André Gide : Souvenirs de la cour d’assise – 1912

Deux témoins aux assises


Article
publié le 24 Mai 2009
Par Pascale Robert-Diard

Source : LE MONDE
Taille de l’article : 695 mots

André Gide juré, Jean Giono chroniqueur de l’affaire Dominici : la littérature dans les prétoires.
Rouen, mai 1912. Parmi les jurés tirés pour la session de la cour d’assises figurent un notaire, un architecte, un instituteur retraité,
plusieurs commerçants, des ouvriers, des cultivateurs et André Gide. L’écrivain a 42 ans. Il a insisté auprès du maire de sa commune pour être inscrit sur la liste. Les tribunaux, confiait-il, avaient toujours exercé sur lui « une fascination irrésistible ». L’expérience allait le marquer au-delà de ce qu’il pressentait.
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« A présent, je sais par expérience que c’est une tout autre chose d’écouter rendre la justice ou d’aider à la rendre soi-même. Quand on est parmi le public, on peut y croire encore. Assis sur le banc des jurés, on se redit cette parole du Christ : Ne jugez point. (…) A quel point la justice humaine est une chose douteuse et précaire, c’est ce que, durant douze jours, j’ai pu sentir jusqu’à l’angoisse. »
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Il y a cet homme, accusé du viol d’une fillette de 7 ans.
« J’ai déboutonné ma culotte et puis je le lui ai mis dedans.
– Et alors vous vous êtes livré sur elle à un mouvement de va-et-vient que la petite dit avoir duré fort longtemps.
– Oh ! non, monsieur le Président, pas plus de dix minutes. (…)
– Avez-vous (quelque chose à ajouter ? Exprimez-vous) des regrets ?
– No
n, m’sieur le Président. »
Il est évident pour moi que l’accusé n’a pas compris la seconde question, ou qu’il répond seulement à la première.

La petite vient à la barre, « on la fait monter sur une chaise pour qu’elle soit à la hauteur où la Cour est juchée, et que le président puisse entendre ses réponses ».

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L’interrogatoire est achevé. Le malheureux fait de grands efforts pour suivre le réquisitoire de l’avocat général, dont on voit qu’il ne comprend de-ci de-là que quelques phrases. Mais ce qu’il comprendra bien tout à l’heure, c’est qu’il est condamné à huit ans de prison.

André Gide désigné comme jury raconte (à une époque où la loi n’interdisait pas de publier son témoignage) comment une fillette violée par son père monte sur une chaise pour se rappocher de l’oreille du juge sourd et exprime en criant ce qu’elle a subi. Tout le monde rigole et dit qu’on perd son temps avec ce phénomène si fréquent dans nos campagnes. Le père dit qu’il regrette et ne sera pas puni.

Préface de Boris Cyrulnik


Où Monsieur Cyrulnik a-t-il pris les mots et phrases que j’ai relevés en vert ?

J’ai rajouté en mauve les passages de la chronique d’André Gide permettant une compréhension totalement différente de celle de Boris Cyrulnik. E.T.

Suisse – La survalorisation du droit pénal

Les pourfendeurs du nouveau Code pénal accordent une importance démesurée à la sévérité de la peine

Comme l’écrit François Ost, « tout se passe comme si, plus préoccupés désormais d’être en sécurité que de bénéficier d’une authentique liberté, nous en appelions au glaive pénal protecteur, là où, hier encore, nous le tenions à distance » (in Les droits de l’homme, bouclier ou épée du droit pénal?, éd. Bruylant). Aujourd’hui peut être plus que jamais, nous aimons le droit pénal.
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Sous ce double effet, le procès pénal a subi un nouveau glissement, délétère : l’atteinte aux valeurs collectives que représente l’infraction s’efface peu à peu au profit du tort causé à la victime. Plus ce dernier est grand, plus la peine devrait être sévère : souffrance pour souffrance, préjudice pour préjudice. On transforme ainsi la société en une société de justiciers, en opérant une forme de privatisation de l’action publique. Si, pour l’Etat aussi, la sanction pénale est une réparation du préjudice subi par la victime, alors je me sens légitimé à me faire justice moi-même.
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On sait pourtant que des peines plus sévères ne diminuent pas la criminalité: les meurtres ne sont pas moins nombreux dans les pays qui pratiquent la peine capitale. Pis, comme le relève le professeur Kuhn dans Le Temps (8.4.09), la sévérité des sanctions peut augmenter la criminalité en raison du phénomène de « brutalisation ». Une société qui résout ses problèmes par la violence d’Etat incite ses membres à faire de même. Des peines plus sévères sont donc en général inefficaces, voire contre-productives.
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Alex Dépraz – 10-04-2009 – Politique fédérale – DP n° 1820