5/ L’enfant ressemblait à son père par Delphine de Vigan

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Plus que tout autre, Lucile était la fille de Georges.
Elle ressemblait à son père, elle avait son humour, son 
regard, ses intonations. Liane aurait voulu être capable 
de l’aimer mieux, de la rassurer, de briser la forteresse 
de son silence. Au lieu de quoi, Lucile restait cette 
enfant mystérieuse qui avait grandi trop vite et qu’elle 
ne prenait plus dans ses bras.
Lucile bientôt serait plus vive qu’elle, plus intelligente, plus spirituelle. À quel moment ce sentiment lui 
était venu, Liane l’ignorait. Et Lucile continuait de 
l’observer, avec cet air de tout savoir sans rien avoir 
appris, cette façon d’être là sans y être, de mener une 
existence parallèle à la leur, et parfois, de la juger.

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Autres billets sur Rien ne s’oppose à la nuit
1/ Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan
2/ Le regard du père sur sa fille
3/ L’écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle 
de poser les questions et d’interroger la mémoire
4/ Georges un grand-père dissocié

2/ Le regard du père sur sa fille par Delphine de Vigan

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Le regard de Georges sur sa fille semblait empreint 
d’étonnement.
Lucile avait quelque chose de sombre 
qui lui ressemblait. Depuis qu’elle était toute petite, 
Lucile l’intriguait. Cette manière qu’elle avait de s’isoler, de s’abstraire, de se tenir d’un seul côté des chaises, 
comme si elle attendait quelqu’un, d’utiliser le langage 
avec parcimonie, cette manière, avait-il parfois pensé, 
de ne pas se compromettre. Mais Lucile, il le savait, ne 
perdait rien, pas un son, pas une image. Elle captait 
tout. Absorbait tout.
Comme ses autres enfants, Lucile 
voulait lui plaire, guettait son sourire, son assentiment, 
ses félicitations. Comme les autres, elle attendait le 
retour de son père et parfois, lorsque Liane l’y encourageait, racontait sa journée. Mais Lucile, plus que tout 
autre, était reliée à lui.

Et Georges ne pouvait détacher son regard d’elle, 
fasciné.
Des années plus tard, sa mère raconterait cette 
attraction que Lucile exerçait sur les gens, ce mélange 
de beauté et d’absence, cette façon qu’elle avait de soutenir le regard, perdue dans ses pensées.
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