Edwige Antier et Gérard Lopez : faire cesser la fessée ? LCP Assemblée nationale

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19 novembre 2009
J’accueille Edwige Antier député l’UMP et de Paris Pédiatre et auteur d’une proposition de loi et Gérard Lopez donc qui est psychiatre.
Comment ne plus être une victime ? Aux éditions l’esprit du temps.
Faut-il mettre la fessée sur la sellette ?
Qu’est-ce que vous pensez Edwige Antier vous avez déposé une proposition de loi sur ce thème vous appuyant sur le fait que de nombreux pays et européens 18 au total sont déjà passés à autre chose, l’ont proscrit. Et puis parce que vous pensez également, vous êtes bien placé pour le savoir que ce n’est pas vraiment un bon guide éducatif que cette fessée. Ça inculque en particulier aux enfants, que les conflits peuvent se régler par la force donc évidemment c’est pas terrible.
Faut-il pour autant parce que c’est le reproche qu’on vous a fait, faut-il pour autant écrire une loi pour cela ? est-ce qu’on peut pas laisser finalement les parents décider d’eux-mêmes et puis il y a un autre argument qu’on vous a aussi réservé, c’est un argument politique, vous l’avez aussi entendu : est-ce que c’est le moment ?
Alors que les députés se plaignent de trop travailler de suivre un train d’enfer sur les réformes de rajouter une réforme sur la fessé ?
Est-ce qu’il y avait une telle urgence ? Je vous pose toutes ces questions en vaux deux, je vais vous laisser 12 minutes face à face et seuls pour en parler. Je vous donne la parole.
Gérard Lopez : Je peux dire une chose ?
Présentateur : Oui, allez-y !
Vous avez dit : mettre la fessée sur la sellette : la sellette est un engin de torture, vous voyez déjà qu’on démarre mal.
[rire]
Présentateur :
Est-ce que la fessée est une torture à ce point là ?
Edwige Antier :
je pense qu’il est important que l’on déjà publiquement à tous les parents, tous ceux qui ont reçu une fessée, qui nous écoutent et qui ont la nostalgie de la bonne fessée, vous êtes un confrère, que la fessée n’éduque pas et qu’au contraire plus on lève la main, parce que par fessée, on dit en fait, c’est une proposition de loi pour abolir les châtiments corporels,
Gérard Lopez :
Ah ! c’est pas la même chose…
Edwige Antier :
La fessée, mais aussi la tape, la tape, le martinet dont se servent encore selon un sondage récent 17 pour cent des pères, on se croirait au Moyen Âge, eh bien non abolition. Parce que ça n’éduque pas. Les gens disent un oui mais pour l’autorité. Alors, cher confrère dites aux personnes ce quelles coups font. Est-ce que ça donne de l’autorité ? moi je dis non.
Gérard Lopez :
Au contraire je crois que la fessée est une chose à réprouver totalement surtout comme méthode d’éducation. Mais je crois qu’on ne doit pas donner une fessée. J’excuse légèrement la personne énervée qui donnerait une gifle. je trouve que c’est pas bien du tout et que ça mérite des excuses et des explications et que ça doit être parfaitement exceptionnel, mais les parents ne sont pas des saints.
Edwige Antier :
Si je m’énerve et que je vous donne une gifle, franchement c’est pas une façon de débattre, il faut absolument apprendre dès l’enfance que l’on parle avec des mots parce que nous sommes humanisés et non pas avec des gestes qui font mal.
Gérard Lopez :
je suis entièrement d’accord avec vous, la fessée c’est une méthode d’éducation à abolir à proscrire définitivement. Il y a eu une grande campagne dans le 93, notre consœur, enfin ce n’est pas une consœur, Alice Miller en a parler depuis bien longtemps et elle a raison.
Edwige Antier :
En appelant son livre : C’est pour ton bien, genre la bonne excuse.
Gérard Lopez :
Ah non, c’est pire que ça c’est pour ton bien, ça veut dire, c’est un message qui embrouille, c’est un message pervers. Moi je n’ai jamais vu qu’une gifle ça faisait du bien, je n’ai jamais vu ça.
