L’express – "lois de circonstance à des fins de communication ministérielle" par l’USM – Union syndicale des magistrats

Hortefeux met les magistrats en boule
Par Emilie Cailleau,
publié le 01/02/2010 à 14:47
mis à jour le 01/02/2010 à 15:30
Les magistrats ne décolèrent pas. Les propositions du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux pour protéger les seniors ne sont que du réchauffé, affirme l’Union syndicale des magistrats. USM

Brice Hortefeux et son plan pour la sécurité des seniors a déjà beaucoup fait jaser les politiques. Ce week-end, après un fait-divers sanglant, le ministre annonce un dispositif pour protéger davantage les plus âgés. Mais la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie proteste : ce n’est pas du ressort de l’Intérieur, explique-t-elle. C’est alors au porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, de mettre son grain de sel et de soutenir le ministre Brice Hortefeux.

Mais les mesures du ministre de l’Intérieur provoquent surtout la colère des magistrats. L’annonce du ministre de l’Intérieur provoque la colère des magistrats. « On réinvente des choses déjà existantes dans le Code pénal pour plaire à une partie de l’électorat », s’agace Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire.

Ces sanctions aggravées pour les auteurs d’agressions contre les personnes âgées existent déjà. Le blogueur Me Eolas l’explique et cite le Code pénal. Pour punir le double meurtre des retraités, l‘article 221-4 prévoit une réclusion criminelle à perpétuité. Et le 311-4 définit le vol aggravé.

Difficile de faire plus, renchérit Me Mô sur son blog. « L’auteur de ce double meurtre encourt […] la réclusion criminelle à perpétuité (le meurtre étant à lui seul puni de trente ans de réclusion criminelle). La seule ‘aggravation possible’ consisterait ainsi à élever le quantum de la période de sûreté envisageable. Bof. »

Course à l’échalote
Cette disposition n’amènerait donc rien de nouveau, ni sur le fond… ni sur la forme (voir encadré) : « On instrumentalise la loi et un fait-divers à des fins politiques », explique-t-il à LEXPRESS.fr.

Le président de l’USM parle de « lois de circonstance à des fins de communication ministérielle ». Il cite à titre d’exemple l’inceste sur mineurs, déjà pris en compte par le Code pénal au titre de viol, ou agression sexuelle par ascendant ou autorité, ainsi que la loi sur les bandes violentes avec l’association de malfaiteurs.
Le coup de gueule de l’USM est partagé par Me Eolas. « Vous connaissiez la règle ‘un fait divers, une loi ?’ Elle a atteint un nouveau palier: désormais, c’est un fait divers, votons ce qui existe déjà », ironise-t-il dans un post de blog.
Pour ces professionnels de la justice, l’inflation législative n’est pas une solution. Elle masque le manque de moyens de police et de justice. « On vend une accumulation de textes qui sont censés régler le problème mais c’est pas comme ça qu’on va baisser la délinquance, tempête Christophe Régnard. Au contraire les vols en bande et à main armée ont augmenté ces dernières années ».
Zéro dissuasion
Ces professionnels se montrent aussi sceptiques sur l’allongement des peines prévues dans la proposition de Brice Hortefeux (de sept à dix ans pour les vols avec violence sur les personnes vulnérables, ndlr). « Je doute que Monsieur le ministre ait déjà eu l’occasion de demander à un prévenu comparaissant à l’audience s’il sait quelle peine il encourt pour le délit pour lequel il est poursuivi […], explique Maitre Mô sur son blog. […]
Une élévation du plafond de sept à dix ans d’emprisonnement serait vraisemblablement une information que l’intéressé recueillerait le jour de l’audience, ou quasiment. Effet dissuasif: zéro ».
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La surchauffe législative

Nombre d’annonces politiques ne sont jamais appliquées et finissent par tomber dans l’oubli.
C’est le cas de la loi sur les récidivistes, le décret sur les cagoules, la loi sur le racolage passif, le délit d’occupation de halls d’immeuble… « Beaucoup de lois ne sont pas appliquées car inapplicables », juge Christophe Régnard de l’USM.

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