Publié le 09 avril 2010
Des agressions préméditées
Karine Tremblay*
*L’auteure est agente de liaison et de promotion du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Elle réagit à l’opinion de Pascale Piquet, intitulée « Des pulsions incontrôlées », qui a été publiée mercredi.
La Presse
Le billet initial de Pascale Piquet : Des pulsions incontrôlées
Pascale Piquet se demande ce qui pousse un prêtre à agresser un enfant. Elle explique ce crime par des pulsions sexuelles incontrôlées chez des hommes obligés de s’enrôler dans le clergé contre leur gré et privés de sexualité normale. Cette explication est tout à fait réductrice et ne contribue pas à la responsabilisation des agresseurs.
D’abord, l’utilisation du terme « pédophilie » dans tous les cas d’agressions sexuelles contre des enfants est abusive. La définition de cette « déviance sexuelle » implique une attirance exclusive pour les enfants et une incapacité d’avoir des relations sexuelles entre adultes consentants.
Le pédophile fantasme sur des enfants, et jamais sur des adultes, hommes ou femmes. Ce n’est donc pas à défaut d’une expérience hétérosexuelle qu’un prêtre se rabat sur les petits. Au contraire, la plupart des agresseurs d’enfants ne sont pas pédophiles.
Par contre, comme le souligne Mme Piquet, ils se servent de leur position sociale pour commettre leur agression, qu’ils soient curés, médecins ou entraîneurs de hockey. C’est donc la notion de « personne en autorité » qui s’applique, tant en droit que dans notre analyse.
Ensuite, il faut détruire ce mythe selon lequel les hommes, parce qu’ils sont jeunes ou privés de sexe, ne peuvent pas se contrôler. Les pulsions sous-entendent un acte impulsif, alors que les agressions sont préméditées dans la plupart des cas.
Dans un reportage de Radio-Canada, le pédophile Camil Girard explique bien de quelle manière il s’arrange « tranquillement, pas vite » pour abuser de ses jeunes victimes et comment il les incite à garder le silence. Parce qu’il est conscient, comme la grande majorité des agresseurs d’enfants, du mal qu’il commet, ce qui exclut l’hypothèse d’une pulsion irréfléchie.
Le mythe des pulsions sexuelles incontrôlables est un dangereux raccourci pour essayer de comprendre les gestes commis par les agresseurs sexuels. Bien que « comprendre ne signifie pas excuser », comme l’écrit Mme Piquet, les pulsions deviennent trop facilement une justification pour les hommes qui abusent d’enfants vulnérables ou qui violent des femmes en faisant fi de leur refus d’avoir une relation sexuelle, soi-disant parce qu’ils en avaient trop envie.
« Les pulsions viennent avec l’homme et des pulsions, même pour un curé, ce n’est pas simple à contrôler », prétend l’auteure de la lettre. Les femmes n’auraient donc pas de pulsions ? Selon les statistiques policières, l’agresseur est de sexe masculin dans 98% des cas déclarés. L’explication des pulsions incontrôlées ramène le problème à un niveau individuel, alors qu’il s’agit d’une problématique sociale.
La violence sexuelle persiste parce que l’héritage des sociétés patriarcales, où des hommes exercent un rôle dominant sur les femmes, sur les enfants et voire même sur d’autres hommes, n’est pas disparu. Les agressions sexuelles sont des actes de pouvoir et de contrôle, et peuvent survenir dans toute relation supposant un lien de confiance ou lorsqu’une personne est en positon de pouvoir ou d’autorité. Les deux tiers des victimes sont mineures. Les agresseurs profitent de leur vulnérabilité.
Pour lire la suite de l’article, cliquez sur le logo de cyberpresse.ca
Des agressions préméditées
Karine Tremblay*
*L’auteure est agente de liaison et de promotion du Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Elle réagit à l’opinion de Pascale Piquet, intitulée « Des pulsions incontrôlées », qui a été publiée mercredi.
La Presse
Le billet initial de Pascale Piquet : Des pulsions incontrôlées
Pascale Piquet se demande ce qui pousse un prêtre à agresser un enfant. Elle explique ce crime par des pulsions sexuelles incontrôlées chez des hommes obligés de s’enrôler dans le clergé contre leur gré et privés de sexualité normale. Cette explication est tout à fait réductrice et ne contribue pas à la responsabilisation des agresseurs.
D’abord, l’utilisation du terme « pédophilie » dans tous les cas d’agressions sexuelles contre des enfants est abusive. La définition de cette « déviance sexuelle » implique une attirance exclusive pour les enfants et une incapacité d’avoir des relations sexuelles entre adultes consentants.
Le pédophile fantasme sur des enfants, et jamais sur des adultes, hommes ou femmes. Ce n’est donc pas à défaut d’une expérience hétérosexuelle qu’un prêtre se rabat sur les petits. Au contraire, la plupart des agresseurs d’enfants ne sont pas pédophiles.
Par contre, comme le souligne Mme Piquet, ils se servent de leur position sociale pour commettre leur agression, qu’ils soient curés, médecins ou entraîneurs de hockey. C’est donc la notion de « personne en autorité » qui s’applique, tant en droit que dans notre analyse.
Ensuite, il faut détruire ce mythe selon lequel les hommes, parce qu’ils sont jeunes ou privés de sexe, ne peuvent pas se contrôler. Les pulsions sous-entendent un acte impulsif, alors que les agressions sont préméditées dans la plupart des cas.
Dans un reportage de Radio-Canada, le pédophile Camil Girard explique bien de quelle manière il s’arrange « tranquillement, pas vite » pour abuser de ses jeunes victimes et comment il les incite à garder le silence. Parce qu’il est conscient, comme la grande majorité des agresseurs d’enfants, du mal qu’il commet, ce qui exclut l’hypothèse d’une pulsion irréfléchie.
Le mythe des pulsions sexuelles incontrôlables est un dangereux raccourci pour essayer de comprendre les gestes commis par les agresseurs sexuels. Bien que « comprendre ne signifie pas excuser », comme l’écrit Mme Piquet, les pulsions deviennent trop facilement une justification pour les hommes qui abusent d’enfants vulnérables ou qui violent des femmes en faisant fi de leur refus d’avoir une relation sexuelle, soi-disant parce qu’ils en avaient trop envie.
« Les pulsions viennent avec l’homme et des pulsions, même pour un curé, ce n’est pas simple à contrôler », prétend l’auteure de la lettre. Les femmes n’auraient donc pas de pulsions ? Selon les statistiques policières, l’agresseur est de sexe masculin dans 98% des cas déclarés. L’explication des pulsions incontrôlées ramène le problème à un niveau individuel, alors qu’il s’agit d’une problématique sociale.
La violence sexuelle persiste parce que l’héritage des sociétés patriarcales, où des hommes exercent un rôle dominant sur les femmes, sur les enfants et voire même sur d’autres hommes, n’est pas disparu. Les agressions sexuelles sont des actes de pouvoir et de contrôle, et peuvent survenir dans toute relation supposant un lien de confiance ou lorsqu’une personne est en positon de pouvoir ou d’autorité. Les deux tiers des victimes sont mineures. Les agresseurs profitent de leur vulnérabilité.
Pour lire la suite de l’article, cliquez sur le logo de cyberpresse.ca
Laisser un commentaire