2/ L’information de la victime et la constitution de partie civile par Carole Damiani

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Dès le début de l’information, le juge d’instruction doit avertir la victime de l’ouverture d’une information, de son droit de se constituer partie civile et de la façon de le faire.
Les étapes à suivre sont les suivantes :
Il faut écrire au juge d’instruction chargé de l’affaire, de préférence par l’intermédiaire d’un avocat, en reprenant les références figurant sur le 
courrier du magistrat.
La victime doit déclarer une adresse où lui seront directement notifiés par lettre recommandée avec accusé de réception tous les actes de la procédure, c’est-à-dire les expertises, la clôture de l’instruction, etc.
Elle pourra aussi élire domicile chez son avocat, avec son accord, si par souci de discrétion elle préfère que tous les documents n’arrivent pas chez elle. Si elle déménage, elle devra aussitôt en informer le juge, soit par déclaration à son greffe soit par lettre recommandée avec accusé de réception, à défaut de quoi les actes importants continueront à être envoyés à son ancienne adresse et elle ne pourra pas se plaindre de ne pas en avoir eu connaissance.
Il est préférable que la victime, si elle est décidée à le faire, ne tarde pas à se constituer partie civile. Des questions importantes de procédure comme celle de la prescription, ou de la nullité de certains actes de l’enquête, doivent être soulevées dès les premiers mois de l’instruction. La victime pourra alors, par l’intermédiaire de son avocat, faire valoir ses arguments dans le débat dont l’issue peut avoir des répercussions importantes sur le devenir de sa plainte.
La victime peut aussi se constituer partie civile quand elle reçoit une convocation du juge pour une audition ou une confrontation. Qu’elle n’attende pas le dernier moment, sinon son avocat ne pourra « aider à préparer utilement l’audition ou la confrontation et le juge n’acceptera pas automatiquement d’accorder un report. Elle peut choisir un avocat au moment de sa constitution ou plus tard, à tout autre moment.

A savoir
la victime peut se constituer partie civile à tout moment de l’instruction.
Cela lui permet de devenir partie à part entière de la procédure d’instruction, c’est-à-dire :
– d’être informée du déroulement de l’instruction ;
– d’être utilement conseillée par un avocat ;
– d’être toujours assistée de celui-ci lorsqu’elle est convoquée par le juge ;
– d’avoir accès à l’ensemble du dossier du juge d’instruction ;
– de participer à l’instruction par ses observations, notes, demandes d’actes…

Ne pas se constituer partie civile
Elle sera considérée par le juge d’instruction seulement comme un témoin un peu particulier puisqu’en même temps victime.
Elle n’aura pas accès au dossier et ne pourra pas être assistée d’un avocat.
Si le juge décide d’entendre la victime ou de la confronter avec le mis en examen, elle sera seule dans son bureau. C’est une position très inconfortable et source de traumatisme complémentaire. Il vaut mieux l’éviter.
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Le traumatisme ? La résilience ?

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CE QU’IL FAUDRAIT EVITER …
Mettre en doute la réalité des faits de violence que relate la victime. La confiance accordée et ressentie est une condition préalable indispensable pour que la personne reçue s’exprime pleinement et que certaines confusions se dissipent dans le cours de l’entretien.
Considérer la personne violentée comme une « victime-à-vie« , c’est-à-dire comme une personne incapable de s’en sortir, dépourvue de ressources psychologiques personnelles.
Refuser l’entretien en réorientant vers une structure avant d’avoir pris le temps d’écouter, d’entendre et de manifester compréhension et solidarité.
Ne pas accorder la même importance aux violences subies dans un passé lointain et aux agressions récentes.
Exprimer une pitié compatissante du genre : « Ma pauvre amie, c’est terrible ! » « C’est honteux » « Comment de telles choses peuvent- elles arriver ? »
Exprimer un jugement moral. Il faut éviter et, en règle générale, bannir tout terme relevant de la morale notamment condamnant l’auteur des violences : « cet homme est un bourreau »,  » votre mari est un grand pervers ».
Au contraire il faut utiliser des termes de droit, nommer et désigner les faits par la qualification que leur attribue le code pénal.
Énoncer un jugement condamnant l’agresseur mais il importe de condamner CE QU’IL A FAIT, c’est-à-dire les actes, agissements qui ont porté atteinte à la femme violentée.
Terminer l’entretien abruptement : il faut au contraire préparer et annoncer la fin du temps partagé.
Omettre de prévoir une suite à ce moment de partage, l’attention portée par autrui aux perspectives est un élément particulièrement réparateur pour la victime.

¤ CE QU’IL FAUDRAIT FAIRE
Exposer brièvement la fonction et les objectifs de l’instance qui accueille.
Poser les limites et les conditions de l’entretien et de l’intervention.
Veiller à ce que la personne reçue soit, et se sente, en sécurité pendant l’entretien.
Poser le repère de la loi : il s’agit d’une infraction, délit ou crime, une plainte a t-elle été déposée ? Qu’envisage-t-elle à ce propos ?
Ecouter avec considération et respect accepter et croire ce que dit la personne (ce n’est pas toujours facile) prendre en compte son évaluation des faits et ne pas réajuster à ses propres normes, par exemple considérer comme mineures certaines formes d’agression sexuelle (exhibitionnisme, masturbation, pornographie..) .
Demander à la personne accueillie de définir et formuler ses priorités dans sa demande d’aide.
Renseigner sur les lieux de prise en charge : psychologique, sociale, judiciaire, médicale, ceci de façon circonstanciée qui favorise la possibilité d’y recourir. Il ne suffit pas de distribuer l’information elle est rarement assimilable telle quelle. Il importe d’engager un échange sur l’opportunité de telle démarche, sur son intérêt, sur le moment où elle peut devenir réalisable.
Informer des procédures et recours possibles en prenant garde à ne pas évincer le risque toujours présent d’une suite judiciaire qui ne réponde pas aux aspirations de la victime. Replacer le travail d’enquête policière et judiciaire dans le cadre général de la loi en expliquant les processus d’instruction et d’enquête à charge et à décharge.
Rassurer, sans minimiser ni banaliser.
Nommer explicitement les formes de violence exercées, énoncer leur incrimination, traduire en langage judiciaire : c’est ce que la loi appelle séquestration, viol.. : une victime a des droits, elle peut les faire valoir en portant plainte. Qu’a-telle décidé à ce propos ?
En cas d’absence de recours à la justice : analyser les raisons pour lesquelles cette décision est prise, actuellement, inviter à la réflexion.
Dans les situations de violence conjugale aider à repérer le cycle de la violence.
Respecter les scénarios et plans de protection utilisés par la personne agressée.
Rendre à l’agresseur la responsabilité de ses actes : une victime n’est pas responsable de la violence exercée à son encontre. Démonter son mode opératoire et sa stratégie.
Terminer l’entretien sur des perspectives positives, ou du moins actives, et ne pas se quitter avant que la personne reçue envisage l’avenir (même très proche) et non plus seulement les faits de violence subis.