A 21 ans, Rachel a appris qu’elle n’était plus française. Après l’avoir violée à l’adolescence, son père, polygame, lui a fait perdre sa nationalité. Récit d’une double peine.
« A 11 ans, j’ai fait office de nouvelle épouse. » Rachel raconte pudiquement son enfance volée. Elle a 5 ans quand sa mère, restée au Cameroun, l’envoie chez un «père» qu’elle n’a jamais vu. L’homme la frappe avant d’abuser d’elle. A 14 ans, Rachel ose parler à une éducatrice qui a repéré cette enfant couverte de bleus. Elle témoignera au procès de son bourreau. Ballottée au gré des familles d’accueil de l’ASE (Aide sociale à l’Enfance), Rachel aurait pu se perdre. Mais elle a eu son bac. Réussi le concours de restauration-hôtellerie. Et travaillé tôt pour être autonome. Aujourd’hui, mère d’une petite fille de 2 ans, la jeune femme de 29 ans voudrait qu’on la laisse poursuivre son chemin. Mais la vie est chienne. Il y a huit ans, Rachel a voulu faire refaire ses papiers. Impossible, lui a répondu l’administration : son « père» a en effet été déchu de la nationalité française. La décision a touché sa fille par ricochet. L’Etat est d’une cruauté kafkaïenne…
Rachel n’est donc plus française, elle n’existe plus civilement. Même si elle paie ses impôts, même si elle vote et qu’elle s’est présentée en 2008 sur la liste MoDem de Clamart, sa ville. Militante associative depuis toujours, elle écrit au président de la République, au ministre de l’Intérieur, de la Justice, qui refuse obstinément de lui octroyer un certificat de nationalité française. C’est l’association Ni putes ni soumises qui l’oriente vers une avocate. «On a d’abord traité l’urgence : obtenir une carte de séjour, avant de demander une naturalisation», explique son conseil, Lilia Mhissen. Direction le bureau d’octroi des titres de séjour, où on l’oriente vers « l’ambassade de [son] pays ».
Son pays ? Ce Cameroun dont elle a seulement quelques souvenirs, trop vagues. « Des images de moi, petite, entourée de femmes, de tantes, de soeurs. Je passais de maison en maison. » Rachel est une enfant illégitime, indésirable au village. L’homme qui figure sur son acte de naissance, William E. est en fait… son grand-pere maternel. « C est lui qui m a reconnue. J’étais considérée comme l’une des petites soeurs de ma mère, pas comme sa fille. » Le patriarche a refait sa vie dans la banlieue parisienne. « Il avait épousé une Française en plus de sa femme au pays. Quand elle l’a quitté, je me suis retrouvée seule avec lui. L’enfer a commencé. » William E, condamné à 12 ans de prison, a été déchu de son autorité parentale. Mais pas de sa nationalité. « C’est à cause de sa polygamie qu’il l’a perdue, trois ans après son procès », ajoute Lilia Mhissen. Pour le législateur, la polygamie est un crime plus grave que l’inceste, passible de la punition ultime : le retrait de la nationalité. Après le procès, Rachel a enfin eu des nouvelles de sa mère : « Une lettre d’insultes. Pour la famille, j’aurais dû me taire. Comme ma mère, qui avait subi les mêmes sévices. J’ai tiré un trait sur ma famille camerounaise. » Après un long chemin de croix, Rachel vient d obtenir un titre de séjour. Elle travaille comme assistante d’éducation dans un collège de Châtenay-Malabry à deux pas de son ancien tortionnaire, qui est sorti de prison. « Je n’ai qu’un rêve, dit-elle, récupérer ma nationalité française : c’est ma seule identité. »
« A 11 ans, j’ai fait office de nouvelle épouse. » Rachel raconte pudiquement son enfance volée. Elle a 5 ans quand sa mère, restée au Cameroun, l’envoie chez un «père» qu’elle n’a jamais vu. L’homme la frappe avant d’abuser d’elle. A 14 ans, Rachel ose parler à une éducatrice qui a repéré cette enfant couverte de bleus. Elle témoignera au procès de son bourreau. Ballottée au gré des familles d’accueil de l’ASE (Aide sociale à l’Enfance), Rachel aurait pu se perdre. Mais elle a eu son bac. Réussi le concours de restauration-hôtellerie. Et travaillé tôt pour être autonome. Aujourd’hui, mère d’une petite fille de 2 ans, la jeune femme de 29 ans voudrait qu’on la laisse poursuivre son chemin. Mais la vie est chienne. Il y a huit ans, Rachel a voulu faire refaire ses papiers. Impossible, lui a répondu l’administration : son « père» a en effet été déchu de la nationalité française. La décision a touché sa fille par ricochet. L’Etat est d’une cruauté kafkaïenne…
Rachel n’est donc plus française, elle n’existe plus civilement. Même si elle paie ses impôts, même si elle vote et qu’elle s’est présentée en 2008 sur la liste MoDem de Clamart, sa ville. Militante associative depuis toujours, elle écrit au président de la République, au ministre de l’Intérieur, de la Justice, qui refuse obstinément de lui octroyer un certificat de nationalité française. C’est l’association Ni putes ni soumises qui l’oriente vers une avocate. «On a d’abord traité l’urgence : obtenir une carte de séjour, avant de demander une naturalisation», explique son conseil, Lilia Mhissen. Direction le bureau d’octroi des titres de séjour, où on l’oriente vers « l’ambassade de [son] pays ».
Son pays ? Ce Cameroun dont elle a seulement quelques souvenirs, trop vagues. « Des images de moi, petite, entourée de femmes, de tantes, de soeurs. Je passais de maison en maison. » Rachel est une enfant illégitime, indésirable au village. L’homme qui figure sur son acte de naissance, William E. est en fait… son grand-pere maternel. « C est lui qui m a reconnue. J’étais considérée comme l’une des petites soeurs de ma mère, pas comme sa fille. » Le patriarche a refait sa vie dans la banlieue parisienne. « Il avait épousé une Française en plus de sa femme au pays. Quand elle l’a quitté, je me suis retrouvée seule avec lui. L’enfer a commencé. » William E, condamné à 12 ans de prison, a été déchu de son autorité parentale. Mais pas de sa nationalité. « C’est à cause de sa polygamie qu’il l’a perdue, trois ans après son procès », ajoute Lilia Mhissen. Pour le législateur, la polygamie est un crime plus grave que l’inceste, passible de la punition ultime : le retrait de la nationalité. Après le procès, Rachel a enfin eu des nouvelles de sa mère : « Une lettre d’insultes. Pour la famille, j’aurais dû me taire. Comme ma mère, qui avait subi les mêmes sévices. J’ai tiré un trait sur ma famille camerounaise. » Après un long chemin de croix, Rachel vient d obtenir un titre de séjour. Elle travaille comme assistante d’éducation dans un collège de Châtenay-Malabry à deux pas de son ancien tortionnaire, qui est sorti de prison. « Je n’ai qu’un rêve, dit-elle, récupérer ma nationalité française : c’est ma seule identité. »
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