Edwige Antier :
les enfants qu’est-ce qu’ils font ? Ils disent même pas mal !
ils s’endurcissent. Les parents me disent souvent : non mais Docteur, parce que dans la vie civile je suis pédiatre depuis deux générations, non mais docteur, pas souvent. Bien sûr pas souvent, mais ça veut dire que vous dites souvent tu vas t’en prendre une. Donc on vit sur la menace et l’enfant ne s’est jamais pourquoi aujourd’hui sa tombe est hier ça n’est pas tombée.
Gérard Lopez :
L’éducation c’est la parole, nous sommes d’accord, mais de là à en faire une loi ! alors que moi qui travaille dans la maltraitance, je vois qu’il y a tellement de carences, je vois qu’il n’y a que 2 pour cent des médecins qui font des signalements pour enfant maltraité. Je vois que le conseil de l’ordre réprime systématiquement beaucoup de certificats parce qu’ils seraient mal faits bien que, en théorie, si les médecins savaient faire un signalement, il n’y aurait pas de poursuite.
Edwige Antier :
Mais pour un médecin, c’est jamais un geste agréable de signaler.
Gérard Lopez :
surtout le défenseur des enfants, ce qui est absolument incroyable, la nouvelle loi de 2007 a fait disparaître les enfants maltraités. Quand j’ai commencé ma carrière, on a à peu près le même âge, il y avait l’enfant martyrisé, ensuite, il y a l’enfant maltraité, maintenant, il n’y a plus que l’enfant en danger ou qui risque de l’être.
C’est une régression énorme.
Edwige Antier :
alors que dans notre pays il y a 150 000 enfants qui sont placés hors de la famille des problèmes de mauvais traitement. Donc faire une loi. Donc là je reviens, cher confrère à la loi. Parce que, à partir du moment ou comme en Suède depuis 30 ans : ce que je propose c’est un article dans le Code civil non pas dans le pénal. On ne va pas envoyer les papas et les mamans en prison mais non. Dans le code civil, au moment des mariages nous lisons non seulement pour les marier mais aussi pour toute la tribu qui est présente, des grands-parents aux petits-enfants nous lisons l’article qui dit que l’enfant sera entendu et associé aux décisions qui le concernent non son image et son degré de maturité.
Gérard Lopez : très bien !
Edwige Antier :
Je veux qu’on ajoute et les châtiments corporels sont abolis.
Il est important que ce soit si, que ce soit promulgué. En Suède, on l’a mis sur les paquets de lait, sur la table du petit déjeuner.
Gérard Lopez :
je suis d’accord avec vous, mais il y a plus urgent !
Edwige Antier :
La loi permet en l’inscrivant dans le Code civil d’avertir tout le monde.
Gérard Lopez :
Mais il y a plus urgent ! il y a beaucoup plus urgent !
Edwige Antier :
Mais jamais nos enfants ont été si violents. Vous êtes d’accord que la violence appelle la violence ?
Gérard Lopez :
Bien entendu ! mais la violence, c’est la société, c’est notre société qui est d’une violence extrême.
Edwige Antier :
En commençant par les parents, qui croient bien faire les pauvres ne sont énervés, ils sont fatigués, mais voilà, ça n’éduque pas.
Gérard Lopez :
Mais notre société est extrêmement violente est de plus en plus répressive, et c’est vrai que la violence on doit la combattre à la source, donc les méthodes éducatives. Et c’est vrai que les parents sont importants, les professeurs, qui devraient prendre conscience qu’on ne doit pas humilier les enfants. On doit pas leur dire des choses épouvantables.
Edwige Antier : Tu es nul !
Gérard Lopez : Exactement !
Edwige Antier :
Et eux-mêmes se disent vite nuls, donc quand vous prenez des claques, par exemple, ça vous fait pas apprendre votre règle de trois, mais vous en concevez que vous êtes un enfant à problèmes comme ils me disent.
