6/ La responsabilité selon Gérard Lopez

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La question de la responsabilité est particulièrement épineuse, autant sur le plan théorique que sur le plan pratique. L’étymologie du mot responsabilité vient de « respondere » qui signifie répondre de … , s’engager à … La façon satirique dont Epicharme a reformulé l’aphorisme d’Héraclite constatant qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, permet de poser le problème : « Ce qui par nature éprouve un changement et jamais ne demeure identique à soi-même, doit être maintenu autre que ce qu’il fut. Ainsi, toi et moi, hier nous étions autres et sommes aujourd’hui encore d’autres hommes. » Un monde sans responsabilité serait, en effet, un monde composé de zombies, un monde dépourvu de sujets, où les individus seraient dépourvus de permanence, où leur existence s’égalerait à la seule manifestation d’un acte suspendu. Ce serait le monde dont rêve le comte Dracula.

Aussi, il me faut engager ma responsabilité pour que mes actes passés me soient attribués. La responsabilité est le fondement ontologique du sujet, la condition de sa liberté pratique selon Kant . Elle est étroitement liée à la conviction qu’a l’homme d’être libre.

La liberté pratique, celle qui nous permet d’agir et d’assumer les conséquences de nos actes, est balisée par des lois démocratiques, reconnues et acceptées, comme notamment l’article 1383 du Code civil qui dispose : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais par sa négligence ou son imprudence ».

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« Qui me donne une place dans la vie ? »

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Le besoin de se sentir accepté, reconnu n’est pas spécifique de l’enfant. Les adultes l’éprouvent également, et les rares qui choisissent de le nier font souvent preuve d’une personnalité dure ou desséchée, et s’enferment dans leur autosuffisance.
À cet égard, les nombreux travaux menés depuis une trentaine d’années sur le thème du « soutien social » apportent des informations intéressantes 8. Ce terme désigne une variété de formes d’aide que l’individu peut mobiliser, le cas échéant, pour faire face aux difficultés de la vie. Il y a certes l’aide matérielle et les services, mais aussi les marques d’affection, les conseils, le renforcement de l’estime de soi et du sentiment d’appartenance à un groupe.

Ces études montrent qu’il y a un lien direct entre la présence d’un soutien social efficace et l’équilibre psychologique d’une personne. C’est d’ailleurs la qualité plus que la quantité qui compte dans ce domaine, la présence d’un partenaire compréhensif étant fréquemment la principale source de résilience.

Deux psychologues, Lanae Valentine et Leslie L. Feinauer, ont ainsi interrogé des femmes qui avaient été sexuellement abusées dans leur enfance et qui avaient malgré tout réussi à mener une vie relativement normale 9. Pour beaucoup d’entre elles, la rencontre avec un partenaire qui les accepte avec leur histoire jouait un rôle fondamental dans cette reconstruction de leur vie. Par exemple, disait l’une d’elles, « mon mariage a été la décision la plus importante de ma vie. Avoir quelqu’un qui croit en moi a fait toute la différence 10. »
De même, une enquête intitulée « Briser le cercle de la maltraitance 11 » montre que les mères ayant subi des sévices graves pendant leur enfance et qui ne reproduisent pas le comportement de leurs parents ont bénéficié nettement plus souvent d’un soutien affectif de la part d’un adulte non maltraitant pendant leur enfance, et ont aussi plus souvent des relations satisfaisantes avec un conjoint. Par ailleurs, elles reconnaissent les effets que la maltraitance parentale ont eus sur elles, et les risques potentiels que cela peut entraîner sur leurs propres comportements en tant que mères.

8. Voir notamment les synthèses dans M. Tousignant, Les origines sociales et 
culturelles des troubles psychologiques, Paris, PUF, 1992, chap. 3, et J. C. Coyne et 
G. Downey, «Social factors and psychopathology: stress, social support, and coping 
process», Annual Review of Psychology, 1991, n° 42, p. 401-425.
9. L. Valentine et L. Feinauer, «Resilience factors associated with female survivors of childhood sexual abuse», The American Journal of Family Therapy, 1993, 
vol. 21, n° 3, p. 216-224.
10. Ibid., p. 218.
11. B. Egeland, D. Jacobvitz et A. Sroufe, «Breaking the cycle of abuse», Child 
Development, 1988, vol. 59, p. 1080-1088.

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