Sylvie Karas, présidente de cour d’assise : Des procès "durs, violents…"

Des procès « durs, violents… »
mardi 29.12.2009, 05:03
Recueillis par E. D.

Sylvie Karas est présidente de cour d’assises depuis cinq ans. Un procès d’inceste, « c’est dur, c’est violent », dit-elle, mais elle compte désormais sur son expérience pour, en chef d’orchestre, « jouer ce morceau le moins mal possible ». Rencontre avec une magistrate humaine et passionnée. …

– Est-il vrai que les procès d’inceste ont de plus en plus souvent lieu en public ?

« Oui. Pour ma part, je n’y vois pas d’inconvénient. Les victimes n’ont rien à cacher et puis, une salle vide, c’est froid. D’ailleurs, dans les cas où l’accusé nie, c’est mieux : si on reste dans le microcosme de la famille, rien ne peut sortir. On peut également envisager un huis clos partiel pour la déposition de la victime, mais c’est demandé de moins en moins souvent. C’est à nous d’isoler les jeunes parties civiles au moment où elles viennent déposer à la barre, de les mettre dans une bulle quand on s’adresse à eux afin qu’elles se sentent en confiance. »

– Ce qui ne doit pas être très facile

« Il faut d’abord travailler énormément le dossier, pour ne faire aucune faute. Je dis parfois qu’un bon président doit « transpirer » le dossier. Et il faut être extrêmement délicat. Il y a même des fois où je le dis à la jeune personne ou à l’enfant que j’ai face à moi : « Ça me fait mal de te poser cette question ». Le tutoiement devient naturel, alors. Par ailleurs, il faut poser toutes les questions, même celles qui sont gênantes ou qui dérangent, même si je deviens rouge écrevisse, parfois, tellement je suis mal à l’aise. C’est différent des procès pour braquage ou pour meurtre, qui sont plus techniques, où les questions de pudeur ne se posent pas de la même façon… »

– Arrivez-vous toujours à contenir les parties civiles ?

« Le plus souvent, oui. Elles ne demandent jamais vengeance, mais elles veulent surtout être crues à tout prix. La réparation juridique, pour elles, n’est qu’une petite pierre dans leur reconstruction. Je me souviens d’un type qui a fini par reconnaître à la barre ce qu’il avait toujours nié. La fille s’est avancée et elle a dit : « Merci, papa ». »

– Les délibérés de ces procès, avec les jurés, dans le secret, sont-ils plus délicats que les autres ?

« Il existe un fantasme du délibéré de cour d’assises. Pour ma part, je n’exerce pas de pressions. La seule chose que je demande aux jurés, c’est de la franchise. S’ils n’arrivent pas à défendre leur point de vue, c’est que ce n’est pas un bon point de vue, voilà ce que je leur dis. Je me souviens d’une personne qui avait elle-même été victime d’inceste : elle avait été un formidable modérateur de la peine… En tout cas, c’est beaucoup plus délicat quand l’inceste est nié par l’accusé. Dans ce cas-là, c’est systématiquement parole contre parole, parce qu’il n’y a quasiment jamais d’élément matériel. Alors, qui faut-il croire ? On a déjà vu des enfants accuser puis se rétracter. C’est pour cela qu’est prononcée une proportion non négligeable d’acquittements. »

Les silences de la loi par Marie-Pierre Porchy

Les silences de la loi – Un juge face à l’inceste
Marie-Pierre Porchy

Broché
Paru le : 15/10/2003
Editeur : Hachette

ISBN : 2-01-235686-9

EAN : 9782012356863

Nb. de pages : 176 pages

Poids : 215 g

Dimensions : 13cm x 20cm x 1,3cm

30 % des affaires jugées dans les cours d’assises concernent des viols sur mineurs.
Avant la rue, le premier lieu d’insécurité pour l’enfant est le toit familial. C’est souvent un père, un beau-père ou un oncle qui va, des années durant, abuser d’un enfant dans le silence profond et verrouillé d’une famille. Face à cette délinquance « ordinaire », la loi n’offre qu’un silence coupable en ne posant pas les interdits fondamentaux. L’interdit de l’inceste n’est ainsi pas inscrit dans notre code pénal…
Marie-Pierre Porchy, juge d’instruction, s’élève contre ce tabou légal et contre un fonctionnement judiciaire source de nouvelles injustices – froideur des textes face à la parole fragile de l’enfant, accueil judiciaire traumatisant qui, avec ses non-dits, brise la victime au lieu de la réparer. Forte de son expérience de magistrat, elle imagine, à travers les cas qu’elle a suivis, une justice plus humaine, plus ouverte à l’aide psychologique.
Ainsi son livre propose-t-il une vision neuve d’un sujet surmédiatisé mais paradoxalement toujours pétrifié dans les lourdeurs du tabou.