Gérard Lopez :
et on voit que c’est la violence qui permet de résoudre les problèmes et les conflits, donc on la répand de génération en génération. Donc, je’ suis pour le débat, je crois qu’il a beaucoup plus urgent que la fessée, je crois que actuellement, il y a une régression des signalements, que l’on place beaucoup moins les enfants dans les foyers, que le familialisme est là, au premier plan.
Edwige Antier :
Mais oui, cher confrère, justement
Gérard Lopez :
Que Outreau a complètement…
Edwige Antier :
Ah oui, là on se rejoint : Outreau a fait qu’on écoute plus les enfants. Il faut une formation à l’écoute de l’enfant.
Gérard Lopez : Absolument !
Edwige Antier :
Maintenant, que j’arrive pédiatre et députée, c’est vrai que j’ai un gros chantier devant moi.
Gérard Lopez :
Attaquez-vous à ça. Pour la fessée, même si fessée du point de vu symbolique est très très importante.
Edwige Antier :
Dire à tout le monde on ne tape pas.
Gérard Lopez : Proposez une campagne !
Edwige Antier :
Mais déjà, je suis sûre que rien que ma proposition de loi par l’écoute qu’elle a eue à empêcher de fessées, j’en suis persuadée.Seulement il faut continuer, il faut l’inscrire dans la loi, parce que si vous faites une petite campagne et ça s’arrête, tout le monde oublie, c’est tellement facile de s’énerver sur les plus faibles. C’est-à-dire les enfants.
Gérard Lopez :
Bien sur, c’est un processus de domination. Notre société à tous les niveaux est une société de domination par la force. C’est quand même la loi du plus fort qui prédomine.
Edwige Antier : Les enfants du coup s’endurcissent.
Gérard Lopez : Et bien, ils adhèrent à ce système.
Edwige Antier :
Et voilà, d’ailleurs chacun dans son souvenir à une bonne fessée qui devient un peu la madeleine de Proust. Et alors, moi j’en ai reçu une, ça m’a pas fait tant de mal.
Gérard Lopez :
Qu’est-ce qui leur manque aux enfants une bonne guerre vous savez bien ?
Edwige Antier : Ah !
Gérard Lopez : On l’entend dire. C’est gravissime.
Edwige Antier :
Vous voyez comment un psychiatre, un pédiatre se rencontrent.
Sauf sur la loi hein !
Edwige Antier :
sauf sur la loi puisque vous vous dîtes qu’il y a des lois plus importantes à faire, mais moi je dis : le symbole de dire stop à la fessée, aux claques, à tous les châtiments corporels, déjà ça ramènerait beaucoup de calme.
Gérard Lopez :
Savez-vous qu’il y a 130 000 viols en France et il n’y en a que 7000 qui arrivent à la justice. Voyez, ça c’est un chantier énorme et ça…
Edwige Antier :
On nous dit la vie privée : et alors. Faut pas proscrire l’inceste si faut pas rentrer dans les foyers. Moi je dis, si c’est dans le code civil l’abolition des châtiments corporels, en Suède, on a pas traîné et pas en justice, simplement, lorsqu’on est violent, on est rappelé à la loi et ensuite on a un stage de parentalité positive. Et ça c’est important, l’adosser à un stage de parentalité positive. Apprendre à mettre des règles sans claques.
Gérard Lopez :
La loi proscrit la violence sur les enfants, ça s’appelle maltraitance.
Edwige Antier : Ah ! ah !
Gérard Lopez : Ça s’appelle coups et blessures etc.
>Edwige Antier :
Oui quand il y a dégâts physiques, cher ami !
Gérard Lopez : Pas du tout !
Edwige Antier :
Vous relisez bien le code, s’il y a une fracture, des dégâts corporels,
Gérard Lopez : Non ! non !
Edwige Antier :
Mais si c’est uniquement que vous donnez une claque ça n’est absolument pas interdit.
Gérard Lopez :
J’ai une bonne nouvelle pour vous Edwige ; le parquet de Bobigny a mis en place une cellule de psychiatres qui vont intervenir pendant la garde à vue, et il arrive assez souvent qu’on me pose la question de savoir s’il y a eu de la violence psychologique, car la violence psychologique peut s’accompagner d’un ITT. Donc ce ne sont pas que des violences physiques, ce sont aussi des violences psychologiques. Alors faîtes quelque chose pour qu’on reconnaisse mieux la violence psychologique.
