• Les victimes et leurs droits dans le système judiciaire par Gérard Lopez

Les entretiens & témoignages de l’Institut pour la justice
août 2009

Entretien Gérard Lopez

Les victimes et leurs droits dans le système judiciaire
L’IPJ : Que pensez-vous de la place de la victime dans nos sociétés à l’aube du XXIe siècle ?
Gérard Lopez : Il faut tout d’abord s’entendre sur ce que l’on entend par victime.
Pour moi, une victime est un individu (ou une personne morale) qui a subi un dommage reconnu par une loi, un texte ou un règlement.
Cette définition parait restrictive à certains, et je reconnais bien
volontiers que certains sujets n’ont pas – ou pas encore – obtenu le statut de victime, ce qui leur donnerait les droits que leur reconnaissent les instruments internationaux. Mais sans rigueur, on ne peut valablement critiquer les idéologies antivictimaires qui fleurissent actuellement.

Denis Salas critique ainsi « le populisme pénal » 3 qui inciterait la justice, influencée par les victimes, les médias et l’opinion publique, à punir sans plus se soucier de la réhabilitation du délinquant. Il considère que, sous l’influence anglo-saxonne, l’analyse des forces qui régissent la relation coupable/victime, glisse de plus en plus vers un jugement moral.

D’autres critiques paraissent encore moins pertinentes :
de La tentation de l’innocence 4
,
à Epîtres à nos nouveaux maîtres 5
,
Fausse route 6,
La société des victimes 7,
Le temps des victimes 8,
en passant par une pleine page du journal Le Monde du dimanche 22 – lundi 23 août
2004 avec à la Une : « L’affaire Marie L., miroir de la société française »,
puis en page 5 :
« L’affaire Marie L., révèle une société obsédée par ses victimes. Le crédit accordé d’emblée au récit inventé par la jeune femme, faussement agressée dans le RER, illustre les dérives du processus de reconnaissance des victimes, lancé depuis 20 ans. Cette évolution, analysée par des sociologues, philosophes et historiens, les place désormais au coeur de la démocratie. » « L’opinion est toute entière dans la compassion » ; « Cela témoigne de la dimension pessimiste de la modernité » ; « On se légitime par le malheur que l’on subit ».

« Etre victime, c’est chercher un responsable » expliquent les experts appelés à la rescousse, lesquels n’ont jamais été confrontés aux difficultés que rencontrent les victimes. En ce début de XXIe siècle il faut être vigilant pour que les acquis ne sombrent pas sous les coups de boutoirs dont ce rapide florilège donne une idée. Et cela est pire quand il s’agit de la parole des enfants, surtout depuis l’affaire dite d’Outreau.
______________________
1 L’Institut de Victimologie est l’association fondatrice du réseau www.victimo.fr. Les responsables de l’Institut de Victimologie sont coordinateurs des Diplômes Universitaires de Psychotraumatologie et de Victimologie à l’Université Paris V. Le Centre assure le suivi post-agression de différents établissements bancaires et d’entreprises dans le cadre de conventions de suivi et de formation.
2 Le Centre du Psychotrauma, conventionné avec la sécurité sociale, fonctionne selon le principe du tiers payant. Pour l’année 2007, le nombre de consultations effectuées au Centre du Psychotrauma est de 6 104 dont 1 323 pour l’unité enfants.
3 Salas D., La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal, Paris, Hachette, 2005
4 Bruckner P., La tentation de l’innocence, Paris, Grasset, 1995
5 Minc A., Epîtres à nos nouveaux maîtres, Paris, Grasset, 2003
6 Badinter E., Fausse route, Paris, Odile Jacob, 2003
7 Erner G., La société des victimes, Paris, La Découverte, 2006
8 Eliacheff C. et Soulez Larivière D., Le temps des victimes, Paris, Albin Michel, 2006
_______________________
Autres billets concernant les travaux du Dr Gérard Lopez
1/ La fascination est une des armes qu’utilisent préférentiellement les pères incestueux par Gérard Lopez
2/ Définition de la victime
3/ Les pères incestueurs
4/ Quelques conséquences sur les survivantes
5/ Psychologie des vampires
6/ La responsabilité
7/ La cure des incestueurs
8/ Le recours à la loi pour les victimes

• L’indemnisation = argent « sale » rarement utilisée à des fins constructives en cas d’inceste
• Accompagnement et approches psychothératpeutiques du stress

• Psychothérapie des victimes : Traitements, évaluations, accompagnement. Gérard Lopez, Aurore Sabouraud-Séguin, Louis Jehel

