Indemnisation des acquittés d’Outreau

16 avril 2010
Peut-on faire un procès à la justice ?
Le système est simple : toute personne détenue bénéficiant d’une relaxe, d’un acquittement ou d’un non lieu a un délai de six mois pour saisir par simple requête le premier président de la cour d’appel d’une demande d’indemnisation.
La décision est rendue après une audience en principe publique, avec un recours possible devant une commission nationale de réparation des détention qui siège à la cour de cassation.
Toutefois, l’indemnisation est exclue en cas de relaxe pour irresponsabilité mentale (démence, quoi), amnistie, prescription de l’action publique postérieure à la libération et détention pour autre cause.
Code de procédure pénale, articles 149 et suivants.

D’après mon excellent quoique provincial confrère François Saint-Pierre, le montant moyen de l’indemnisation est de l’ordre de 57 euros par jour (oscillant en fait entre 37 et 107 €.
Une exception notable est celle des acquittés d’Outreau, qui se sont vus proposer une indemnisation de 4000€ par jour, qu’ils ont refusée. Après versement d’une provision de 250.000 €, une négociation a eu lieu, avec une clause de confidentialité qui leur interdit de révéler les montants perçus. Source : Le Guide de la défense pénale, 5e éd., Éd. Dalloz, oct. 2007.
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21/06/2004
Leur témoignage occupe une place clef dans les affaires d’agressions sexuelles et de maltraitance. Mais le procès d’Outreau est venu relancer la vieille suspicion : faut-il les croire ? En vérité, c’est un travail très difficile pour les enquêteurs, les juges, les experts d’apprendre à les écouter.
Exemples
Tête blonde au-dessus du micro, Malvina s’accroche à son silence. Elle n’entend pas la question du magistrat :
« Est-ce que vous vous souvenez de certaines choses ? »
Ce « vous » s’adresse à elle, malgré ses 9 ans. La petite fille est tétanisée. « Votre père, c’est qui ? »
insiste Jean-Claude Monier, président de la cour d’assises du Pas-de-Calais, en ce jour étouffant de mai.
« Vous souvenez-vous du nom de votre papa ? »
Elle veut sortir, file aux toilettes, puis revient. Sur un écran se met à défiler la vidéo de son audition, enregistrée il y a trois ans au commissariat de Boulogne-sur-Mer.
Malvina est l’une des enfants victimes dans le procès d’Outreau : elle accuse de violences sexuelles un couple de voisins et son propre père. A l’écran, l’enquêteur lui demande :
« Tu as dit qu’on t’avait fait des manières ? »
Oui de la tête.
A chaque question, elle mime oui ou non. Fin de la cassette.
Le président, à Malvina :
« Vous ne vous souvenez plus ? Ou vous ne voulez pas en parler parce que ce serait pénible ? »
Elle dit : « Un peu. »
Oui, ce fut « un peu », voire très pénible, pour les enfants d’Outreau de raconter, puis de répéter leur calvaire. Oui, leur récit fut jugé « un peu », puis très crédible par les enquêteurs, les experts psys et le juge d’instruction, qui n’a d’ailleurs pas organisé la moindre confrontation. Pour toutes ces raisons, ce qui devait être le procès de l’un des plus gros réseaux de pédophilie en France a viré au fiasco judiciaire. Il a fallu le coup de théâtre de Myriam Delay, personnage central du dossier, pour que la thèse du réseau s’effondre, le 19 mai, sous le poids des incohérences :
« J’ai menti », a-t-elle dit. Le chauffeur de taxi ne les aurait pas violés.
Ni l’huissier. Ni la boulangère. Ni le prêtre. Ni aucun autre des 13 accusés qui crient leur innocence depuis trois ans. Ils n’étaient que quatre, les couples Delay et Delplanque, dit-elle. Avant de se rétracter.
A l’issue d’un invraisemblable chaos, le président a disqualifié la psychologue Marie-Christine Gryson et ordonné de nouvelles expertises, pour les 21 et 22 juin.
Poursuivis pour viols avec torture et actes de barbarie, certains prévenus risquent de vingt à trente ans de prison.
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