16.04.2014 – 07:15
Le billet politique de Benoît Bouscarel
Hier, la députée socialiste du Tarn et Garonne Valérie Rabault a été élue par la commission des finances de l’Assemblée Nationale, rapporteuse générale du budget. Ça consiste à faire le lien entre le gouvernement et le parlement, dans l’élaboration du budget, et de la politique fiscale. Autant dire que ce n’est pas une mince affaire !
Mais depuis l’élection de Valérie Rabault, les commentaires portent beaucoup plus sur le fait qu’elle est une femme, que sur la mission difficile qui l’attend : “c’est la toute première fois qu’une femme devient rapporteur du budget”, lit-on partout. Comme si c’était un événement. Alors que si on étudie la chose de près, il est fort probable que ce soit aussi la toute première fois que ce poste échoie à un représentant du Tarn et Garonne, au cours d’une année paire, non bissextile !! Il faudrait vérifier.
Pourquoi donc cela paraît-il si incroyable que nous ayons désormais une rapporteuse générale du budget ? Est-ce parce que certains s’inquiètent, inconsciemment, de savoir si elle peut gérer “en bon père de famille” ? Est-ce parce que d’autres pensent, avec bienveillance sûrement, qu’un regard féminin sur les comptes de la nation nous conduira vers plus de sagesse ?
Dans ce genre de commentaires, l’idée est sous-tendue, toujours, qu’on ne fait pas de la politique de la même manière selon qu’on est une femme ou qu’on est un homme. Ça s’appelle du différentialisme. Bien sûr, il ne s’agit plus aujourd’hui de dire qu’une femme est incapable de s’occuper des affaires publiques. Mais insinuer qu’elle s’en occupera différemment est tout aussi révélateur. Décidément oui, les femmes, en politique, ont encore des combats à mener. Un peu comme dans l’armée, finalement : hier encore, on apprenait que, par groupes de trois, les femmes allaient bientôt pouvoir renforcer les équipages des sous-marins nucléaires français. Et sincèrement, on se demande si ce sera plus difficile que de s’engager en politique.
Alors, pour tenter de faire évoluer les choses, cet après-midi, des listes féministes pour les élections européennes seront présentées à la presse, sous la conduite de Caroline De Haas, qui vient de quitter le Parti Socialiste. L’idée, c’est de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes à l’échelle européenne. De contrer les politiques anti-avortement. Et de lutter contre les politiques d’austérité, qui toucheraient, d’après elles, d’abord les femmes.
Mais les initiatrices de ces listes « féministes pour une Europe solidaire », vont devoir démontrer qu’elles ne donnent pas, justement, dans le différentialisme. Ça leur serait certainement reproché, autant que de vouloir cantonner le féminisme à gauche. Le chemin, on le voit, est encore semé d’embûches. Mais tout cela n’empêchera pas qu’une femme, un jour, qui ne se contentera pas d’un poste à l’assemblée (fût-il éminent), ou d’une place à bord d’un sous marin prendra les clés de la flotte toute entière ! Par essence, ce ne sera ni une bonne ni une mauvaise chose.
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