Le travail parlementaire est un éternel recommencement. C’est notamment le cas lorsqu’une disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. Un bon exemple a été donné hier lors des débats sur l’inscription de l’inceste dans le code pénal.
L’inceste est déjà présent dans notre droit. Dans le code civil (l’interdiction de se marier ou de reconnaître la filiation paternelle d’un enfant incestueux), mais également dans le code pénal. Plusieurs délits sexuels sont aggravés quand ils sont commis par un parent ou une personne ayant autorité sur l’enfant. Mais pour certaines associations cela est insuffisant. Elles souhaitent que le mot inceste soit inscrit noir sur blanc dans notre droit, afin de se voir reconnaître qu’elles ont été victimes d’inceste.
Cette disposition a une histoire. Une proposition de loi sur l’inceste avait été adoptée en février 2010. Comme l’amendement ici proposé, elle visait à définir comme « incestueux » certains crimes et délits sexuels, « lorsqu’ils [étaient] commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
Une grande partie de cette loi avait été censurée par le Conseil constitutionnel un an après, par sa décision 2011-163 (suivie d’une décision 2011-222). Le Conseil a considéré que la loi ne définissait pas avec précision ce qu’était une « famille ». Cette imprécision était volontaire. Un beau-frère, le concubin de la mère, le cousin, fait-il partie de cette famille ? Mais en étant imprécis, le législateur ouvrait trop largement ce nouveau délit d’inceste. D’autant que le code pénal ne prévoit le caractère aggravant de l’inceste que si le coupable a une relation d’autorité ou d’ascendance sur une victime mineur (une agression entre frères du même âge n’est pas plus sévèrement punie qu’une agression « normale »). On aurait alors des délits qualifiés « d’incestueux » alors que le caractère aggravant n’a pas été retenu.
Si cette loi est faite pour répondre aux demandes des victimes, le Conseil a bien souligné qu’elle est avant tout destinée aux condamnés. En voulant satisfaire les victimes alors qu’on ne peut viser que les condamnés, on met en place une équation impossible. D’où le risque d’avoir soit un texte incomplet, soit au contraire trou flou (et donc contraire à la Constitution). Cette difficulté a bien été soulignée dans les débats dans l’hémicycle entre les députés Denys Robiliard et Bernard Roman.
Ce matin, la Commission des Lois a adopté par amendement une sur-amende de 10% qui serait payée en cas de condamnation pénale, afin de financer l’aide aux victimes. Ce principe de sur-amende avait été lui-aussi censuré par le Conseil constitutionnel l’an dernier, au motif qu’une peine d’amende n’est jamais automatique et qu’elle doit avoir être expressément prononcée par un juge, en fonction de chaque cas. L’article a donc été réécrit en prenant en compte les problèmes qui avaient justifié la censure. Faire, défaire, refaire,…
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