu’il m’importe, c’est qu’il ait un procès équitable et qu’il soit condamné pour les choses qu’il a faites et non pour les choses qu’il n’a pas faites », a déclaré le pénaliste, qui travaillera au côté de Sven Mary, l’avocat belge de Salah Abdeslam.
• En juillet dernier, « l’Obs » avait consacré un portrait à Frank Berton.
Publié le 16 juillet 2015 à 19h05
Tous les matins, il l’a attendue au volant de son 4×4 sur le parking du petit hôtel où elle dormait à Hénin-Beaumont. Puis il l’a conduite chaque jour pendant une semaine jusqu’à la cour d’assises du Nord, où on la jugeait pour le meurtre de huit de ses nourrissons. Frank Berton a regardé sans jamais la lâcher Dominique Cottrez, quand elle a menti en inventant un inceste, quand elle a finalement reconnu qu’il n’y en avait jamais eu, quand elle a répondu aux questions en les reprenant de manière affirmative, quand elle s’est complu dans des larmes faciles, quand elle a traîné les jurés au bout de sa voix chevrotante.
Il était là pour elle. Pas seulement comme un avocat venu défendre une cliente, montrée du doigt comme une criminelle. Mais plutôt “comme un chevalier” dit-il, qui voulait sauver une mère, la ramener au monde, la rétablir en tant que femme parmi toutes les autres. Elle risquait la perpétuité. Le ministère public avait requis dix-huit ans de prison. Il en a obtenu moitié moins.
Avant de plaider, il a regardé sa cliente “droit dans les yeux”, il lui a demandé : “Vous me faites confiance ?” Dominique Cottrez lui a dit “oui”, dans un ultime souffle d’espoir.

C’était sa vie, sa liberté qu’elle mettait entre mes mains. Derrière, je n’ai pas le droit de m’installer dans une routine qui consiste à défendre pour défendre. J’ai peur, j’ai un trac fou.

En fait, Frank Berton ne plaide pas, il plonge. Déploie son physique de rugbyman, offre sa belle gueule cassée en gage de garantie à la cour. A Douai, il a posé sa voix caverneuse entre la poitrine et la tête des jurés, pour les attraper à la gorge : “Vous n’avez pas le droit de refuser aujourd’hui de l’aide à Dominique Cottrez.” L’avocat a caressé de sa main épaisse et sûre l’épaule abandonnée de sa cliente, obèse et assassine. Il l’a aimée, et c’est toute la salle d’audience qui a frissonné quand il a dit :

Je vous trouve belle. Pas à raison de votre place aujourd’hui, mais parce que madame, vous êtes belle en vous. Avant d’être mère, il faut être une femme. Avez-vous été une femme ? Oui… Mais personne ne l’a vu.

Frank Berton ne “représente” pas Dominique Cottrez à Douai. Comme il ne “représentait” pas Frank Lavier, Odile Marécaux et Daniel Legrand, tous trois acquittés dans l’affaire d’Outreau, ni même Florence Cassez, ramenée du Mexique. Il est chacun d’entre eux, à chaque fois. Et c’est bien ce faible qu’il nourrit pour les autres qui fait la force de ce pénaliste hors-norme : il n’est pas un gouffre, une détresse, qui ne l’effraie. Sa femme, Bérangère Lecaille, avocate aussi, dit : “Il est passionné par la nature humaine, il passe son temps à chercher à comprendre pourquoi, comment ? Frank a une intuition phénoménale.” Il concède : “J’absorbe tout, à chaque fois.”

A cœur ouvert

Berton éponge le pire, il prend les gens dans leur jus, qu’importe s’il se salit, qu’importe s’il s’abîme. Il essore ce qu’il peut dans les prétoires, stocke le reste au fond de lui, mille-feuilles de peines mêlées de colères à lui tout seul. Il le sait :

J’ai toujours excellé en défendant l’autre, parce qu’à travers lui, c’est moi que je défends. Je rouvre mes blessures pour la bonne cause.

Il voudrait qu’on passe vite sur ces peines, les siennes. Alors c’est l’avocat qui prend le dessus, répond aux questions avant qu’on les pose : Frank Berton, né à Amiens en 1962, est l’aîné d’une famille de trois enfants. Sa mère, aujourd’hui retraitée, était secrétaire à la fédération du Nord du Parti Communiste. Son père était représentant en commerce, “il conduisait une R16”. “Il me battait. Mais vraiment. Jusqu’au jour où j’ai secouru ma mère. Il est parti. Je ne l’ai plus revu… Mon passé, cette enfance, c’est loin maintenant, je ne veux plus en parler, j’ai réglé mes souffrances.”
Frank Berton s’est bâti à cœur ouvert. A l’école, à l’étroit dans les cadres, il n’était pas très bon élève. Mais c’était un sportif, nageur de haut niveau, défiant les limites. Des complexes, il se souvient en avoir eu, “comme ceux que je défends aujourd’hui”. Le gosse Frank Berton, timide, vulnérable et pudique, est resté tapi dans le ventre du pénaliste au regard noir mais plein de larmes, devenu “une bête de scène”, comme s’accordent à le reconnaître ses confrères. Il sent les gens comme un animal, ce qui fait de lui un leader capable de se frayer un chemin partout.

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