4/ Rita Hayworth demeurait une élève docile, anxieuse de plaire

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« Parfois, l’après-midi, ils répétaient leurs exercices, explique Loretta. On les regardait par la fenêtre. Il n’arrêtait pas de lui crier après, de la houspiller. « Ne fais pas ça, ne sois pas si stupide, ne fais pas ça ! » Il était plutôt petit, une sorte de petit coq vaniteux. » Pendant toutes ces séances, Margarita demeurait une élève docile, anxieuse de plaire. « Lorsqu’elle faisait une faute, il lui criait après, mais je ne l’ai jamais entendue lui répondre, jamais. Elle se contentait de recommencer, jusqu’à ce qu’il soit satisfait. Elle était toujours caIme, douce, obéissante. »
Les gens aimaient bien Eduardo, et il en était ainsi depuis l’époque du music-hall. Mais le souvenir qu’a gardé de lui Loretta Parkin, « un petit tyran domestique », suggère qu’en l’espionnant par la fenêtre les enfants ont perçu un autre aspect sa personnalité que, comme son alcoolisme, il laissait rarement paraître à l’extérieur. Les gens sont tellement stupéfaits d’apprendre qu’un homme qu’ils considéraient comme un « chic type » s’est livré à des actes incestueux qu’ils fusent souvent d’y ajouter foi. D’autant que ces pères abusifs savent à la perfection dissimuler leur brutalité derrière le masque d’un être aimable et sociable. Ce besoin narcissique d’admiration qui les amène à avoir des relations sexuelles avec leurs enfants les pousse également à ne rien négliger pour se faire aimer des autres.

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Autres billets sur Rita Hayworth

1/ Livre – Rita Hayworth par Barbara Leaming
2/ Rita Hayworth par Barbara Leaming
3/ Rita Hayworth élevée sous l’emprise et les viols de son père
5/ Rita Hayworth et sa mère face aux viols par inceste
6/ Rita Hayworth – Parfois elle ne pouvait s’empêcher de pleurer ouvertement devant les metteurs en scène et ses camarades de travail
7/ L’emprise : déjà à seize ans Rita Hayworth pensait sérieusement à se mettre entre les mains d’un protecteur d’un certain âge
8/ C’est ainsi que Rita Cansino devint Rita Hayworth, du nom de jeune fille de sa 
mère
9/ Tout en obéissant docilement aux ordres qu’on lui donnait, faisant exactement ce qu’on lui disait de faire, Rita Hayworth semblait s’éteindre
10/ Rita Hayworth fait preuve d’une assiduité et d’un amour du travail inhabituels
11/ Les tendances autodestructrices inconscientes qui trop souvent guidaient la conduite de Rita Hayworth
12/ Orson Welles & Rita Hayworth et l’alcoolisme
13/ L’image dévaluée qu’avait Rita Hayworth d’elle-même et son sentiment d’infériorité
14/ Ali Khan & Rita Hayworth et l’argent
15/ La dame de Shanghaï selon Barbara Leaming
16/ Rita Hayworth : être une personne mauvaise et méprisable

La Dame de Shanghai The Lady from Shanghai de Orson Welles avec Rita Hayworth
Rita Hayworth et la maladie d’Alzheimer

3/ Rita Hayworth élevée sous l’emprise et les viols de son père

Page 26

C’est triste à dire, mais la personne dont Margarita avait désespérément besoin d’être protégée à Tijuana était son propre père. Car les relations qu’Eduardo Cansino entretenait avec sa fille prenaient une tournure terrible. Plus tard, Margarita révélera à son second mari, Orson Welles, que pendant toute cette période son père eut avec elle des relations sexuelles • New York Star, 15 novembre 1914.

