Les droits des enfants vus par un juge des enfants
Jean-Pierre Rosenczveig
06 avril 2010
L’Eglise catholique punie par là où elle a péché (370)
« Les enfants ont droit à l’amour, mais pas à ce qu’on leur fasse ! » Cette formule lapidaire résume bien nos règles qui veulent que l’enfant, c’est-à-dire la personne de moins de 18 ans, mais encore plus la jeune personne de moins de 15 ans, soit spécialement protégé contre les adultes qui voudraient entretenir des relations sexuelles avec lui.
Certes l’enfant de plus de 15 ans peut entretenir des relations sexuelles.
On parle même un peu abusivement de majorité sexuelle. Partant de l’idée qu’il n’y a pas véritable discernement chez l’enfant de moins de 15 ans on fait de la minorité de 15 ans une circonstance aggravante : même s’il n’y a pas de violence physique au sens formel du terme la loi pose pour présomption que l’adulte a abusé du plus jeune. La relation amoureuse, mais également la relations sexuelle suppose une certaine égalité entre les partenaires, cette égalité n’existe pas avec cette différence d’âge entre un moins de 15 ans et un plus de 18 ans.
C’est une autre circonstance aggravante que de profiter de l’autorité morale sur une personne, en l’espèce un enfant pour lui imposer des relations sexuelles. La loi vise les personnes qui exercent de l’autorité sur lui, membres de la famille (le père ou le beau-père même hors mariage) sont spécialement punissables ou professionnels à qui les parents confient l’enfant (enseignants, éducateurs, prêtres, etc.).
Ceux qui les connaissant ne dénoncent pas les crimes ou délits sur personne vulnérable à l’autorité administrative ou judiciaire et, a fortiori ne prennent pas les dispositions adaptées pour en éviter le renouvèlement, engagent leur responsabilité pénale pour non assistance à personne en péril, mais encore leur responsabilité civile, voire leur responsabilité disciplinaire.
L’Eglise catholique avec retard est en train de réaliser de plein fouet que le droit canon est singulièrement déphasé par rapport au droit laïc qui s’applique à tous, y compris aux gens de robe (conf. Charles Condamines in Le Monde du 26 mars 2010).
Bien évidemment les « scandales » à répétition qui explosent sur tous les continents et à une échelle dépassant l’entendement ne doivent pas faire oublier que les violences sexuelles sont d’abord intra-familiales.
De même ne doit-on pas voir dans les seuls ecclésiastiques les prédateurs susceptibles de s’attaquer à des enfants pour assouvir leurs penchants sexuels. Il y a quelques années on a connu en France une vague de révélations de violences sexuelles commises par des enseignants avec des réactions judiciaires fermes qui ont pu choquer et susciter opprobre et honte avec quelques suicides traumatisants pour l’opinion. De même des comportements répréhensibles ont été relevés parmi les travailleurs sociaux et, d’une manière générale, dans toutes les professions, y compris la magistrature, au contact d’enfants.
L’Eglise catholique comme l’ensemble du corps social, a mis du temps pour réaliser combien les enfants réduits à être des objets sexuels avaient pu être traumatisés, certains à vie, par ce qui leur avait été imposé. Il est regrettable que l’Eglise, non seulement ne l’ait pas réalisé en même temps que le corps social, mais pourquoi pas avant, elle qui s’estime investie d’une mission à l’égard des enfants investie et se veut « éclairée ».
Il est donc choquant que prônant en permanence la compassion et l’aide à apporter à son prochain en souffrance, que se voyant confier la responsabilité d’éduquer, sinon de protéger des enfants, qu’ayant une « autorité » morale majeure sur la société civile, elle n’ait pas su faire l’effort qui s’imposait pour entendre la parole des victimes, encore enfants ou devenues adultes. Au contraire, cette parole, elle l’a trop longtemps bâillonnée, étouffée, discréditée. Elle a même abusé du crédit que lui accordaient parfois les institutions publiques convaincues qu’elle saurait réagir positivement sans enterrer les plaintes qui se faisaient jour.
Non seulement l’Eglise est coupable de violence à enfants, mais elle doit supporter une circonstance aggravante renforcée du fait de son état. Et c‘est bien ce qui est en train de se jouer. Tout cela n’a rien que de moral.
Il aura fallu des condamnations comme celle en septembre 2001 de Mgr Pican, évêque de Bayeux à 3 mois d’emprisonnement avec sursis pour non-dénonciation de crime et non assistance à personne en péril pour rappeler à la hiérarchie catholique qu’elle ne pouvait pas se refugier derrière le secret de la confession (encore appelé secret professionnel) quand elle était en vérité « l’employeur » du prêtre violeur d’enfants. Pour avoir suivi à l’époque les débats il est évident que Mgr Pican n’avait rien compris au film qui lui refusait les excuses derrière lesquelles il se retranchait pour justifier son comportement coupable. Il aurait fait appel de sa condamnation si le Vatican ne l’avait pas rappelé à l’ordre.
