6/ Les groupes de paroles par Stefan Vanistendael & Jacques Leconte

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Une manière originale de catalyser les ressources propres des individus consiste à organiser des groupes d’entraide.
Comme nous l’avons noté au chapitre précédent, les personnes souffrant de traumatismes importants (attentat, maladie grave, viol, etc.) ont souvent beaucoup de difficultés à parler de leur drame, par peur de ne pas être véritablement écoutées et comprises.
C’est ce constat qui a conduit à la création de groupes de soutien par les victimes elles-mêmes. Réaliser qu’elles ne sont pas seules, se sentir vraiment comprises et découvrir qu’elles peuvent même aider d’autres personnes peut donner à ces victimes la reconnaissance qu’elles n’auraient pas eue sans une telle expérience. Cela peut également les inciter à se projeter à nouveau dans l’avenir.

Cependant, une telle expérience présente en même temps des risques. En effet, ressasser à plusieurs les problèmes des uns et des autres peut tout aussi bien conduire certains à un état dépressif plus important encore.
Un cercle vicieux peut alors s’instaurer : les gens se sentent plus à l’aise pour parler de leurs problèmes, ce qui augmente leur tristesse, laquelle les incite à en parler encore plus, etc.

Dès lors, comment les victimes peuvent-elles s’aider mutuellement sans se nuire ? L’apport des professionnels apparaît ici crucial. Dan Coates et Tina Winston, deux psychologues de l’université du Wisconsin, ont rassemblé diverses études sur l’impact de ces groupes de soutien 12. 

L’impression générale qui se dégage de cette enquête est que ces groupes sont bénéfiques lorsque ce sont les personnes elles-mêmes qui s’aident mutuellement. Mais en même temps, les professionnels sont particulièrement utiles pour réguler les manifestations au sein du groupe et faire évoluer 
celui-ci. Les auteurs soulignent ainsi que « les groupes de soutien avec des professionnels de la santé mentale comme facilitateurs favorisent une amélioration significative de la santé mentale des victimes, l’essentiel de cette amélioration étant dû à l’impact bénéfique des victimes les unes sur les 
autres ».
Tandis que les groupes de soutien non conduits par des professionnels de la santé mentale paraissent peu efficaces pour lutter contre la dépression. Il semble donc, que les professionnels assurent un rôle de « recadrage » de la discussion, permettant ainsi aux membres du groupe de ne pas tomber dans l’autoflagellation ou la complainte collective.

Parmi ces recherches, deux études ont montré que des patients cancéreux participant à un groupe de soutien organisé par des psychiatres ou des travailleurs sociaux arrivaient à vaincre leur dépression plus rapidement que d’autres malades ne bénéficiant pas de ce type d’intervention. L’une de ces études a également montré que l’estime de soi était plus élevée chez les patients participant au groupe de soutien.
12, D. Coates et T. Winston, « Counteracting the deviance or depression: peer support groups for victims », Journal of Social Issues, 1983, vol. 39, n° 2, p. 169-194.

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Autres billets sur Le bonheur est toujours possible par Stefan Vanistendael & Jacques Lecomte
1/ Le bonheur est toujours possible. Construire la résilience
2/ Les dangers de la naïveté dans la définition de la résilience par Michel Manciaux en cas de Viols par inceste
3/ L’importance du « tuteur de résilience » après les viols par inceste
5/ L’écriture contre le silence
7/ Nancy Palmer propose donc une approche non pathologique pour comprendre un itinéraire de résilience
8/ Un cas exceptionnel de résilience : Victor Frankl
9/ Démagogie – Donner un sens à sa souffrance quand on a subi des viols par inceste
10/ Le pardon, une porte ouverte sur l’avenir
11/ Le soutien de la foi dans la résilience
12/ Les stratégies employées par les personnes résilientes
13/ Le déni face à une situation extrême n’a rien de pathologique, mais constitue au contraire le premier temps de l’adaptation par Nicolas Fischer
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Autres billets sur les groupes de paroles
Les groupes de paroles par Catherine Morbois et Marie-France Casalis dans Psychothérapie des victimes

2/ Québec, mars 1995 : L’inceste envers les filles – terminologie victime

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Dépôt légal — 1995 Bibliothèque nationale du Québec
ISBN : 2-550-24332-3 © Gouvernement du Québec

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1.2 L’importance de la terminologie

C’est avec vigilance que nous emploierons le mot “victime”, qui peut servir à étiqueter les femmes agressées sexuellement et renforcer le processus de victimisation qu’elles vivent. Au Canada anglais, on utilise plutôt le terme “survivantes” afin de souligner les forces et les capacités des femmes qui ont subi l’inceste dans l’enfance. L’usage de ce mot est cependant peu répandu au Québec car comme le concept de victime, il peut sembler réducteur en assimilant les femmes à l’expérience de violence qu’elles ont vécue.
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Autres billets sur l’Inceste envers les filles 1995
1/ Québec, mars 1995 : L’inceste envers les filles – terminologie viols par inceste
3/ Québec mars 1995 : une définition féministe de l’inceste