Suisse – La survalorisation du droit pénal

Les pourfendeurs du nouveau Code pénal accordent une importance démesurée à la sévérité de la peine

Comme l’écrit François Ost, « tout se passe comme si, plus préoccupés désormais d’être en sécurité que de bénéficier d’une authentique liberté, nous en appelions au glaive pénal protecteur, là où, hier encore, nous le tenions à distance » (in Les droits de l’homme, bouclier ou épée du droit pénal?, éd. Bruylant). Aujourd’hui peut être plus que jamais, nous aimons le droit pénal.
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Sous ce double effet, le procès pénal a subi un nouveau glissement, délétère : l’atteinte aux valeurs collectives que représente l’infraction s’efface peu à peu au profit du tort causé à la victime. Plus ce dernier est grand, plus la peine devrait être sévère : souffrance pour souffrance, préjudice pour préjudice. On transforme ainsi la société en une société de justiciers, en opérant une forme de privatisation de l’action publique. Si, pour l’Etat aussi, la sanction pénale est une réparation du préjudice subi par la victime, alors je me sens légitimé à me faire justice moi-même.
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On sait pourtant que des peines plus sévères ne diminuent pas la criminalité: les meurtres ne sont pas moins nombreux dans les pays qui pratiquent la peine capitale. Pis, comme le relève le professeur Kuhn dans Le Temps (8.4.09), la sévérité des sanctions peut augmenter la criminalité en raison du phénomène de « brutalisation ». Une société qui résout ses problèmes par la violence d’Etat incite ses membres à faire de même. Des peines plus sévères sont donc en général inefficaces, voire contre-productives.
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Alex Dépraz – 10-04-2009 – Politique fédérale – DP n° 1820