On se souvient aussi que Mgr Gaillot a cru de bonne foi pouvoir aider un curé québécois – M. Vadeboncoeur, cela ne s’invente pas – condamné dans son pays pour pédophilie. Notre « bon » évêque a voulu lui donner une deuxième chance en France à travers l’octroi d’une nouvelle cure. Les enfants de cette cure ont été les premières victimes de la « rechute » du curé québécois.
La vérité veut de dire que l’Education nationale il y 20 ou 30 ans ne faisait guère mieux quand elle découvrait qu’un enseignant avait fauté. Les archives sont là qui le démontrent. Très souvent, trop souvent, secret garanti et mutation discrète après un éventuel sermon.
Bref, l’Eglise catholique, comme les autres institutions a longtemps plus pensé à elle qu’aux victimes ! Vision à courte vue comme le démontre aujourd’hui le retour de flamme qui la frappe. Les victimes s’organisent comme aux USA pour se faire indemniser, et l’addition est salée, des ecclésiastiques, y compris de haut rang sont poursuivis et incarcérés sur tous les continents ; pire, les catholiques eux-mêmes sont ébranlés et doutent de leurs prêtres. Des juristes cherchent même à engager des poursuites contre le pape lui-même. Les dégâts sont énormes. Les quelques sanctions prisent en interne sont insuffisantes.
Bien évidemment au sein de l’Eglise nombreux ont été ceux qui ont compris de longue date qu’il fallait oser aborder la question de la pédophilie mais aussi celle de la sexualité des prêtres. Il ne s’agit pas de mélanger tous les problèmes. Le mariage n’empêche pas les pratiques pédophiles de certains époux. L’Eglise de France a engagé ce travail discrètement il y a une dizaine d’années. Peut être trop discrètement.
Apparemment comme nombre de hiérarques catholiques le cardinal Joseph Ratzinger a joué très longtemps la carte de l’omerta dans tous les lieux où il a exercé des responsabilités avec le souci de protéger l’institution. Plus récemment, le pape Benoit XVI a su condamner fermement ces pratiques criminelles comme aucun de ses prédécesseurs ne l’avait fait. Il faut lui en donner acte, mais cela n’efface pas le passé. Les attaques dont il est l’objet actuellement sont présentées comme injustes. Mais une institution se doit d’assumer ses pages d’écriture, y compris les moins belles. Il en va en quelque sorte la continuité de l’Eglise.
D’évidence des gestes et des paroles vont s’imposer pour cautériser les plaies encore vives. La tâche est ardue d’autant que régulièrement de nouvelles affaires éclatent qui ne datent pas d’il y a 20 ans comme si leurs auteurs n‘avaient pas ouvert un journal ou vu un journal télévisée depuis 1980.
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Certes l’enfant de plus de 15 ans peut entretenir des relations sexuelles.
On parle même un peu abusivement de majorité sexuelle. Partant de l’idée qu’il n’y a pas véritable discernement chez l’enfant de moins de 15 ans on fait de la minorité de 15 ans une circonstance aggravante : même s’il n’y a pas de violence physique au sens formel du terme la loi pose pour présomption que l’adulte a abusé du plus jeune. La relation amoureuse, mais également la relations sexuelle suppose une certaine égalité entre les partenaires, cette égalité n’existe pas avec cette différence d’âge entre un moins de 15 ans et un plus de 18 ans.
C’est une autre circonstance aggravante que de profiter de l’autorité morale sur une personne, en l’espèce un enfant pour lui imposer des relations sexuelles. La loi vise les personnes qui exercent de l’autorité sur lui, membres de la famille (le père ou le beau-père même hors mariage) sont spécialement punissables ou professionnels à qui les parents confient l’enfant (enseignants, éducateurs, prêtres, etc.).
Ceux qui les connaissant ne dénoncent pas les crimes ou délits sur personne vulnérable à l’autorité administrative ou judiciaire et, a fortiori ne prennent pas les dispositions adaptées pour en éviter le renouvèlement, engagent leur responsabilité pénale pour non assistance à personne en péril, mais encore leur responsabilité civile, voire leur responsabilité disciplinaire.
L’Eglise catholique avec retard est en train de réaliser de plein fouet que le droit canon est singulièrement déphasé par rapport au droit laïc qui s’applique à tous, y compris aux gens de robe (conf. Charles Condamines in Le Monde du 26 mars 2010).
Bien évidemment les « scandales » à répétition qui explosent sur tous les continents et à une échelle dépassant l’entendement ne doivent pas faire oublier que les violences sexuelles sont d’abord intra-familiales.
De même ne doit-on pas voir dans les seuls ecclésiastiques les prédateurs susceptibles de s’attaquer à des enfants pour assouvir leurs penchants sexuels. Il y a quelques années on a connu en France une vague de révélations de violences sexuelles commises par des enseignants avec des réactions judiciaires fermes qui ont pu choquer et susciter opprobre et honte avec quelques suicides traumatisants pour l’opinion. De même des comportements répréhensibles ont été relevés parmi les travailleurs sociaux et, d’une manière générale, dans toutes les professions, y compris la magistrature, au contact d’enfants.
