6/ La responsabilité selon Gérard Lopez

Page 70-71

La question de la responsabilité est particulièrement épineuse, autant sur le plan théorique que sur le plan pratique. L’étymologie du mot responsabilité vient de « respondere » qui signifie répondre de … , s’engager à … La façon satirique dont Epicharme a reformulé l’aphorisme d’Héraclite constatant qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, permet de poser le problème : « Ce qui par nature éprouve un changement et jamais ne demeure identique à soi-même, doit être maintenu autre que ce qu’il fut. Ainsi, toi et moi, hier nous étions autres et sommes aujourd’hui encore d’autres hommes. » Un monde sans responsabilité serait, en effet, un monde composé de zombies, un monde dépourvu de sujets, où les individus seraient dépourvus de permanence, où leur existence s’égalerait à la seule manifestation d’un acte suspendu. Ce serait le monde dont rêve le comte Dracula.

Aussi, il me faut engager ma responsabilité pour que mes actes passés me soient attribués. La responsabilité est le fondement ontologique du sujet, la condition de sa liberté pratique selon Kant . Elle est étroitement liée à la conviction qu’a l’homme d’être libre.

La liberté pratique, celle qui nous permet d’agir et d’assumer les conséquences de nos actes, est balisée par des lois démocratiques, reconnues et acceptées, comme notamment l’article 1383 du Code civil qui dispose : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais par sa négligence ou son imprudence ».

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Autres billets par Gérard Lopez
1/ La fascination est une des armes qu’utilisent préférentiellement les pères incestueux
2/ Définition de la victime
3/ Les pères incestueurs
4/ Quelques conséquences sur les survivantes
5/ Psychologie des vampires
7/ La cure des incestueurs
8/ Le recours à la loi pour les victimes
9/ La résilience

4/ Quelques conséquences sur les survivantes selon Gérard Lopez

Page 42-43

Perdues, sans repère, incapables de penser par elles-mêmes, les victimes de vampires perdent toute espèce d’estime de soi. Elles présentent de graves troubles identitaires qui les rendent particulièrement vulnérables. De place perdue en place perdue, elles deviennent des « sans domicile fixe » symboliques. Ces « paumés », « ces filles perdues », ces « dé-générés » sans repères généalogiques, ces gens « mal dans leurs baskets », risquent de sombrer dans la déviance, la délinquance ou l’exclusion sociale.

Du point de vue clinique, certaines victimes deviennent caractérielles, revendicatrices, méfiantes. Elles développent des traits de caractère paranoïaques. Elles se sentent toujours épiées, attaquées, comme s’il n’existait qu’un seul type de relation humaine, qu’elles revivent ainsi quotidiennement. Ces idées de persécution, sont aggravées par un fond mégalomaniaque : « Les Szeklers peuvent se vanter d’avoir accompli ce que ces parvenus, les Habsbourg et les Romanov, ont été incapables d’accomplir … » rien de moins, nous y reviendrons.

Les états dépressifs graves sont fréquents. Ils surviennent quand elles (re)vivent littéralement une expérience d’abandon. Ne sachant vivre que sous l’entière domination d’un vampire, elles sont incapables de survivre pour elles-mêmes, de façon indépendante. Ce n’est pas pour autant qu’elles puissent ressentir un quelconque sentiment positif. Les tentatives de suicide sont fréquentes. Certaines sont des actes impulsifs, explosifs, bien souvent effectués sans la moindre élaboration psychique permettant de les expliquer. Parfois elles sont plus élaborées et parfaitement compréhensibles : « Je n’arrivais pas à plaindre cette femme, car, comprenant maintenant le sort qui avait été réservé à son enfant, je me disais qu’il valait qu’elle l’eût rejoint dans la mort ».

« Euthanasie est un mot excellent et réconfortant ! J’ai de la reconnaissance pour celui qui l’a inventé ! », car le suicide et la mort sont alors vécus comme une délivrance.

Ces victimes finissent par sembler accepter leur sort : « Il est temps que je m’en aille. Je vous dis adieu mon cher Arthur, si je dois mourir cette nuit ».

Les troubles psychosomatiques les menacent. Ils leur permettent de survivre en passant à côté de leur vie, comme l’a si bien décrit Jean-Michel Thurin1. D’autres se plaignent constamment de maux imaginaires, mais vivent très vieux, déplorent Maurice Hurni et Giovanna Stoll… le Comte, lui, est immortel.

1/ Thurin Jean-Michel. (1996). Une vie sans soi. Editions Frison Roche
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