Les victimes, entre préoccupation et récupération par Libération.fr

Société 18/09/2007 à 09h42

MILLOT Ondine
Elle est en larmes, les mots coupés par les sanglots. Sa voix tremble : « Des coups, des coups, des coups. Tous les jours. Des bleus partout. J’étais détruite, je n’osais pas porter plainte. » En face d’elle, Rachida Dati hoche la tête, répète qu’elle est déterminée à se « battre » contre les violences conjugales. Ce mardi 11 septembre, la ministre de la Justice est à Blois, dans les locaux de l’Avec, une association locale d’aide aux victimes. Ce n’est pas une première. Depuis son arrivée place Vendôme, la garde des Sceaux multiplie déclarations et gestes médiatiques montrant qu’elle travaille à « placer la victime au coeur de la justice », comme le lui a « demandé » Nicolas Sarkozy.
L’instrumentalisation des victimes par les politiques, dénoncée par certains (lire interview page suivante) ne date pas d’hier. On peut citer l’expérience du secrétariat d’Etat aux victimes, créé le 30 juin 2004, disparu onze mois plus tard. En octobre 2005, Sarkozy, ministre de l’Intérieur, reprend la main en créant une délégation aux victimes. Il instaure le principe de réunions régulières entre sa personne et les représentants des associations, et instille un message : l’interlocuteur ultime des victimes, leur porte-parole et leur sauveur, c’est lui. L’émotion et la sympathie naturelles ressenties par les Français à l’évocation de leur souffrance, il est là, juste à côté, pour en bénéficier.
On ne compte plus, depuis, les déclarations démagogues – « Les droits de l’homme, pour moi, sont avant tout les droits de la victime » – ni les nombreux projets de loi répressifs, annoncés au nom des victimes. Parmi les plus récents : organiser des procès pour les irresponsables pénaux (assassinat des infirmières de Pau), créer des hôpitaux-prisons pour délinquants sexuels dangereux en fin de peine (affaire Evrard). Dès la campagne présidentielle, en avril 2007, le candidat Sarkozy annonçait la méthode en déclarant : « La maman de Ghofrane m’a demandé, si j’étais élu, de faire voter une loi sur les multirécidivistes. » Si c’est demandé par une victime, c’est forcément légitime.
Le dernier projet en date, en cours d’élaboration au ministère de la Justice, concerne la création d’un « juge délégué aux victimes ». François Guéant, fils du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, et conseiller de la ministre pour le droit des victimes, est chargé de plancher dessus. « L’idée est de créer un référent pour aider les victimes dans toutes les difficultés de la procédure judiciaire, explique-t-il. Par exemple, faciliter le recouvrement des indemnités. Mais aussi avertir la victime en cas de libération conditionnelle. »

« Intermédiaire ».
Les juges d’application des peines ont déjà l’habitude de prendre en compte la situation de la victime, et notamment la question de la proximité géographique avec le condamné, en cas de libération conditionnelle. Le dispositif, prévu par le code de procédure pénale, ne semble pas suffire à la chancellerie.

« Le juge délégué aux victimes permettrait d’informer les personnes sur leur procès et les suites de leur procès, et de mieux faire respecter leurs droits,
a déclaré la ministre de la Justice lors de sa visite à Blois. Je pense aux femmes victimes de violences. Souvent, elles renoncent aux indemnités car elles ont tellement peur de leur agresseur qu’elles ne veulent pas qu’il connaisse leur adresse. Le juge délégué aux victimes servirait là d’intermédiaire. »

Mais les victimes, sans cesse invoquées, que pensent-elles de tout cela ? Certaines associations sont sceptiques, comme le Comité contre l’esclavage moderne, qui pense que « ce n’est pas à coup de lois répressives qu’on aide les victimes, mais plutôt en prenant en compte leurs besoins : pour les victimes de traite, des centres d’hébergement d’urgence, la possibilité d’obtenir des autorisations de travail et de séjour ».

« Moyens ».
Pour Françoise Rudetzki, la présidente de SOS Attentats, « le procès n’est pas fait pour les victimes, mais pour juger l’auteur d’un crime ou délit. Les juges ne peuvent pas tout pour nous. Ce n’est pas à eux, notamment, de s’occuper de la réinsertion, or c’est là qu’on manque cruellement de moyens. »

Pour lire la suite de l’article veuillez cliquer sur le logo de Libération.fr
_______________________
Autres billets sur les victimes et le lobbyisme