Comme nous l’avons noté au chapitre précédent, les personnes souffrant de traumatismes importants (attentat, maladie grave, viol, etc.) ont souvent beaucoup de difficultés à parler de leur drame, par peur de ne pas être véritablement écoutées et comprises.
C’est ce constat qui a conduit à la création de groupes de soutien par les victimes elles-mêmes. Réaliser qu’elles ne sont pas seules, se sentir vraiment comprises et découvrir qu’elles peuvent même aider d’autres personnes peut donner à ces victimes la reconnaissance qu’elles n’auraient pas eue sans une telle expérience. Cela peut également les inciter à se projeter à nouveau dans l’avenir.
Cependant, une telle expérience présente en même temps des risques. En effet, ressasser à plusieurs les problèmes des uns et des autres peut tout aussi bien conduire certains à un état dépressif plus important encore.
Un cercle vicieux peut alors s’instaurer : les gens se sentent plus à l’aise pour parler de leurs problèmes, ce qui augmente leur tristesse, laquelle les incite à en parler encore plus, etc.
Dès lors, comment les victimes peuvent-elles s’aider mutuellement sans se nuire ? L’apport des professionnels apparaît ici crucial. Dan Coates et Tina Winston, deux psychologues de l’université du Wisconsin, ont rassemblé diverses études sur l’impact de ces groupes de soutien 12.
L’impression générale qui se dégage de cette enquête est que ces groupes sont bénéfiques lorsque ce sont les personnes elles-mêmes qui s’aident mutuellement. Mais en même temps, les professionnels sont particulièrement utiles pour réguler les manifestations au sein du groupe et faire évoluer celui-ci. Les auteurs soulignent ainsi que « les groupes de soutien avec des professionnels de la santé mentale comme facilitateurs favorisent une amélioration significative de la santé mentale des victimes, l’essentiel de cette amélioration étant dû à l’impact bénéfique des victimes les unes sur les autres ».
Tandis que les groupes de soutien non conduits par des professionnels de la santé mentale paraissent peu efficaces pour lutter contre la dépression. Il semble donc, que les professionnels assurent un rôle de « recadrage » de la discussion, permettant ainsi aux membres du groupe de ne pas tomber dans l’autoflagellation ou la complainte collective.
Parmi ces recherches, deux études ont montré que des patients cancéreux participant à un groupe de soutien organisé par des psychiatres ou des travailleurs sociaux arrivaient à vaincre leur dépression plus rapidement que d’autres malades ne bénéficiant pas de ce type d’intervention. L’une de ces études a également montré que l’estime de soi était plus élevée chez les patients participant au groupe de soutien.
12, D. Coates et T. Winston, « Counteracting the deviance or depression: peer support groups for victims », Journal of Social Issues, 1983, vol. 39, n° 2, p. 169-194.
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