Le crayon de Papa par Soliane

« …L’inceste, Ian soliane en raconte l’effroi, en montrant comment le rapport haine-amour pour le bourreau, détruit la conscience de la victime qui se sent parfois même coupable. L’auteur, qui a vécu tout cela enfant, a dédié ce livre à sa soeur qui passa aussi entre les mines d’un crayon paternel souillé par l’infamie. Pas d’effets, pas de passages scabreux, l’écriture de l’auteur refusant toujours la complaisance suggère, au lieu de monter de façon salace. Et Ian Soliane de composer une ode au pardon possible, qui n’est pas synonyme d’oubli, mais qui permet de renaître à la vie et donc aux autres. Nécessité absolue, en fait, pour ne pas sombrer dans la destruction de son âme. Le crayon de papa est un grand livre, admirablement composé, avec un épilogue stupéfiant qui serre la gorge et qui, dénonçant l’inceste, redit aux victimes qu’un avenir meilleur est possible. Un livre chrétien en fait, au sens biblique du terme, où l’écriture s’affirme contre un rempart à la folie, au suicide et à la mort. Un livre d’écrivain. Un écrivain lucide, généreux, compassionnel.
Maxime Romain
LA MARSEILLAISE – 26 août 2004

« (…) Ian Soliane dévoile l’inceste abyssal. Le Crayon de papa est le titre enfantin (aux échos scabreux) d’une chronique familiale dont les relents sont nauséabonds : jour après jour, le père, homme respectable, impose ses désirs les plus pervers à son fils, sous les yeux de la mère. (…) Le roman de Ian Soliane est d’une subtilité bouleversante. Par quel prodige réussit-il à nous ensorceler par le récit du quotidien anodin d’une famille ordinaire pour soudain nous confronter à l’horreur. Quelles phrases d’une crudité rudimentaire sont disséminées dans l’abondance des joies simples du foyer, relatées au fil des jours. Le narrateur du Crayon de papa joue avec un talent de conteur époustouflant sur le registre des souvenirs d’enfance, genre La Gloire de mon père, de Marcel Pagnol, ou Le Petit Chose, d’Alphonse Daudet. Peu à peu s’insinue la répulsion. Le lecteur ne s’y attend pas. A-t-il bien lu ? Ce père cultivé, attentif… Est-ce bien le même qui… ? « Nous avons fini de manger. On s’était entiché de Woody Allen. Papa se calait bien dans le fauteuil. Ma place assignée : les genoux. Il jouait avec les cheveux pour passer ensuite au slip. Tous les acteurs de ce film portaient des lunettes. (…) Je n’arrivais pas à comprendre ce que Woody a de si drôle. Il avait un costume terrible, mais je riais légèrement en retard (le zizi tout raide, entre pouce et index). Maman ne disait rien, de trois quarts, penchée sur la laine. »

Hugo Marsan

LE MONDE DES LIVRES – 17 septembre 2004

3 réflexions au sujet de « Le crayon de Papa par Soliane »

  1. Je suis une femme mariée de 32 ans et j’ai subi l’inceste par un de mes oncles entre 7 et 10 ans. J’ai lu « le crayon de papa » et j’ai trouvé ce livre assez dérangeant. L’auteur ne se pose pas en victime et c’est ça qui m’a gênée, aucune prise de positon morale. Ce qui finalement est le cas quand on est enfant. On ne comprend pas vraiment ce qui arrive. On se sent prise dans une sorte de piège du silence, on ne peut pas en parler et à qui en parler ? C’est très bien rendu dans ce texte. Au final j’ai beaucoup aimé ce livre. (Louise, Paris)

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  2. J’apprécie aussi le fait de ne pas se poser en victime. Notre société est basée maintenant sur ce concept d’indemnisation des victimes. Il a un côté conscience tranquille qui me dérange.
    Etre victime ne me semble pas constructif au même titre que le mot inceste qui veut quand même dire souillure et qui ne prend pas du tout en compte que la filiation est rompue. Quand aurons-nous le droit d’être des personnes à respecter ?
    J’ai milité, fait des émissions de radio et télévision, j’ai 50 ans, mariée 2 enfants et le résultat est une vie en apparence tranquille où les personnes qui m’entourent ne me semblent pas vraiment présentes.
    J’ai trouvé un très bel article que j’ai mis sur mon autre blog : resilience-autofiction.over-blog.fr
    Merci Louise de votre échange.

    L’accueil : une courageuse compassion
    Il n’est pas facile de fournir cet accueil nécessaire à une personne qui s’attend à être exploitée et maltraitée. Face à son scepticisme douloureux mais sain, on peut facilement être blessé, se décourager ou s’impatienter. Comment fournir cet espace accueillant sans l’imposer ? Comment aider sans exiger la reconnaissance et la collaboration. Comment accueillir l’autre dans sa douleur et sa révolte sans tenter de se l’approprier ? Voilà les principaux défis paradoxaux auxquels on doit se mesurer pour parvenir à amorcer la démarche d’aide.

    C’est donc une disponibilité patiente et discrète que nous devons parvenir à offrir tout en subissant les réactions de révolte, de méfiance et de régression qui mettent notre sincérité à l’épreuve. Il n’est pas facile de se faire accuser de cruauté au moment où ou désire accueillir la douleur de l’autre.

    Parce que la personne s’attend à être exploitée à nouveau, il faut absolument résister à la tentation de s’en servir comme porte-étendard d’une cause sociale quelconque. L’éloquence de son témoignage est telle qu’on est naturellement porté à en faire un discours social, à le transformer en un symbole qui servira à faire changer les choses, à faire condamner les responsables (ou même à stimuler les cotes d’écoute). Et comme la personne elle-même a besoin de parler de son expérience, de raconter son drame, elle peut sembler complice de cette utilisation qui devient, au fond, un nouvel abus.

    L’accueil dont je parle ici est donc le contraire de la récupération sociale toujours invitante. Il est en même temps l’inverse de l’autre réaction la plus fréquente : le déni.
    Enseigner la résilience
    Par Jean Garneau , psychologue

    Cet article est tiré du magazine électronique
     » La lettre du psy »
    Volume 9, No 1: Janvier 2005

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  3. Ce qui est très bien rendu dans ce livre, c’est l’emprise. Ça arrive n’importe quand et c’est immuable. « Son index droit entrait dans mon anus. Au même moment, dans la cuisine, maman faisait les tartines. » Il reste la trace, l’empreinte, celle que connaissent les incestés et qui reste inaccessible aux autres lecteurs qui repoussent le livre parce qu’il est abjecte, mais ce quotidien réel est abjecte.

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