Edwige Antier :
Ça sera très important, dans un deuxième stade parce que c’est un peu plus difficile. Il faut être psychiatre, c’est subtil, mais bien sur, il faut commencé par interdire ça, ensuite arriver à faire prendre conscience de ce qui est aussi les violences.
Gérard Lopez : Mais la loi interdit la violence.
Edwige Antier :
Avec dégâts, j’ai regardé, s’il y a des marques. Vous savez très bien que les médecins n’osent pas dire qu’un enfant est trop marqué, comme ils disent, parce qu’il risque d’être cassé complètement.
Gérard Lopez :
Il faut dire au conseil de l’ordre d’arrêter de faire des procédures disciplinaires aux médecins qui ne savent pas rédiger au conditionnel etc. Les médecins ne sont pas formés en médecine légale et c’est bien dommage.
Edwige Antier :
Et les médecins ont très peur d’attester de ce qu’ils constatent.
Gérard Lopez : Absolument !
Edwige Antier : Et une fois que la loi dit…
Gérard Lopez :
Ils sont terrorisés les médecins par le conseil de l’ordre.
Edwige Antier :
Terrorisés. Alors par le conseil de l’ordre ? Le conseil de l’ordre justement se repose sur l’idée qu’il ne faut pas entrer dans l’intimité des familles et c’est ce qu’on m’objecte. A non, mais alors si on ne peut pas donner ces bonnes fessées tranquillement.
Gérard Lopez : Ecoutez !
Edwige Antier :
Un enfant ça s’éduque et l’Etat a le droit d’édicter et d’abolir les châtiments corporels.
Gérard Lopez :
Le code de déontologie raconte des choses épouvantables : donc on a pas le droit de s’immiscer dans les affaires de famille, mais, le médecin en même temps est le défenseur des enfants, et il doit avec circonspection etc.
Edwige Antier :
Donc, il faut l’aider par la loi, vous voyez bien.
Gérard Lopez :
Non ! Il faudrait réformer. Vous savez qu’en Suède, puisque vous parlez de la Suède, le signalement d’un enfant violenté est obligatoire.
Edwige Antier : ici aussi, si vous ne dîtes pas qu’un enfant…
Gérard Lopez :
Pas du tout, il faut faire cesser la situation de danger parce qu’on s’expose à être remis en cause pour non assistance à personne en péril, mais pas pour un signalement car en France, le secret professionnel est absolu donc le médecin doit faire cesser…
Edwige Antier : C’est la nécessité
Gérard Lopez :
Et bien oui. Si vous êtes avocate, pardon excusez-moi, l’avocate des enfants, vous êtes députée, et bien écoutez faites en sorte qu’on réforme le code de déontologie. Car si les médecins comprennent que la fessée, que les violences aux enfants vont créer des tas de problèmes à l’âge adulte, des problèmes psychologiques, des problèmes de maladie, des problèmes de délinquances, des problèmes de prostitution, tous ces problèmes qui se fondent sur la maltraitance et si les médecins n’ont plus peur qu’on les forme et que le code de déontologie devient clair, je vous assure que vous aurez fait beaucoup plus qu’une loi sur la fessée.
Edwige Antier :
Ça va ensemble, ca se complète, et c’est vrai que je vais retrousser mes manches puisque j’ai la chance d’être députée, de pouvoir faire influencer les lois. Mais vous dîtes des choses vraiment très importantes et je suis contente, qu’un psychiatre, un expert rejoigne la pédiatre qui est à l’origine de la vie et vous, vous constatez les dégâts.
Gérard Lopez : Exactement.
Edwige Antier :
Je suis très heureuse d’entendre votre parole et moi je vais aller plus loin dans la loi, mais ça c’est parce que je suis députée.
Gérard Lopez :
Et bien, je vais vous contacter parce qu’on a beaucoup de choses à échanger je vous promets.
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