L’Eglise catholique comme l’ensemble du corps social, a mis du temps pour réaliser combien les enfants réduits à être des objets sexuels avaient pu être traumatisés, certains à vie, par ce qui leur avait été imposé. Il est regrettable que l’Eglise, non seulement ne l’ait pas réalisé en même temps que le corps social, mais pourquoi pas avant, elle qui s’estime investie d’une mission à l’égard des enfants investie et se veut « éclairée ».
Il est donc choquant que prônant en permanence la compassion et l’aide à apporter à son prochain en souffrance, que se voyant confier la responsabilité d’éduquer, sinon de protéger des enfants, qu’ayant une « autorité » morale majeure sur la société civile, elle n’ait pas su faire l’effort qui s’imposait pour entendre la parole des victimes, encore enfants ou devenues adultes. Au contraire, cette parole, elle l’a trop longtemps bâillonnée, étouffée, discréditée. Elle a même abusé du crédit que lui accordaient parfois les institutions publiques convaincues qu’elle saurait réagir positivement sans enterrer les plaintes qui se faisaient jour.
Non seulement l’Eglise est coupable de violence à enfants, mais elle doit supporter une circonstance aggravante renforcée du fait de son état. Et c‘est bien ce qui est en train de se jouer. Tout cela n’a rien que de moral.
Il aura fallu des condamnations comme celle en septembre 2001 de Mgr Pican, évêque de Bayeux à 3 mois d’emprisonnement avec sursis pour non-dénonciation de crime et non assistance à personne en péril pour rappeler à la hiérarchie catholique qu’elle ne pouvait pas se refugier derrière le secret de la confession (encore appelé secret professionnel) quand elle était en vérité « l’employeur » du prêtre violeur d’enfants. Pour avoir suivi à l’époque les débats il est évident que Mgr Pican n’avait rien compris au film qui lui refusait les excuses derrière lesquelles il se retranchait pour justifier son comportement coupable. Il aurait fait appel de sa condamnation si le Vatican ne l’avait pas rappelé à l’ordre.
On se souvient aussi que Mgr Gaillot a cru de bonne foi pouvoir aider un curé québécois – M. Vadeboncoeur, cela ne s’invente pas – condamné dans son pays pour pédophilie. Notre « bon » évêque a voulu lui donner une deuxième chance en France à travers l’octroi d’une nouvelle cure. Les enfants de cette cure ont été les premières victimes de la « rechute » du curé québécois.
La vérité veut de dire que l’Education nationale il y 20 ou 30 ans ne faisait guère mieux quand elle découvrait qu’un enseignant avait fauté. Les archives sont là qui le démontrent. Très souvent, trop souvent, secret garanti et mutation discrète après un éventuel sermon.
Bref, l’Eglise catholique, comme les autres institutions a longtemps plus pensé à elle qu’aux victimes ! Vision à courte vue comme le démontre aujourd’hui le retour de flamme qui la frappe. Les victimes s’organisent comme aux USA pour se faire indemniser, et l’addition est salée, des ecclésiastiques, y compris de haut rang sont poursuivis et incarcérés sur tous les continents ; pire, les catholiques eux-mêmes sont ébranlés et doutent de leurs prêtres. Des juristes cherchent même à engager des poursuites contre le pape lui-même. Les dégâts sont énormes. Les quelques sanctions prisent en interne sont insuffisantes.
Bien évidemment au sein de l’Eglise nombreux ont été ceux qui ont compris de longue date qu’il fallait oser aborder la question de la pédophilie mais aussi celle de la sexualité des prêtres. Il ne s’agit pas de mélanger tous les problèmes. Le mariage n’empêche pas les pratiques pédophiles de certains époux. L’Eglise de France a engagé ce travail discrètement il y a une dizaine d’années. Peut être trop discrètement.
Apparemment comme nombre de hiérarques catholiques le cardinal Joseph Ratzinger a joué très longtemps la carte de l’omerta dans tous les lieux où il a exercé des responsabilités avec le souci de protéger l’institution. Plus récemment, le pape Benoit XVI a su condamner fermement ces pratiques criminelles comme aucun de ses prédécesseurs ne l’avait fait. Il faut lui en donner acte, mais cela n’efface pas le passé. Les attaques dont il est l’objet actuellement sont présentées comme injustes. Mais une institution se doit d’assumer ses pages d’écriture, y compris les moins belles. Il en va en quelque sorte la continuité de l’Eglise.
D’évidence des gestes et des paroles vont s’imposer pour cautériser les plaies encore vives. La tâche est ardue d’autant que régulièrement de nouvelles affaires éclatent qui ne datent pas d’il y a 20 ans comme si leurs auteurs n‘avaient pas ouvert un journal ou vu un journal télévisée depuis 1980.
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