L’accusation choque, consterne, mais il est indéniable que dans la famille Cansino étaient réunies beaucoup de circonstances qui souvent, les études le montrent, conduisent à des actes incestueux.
Les pères qui abusent de leur fille ont des tendances « narcissiques » – ce sont des hommes qui recherchent de façon maladive l’adulation des autres. 
Lorsqu’une crise quelconque les prive de l’admiration dont ils ont tellement besoin pour leur estime personnelle, ils vont chercher le réconfort auprès de leur fille. Humiliés, blessés par les adultes, ils demeurent pour leur enfant le personnage puissant qui sait commander. Les échecs professionnels sont indéniablement l’un de ces événements majeurs qui déclenchent des épisodes incestueux: le père traumatisé demande à sa fille de le consoler des déceptions que lui cause le monde du travail.

Fait significatif : le père incestueux est le centre de l’attention de toute sa famille. Il est le « patriarche par excellence » dont les besoins et les exigences passent en premier. Répondant à sa quête narcissique d’admiration, les membres de la famille le décrivent en termes enthousiastes : il est plus grand, plus intelligent, plus doué ou plus « artiste » que les autres hommes. 
Mais souvent, trop souvent, le monde extérieur ne sait pas reconnaître cette supériorité, et il incombe alors à ceux qui lui sont le plus proches, c’est-à-dire sa famille, de se sacrifier pour lui, pour le « sauver ».
Généralement, dans les cas d’inceste, la mère est présentée par les autres membres de la famille comme souffrant d’une mystérieuse maladie qui souvent, comme dans le cas de Volga, se révèle être l’alcoolisme. Puisqu’il faut satisfaire les désirs du père à tout prix, l’indisponibilité de la mère oblige la fille aînée à prendre sa place. Le père lui accorde le statut privilégié d’« enfant préférée ». Elle est celle de la famille qui lui ressemble le plus, lui dit-il, la seule qui partage sa spécificité, ses talents. Mais elle a également des responsabilités que les autres n’ont pas. Ce qui implique qu’elle fasse des sacrifies pour lui, alors que ses frères, et les garçons en général, « sont libres d’être des enfants ».

Tout cela, dans les moindres détails, s’applique à la situation de Margarita. Non seulement ce portrait de « la famille à inceste» ressemble en tout point à la sienne, mais de nombreux épisodes apparemment hétéroclites, choquants de sa vie d’adulte deviennent soudain compréhensibles si l’on ajoute foi à ce qu’elle raconte sur son enfance. De toutes les formes d’inceste, celui que pratique un parent avec son enfant est reconnu comme le plus traumatisant ; en abusant de son pouvoir sur l’enfant qui lui fait confiance et dépend de lui, le père ou la mère incestueux commettent « la plus haute des trahisons », marquant psychologiquement leur victime pour la vie.

Chez Rita comme chez bien d’autres, les conséquences se feront sentir dans l’image qu’elle aura d’elle-même ainsi que dans les relations, très souvent difficiles, qu’elle entretiendra avec ses maris, ses amants. les autres femmes, et même ses enfants.

Amour, sexualité, maternité : dans ces trois domaines essentiels le souvenir des sévices subis dans l’enfance aura un impact évident et désastreux. Et même si certains mettent encore en doute la véracité des confidences de Rita à son mari, le fait qu’Eduardo ait véritablement exploité sa fille ne se discute pas.

Condamnée à ne pas avoir une enfance normale parmi d’autres gamins de son âge, Margarita passa pour la femme d’Eduardo (il lui interdisait de l’appeler « père » en public) dans tous les endroits, bateaux ancrés au large ou casinos mexicains, où elle se produisit à partir de douze ans. Son père la dressait à jouer les allumeuses sur scène, mais dès qu’elle en sortait elle redevenait la petite fille timide et réservée qu’elle n’avait jamais cessé d’être. Même si des rapports incestueux ne lui avaient pas appris à utiliser le sexe comme moyen d’attirer et de retenir l’attention, le rôle de provocatrice que son père l’encourageait à jouer sur scène aurait eu le même effet.
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9/ Tout en obéissant docilement aux ordres qu’on lui donnait, faisant exactement ce qu’on lui disait de faire, Rita Hayworth semblait s’éteindre
10/ Rita Hayworth fait preuve d’une assiduité et d’un amour du travail inhabituels
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