17 juin 2011 – Pré rapport dans le cadre de la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste sur les mineurs dans le code pénal

Ministère du travail, de l’emploi et de la santé
Direction générale de l’offre de soins
Sous-direction de la régulation de l’offre de soins
Bureau du 1er recours (R2)
Personne chargée du dossier : Marie-Odile MOREAU

Objet : rapport dans le cadre de la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux.
La loi du 8 février 2010 prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport examinant les modalités d’amélioration de la prise en charge des soins, notamment psychologiques, des victimes d’infractions sexuelles au sein de la famille, en particulier dans le cadre de l’organisation de la médecine légale. Ce rapport examine les conditions de la mise en place de mesures de sensibilisation du public, et notamment des mesures d’éducation et de prévention à destination des enfants.
Pour le ministère de la santé, l’amélioration de la détection et de la prise en charge des victimes d’actes incestueux au sein du système de santé s’appuie en premier lieu sur la construction d’une organisation solide en matière de médecine légale. Il s’agit en effet d’une activité fondamentale dans le cadre de l’élaboration des politiques publiques menées depuis plusieurs années en faveur d’une meilleure prise en charge des victimes d’infractions, notamment au travers des efforts portés sur les examens médico-légaux des victimes de violences ou d’agressions sexuelles.
La présente note propose une présentation des principales dispositions de la réforme de la médecine légale et dans ce cadre de la prise en charge des victimes d’actes incestueux. Elle sera complétée à l’automne 2011 par un rapport plus fourni, tirant le bilan de 8 mois de mise en œuvre de la réforme.
I. les principales dispositions de la réforme de la médecine légale
La médecine légale est un outil indispensable d’aide à l’enquête, nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice et à la manifestation de la vérité. Son champ d’intervention n’a d’ailleurs cessé de s’élargir ces dernières années, sous l’effet des progrès techniques et scientifiques. Ces actes, effectués sur réquisition du procureur de la République ou d’un officier de police judiciaire, peuvent être liés à une activité de thanatologie (autopsie, levée de corps) et/ou de médecine légale du vivant (examen des victimes aux fins de détermination de l’incapacité totale de travail et de constatation de lésions et traumatismes, examen des personnes gardées à vue).
Une grande partie de cette activité est aujourd’hui réalisée dans les établissements publics de santé.
L’organisation actuelle de la médecine légale est disparate et fragile, car mise en œuvre par strates successives, en fonction le plus souvent d’initiatives locales. De surcroît, les établissements publics de santé assurant cette activité souffrent d’un déficit chronique de financement. La conjugaison de ces dysfonctionnements est aujourd’hui à l’origine de disparités territoriales croissantes, qui affectent non seulement l’efficacité des investigations pénales, mais également l’égalité des citoyens devant la justice.
Une réforme est ainsi devenue indispensable afin de structurer à l’échelle nationale une médecine légale harmonisée et de qualité et assurer avec pérennité un financement tenant compte de l’ensemble des charges liées à cette activité.
Elle s’est inscrite dans le prolongement des rapports du député Olivier JARDE du 22 décembre 2003 et de la mission interministérielle menée par l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des services judiciaires (IGAS-IGSJ) en janvier 2006. Ces travaux ont souligné les carences organisationnelles des activités de médecine légale et mis en exergue les difficultés de financement de ces dernières.
Faisant suite à ces deux rapports, les ministères de la justice et de la santé ont décidé, le 9 juin 2006, de mettre en place un groupe de travail interministériel composé de représentants de tous les ministères concernés et de médecins légistes, chargé de réfléchir à une réforme globale de la médecine légale en France.
S’appuyant sur l’exploitation de questionnaires adressés aux juridictions par le ministère de la justice et aux établissements publics de santé par le ministère de la santé, le groupe de travail interministériel a ainsi eu pour objectif de rationaliser et de structurer, à droit constant, l’implantation, l’organisation et le financement de la médecine légale sur l’ensemble du territoire national, en vue de renforcer la qualité des actes, pratiqués par des médecins dûment formés au sein de structures et d’organisations adaptées aux besoins judiciaires et économiquement équilibrées.
La mise en place de cette réforme a été officiellement engagée par la signature de la circulaire interministérielle du 27 décembre 2010, cosignée par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, le ministre de l’intérieur, de l’outre mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
Le schéma prévu par la circulaire est entré en vigueur le 15 janvier et une première évaluation sera menée conjointement par les ministères et acteurs concernés en septembre 2011.
Le schéma directeur de cette réforme prévoit la création d’un maillage territorial couvrant la totalité du territoire national. Il a pour socle des structures dédiées de thanatologie et/ou du vivant implantées dans les établissements de santé et chargées de l’animation du réseau et de la formation des médecins légistes. En complément de ces structures dédiées « têtes de réseau », s’ajoute pour la médecine légale du vivant un réseau de proximité, s’appuyant prioritairement sur les établissements mais aussi sur la médecine de ville (médecins généralistes, SOS médecins…). Les actes médico-légaux du vivant doivent être, autant que possible, assurés au plus près des besoins de la population. Les établissements tête de réseau assurent également la formation des médecins et des personnels du réseau. Les activités médico-légales doivent en effet répondre à un objectif d’accueil et de qualité de prise en charge des victimes.
Ainsi, le nouveau schéma prévoit la création ou le maintien sur le territoire national de 48 structures hospitalières dédiées aux activités médico-légales, dont 30 « instituts médicaux légaux » (IML) qui concentreront à la fois des activités thanatologiques et des activités de médecine légale du vivant. L’IML de Paris reste sous la tutelle du ministère de l’intérieur.
Outre les médecins et le personnel paramédical, un psychologue sera présent dans les 48 structures hospitalières, afin de répondre, dans l’immédiateté, aux besoins des victimes.
Chacune de ces structures sera rattachée à une ou plusieurs juridictions, selon une répartition adaptée aux besoins judiciaires et aux capacités en médecine légale.
Dans un souci d’harmonisation sémantique, ces 48 structures de médecine légale du vivant sont appelées unité médico-judiciaire (UMJ). Il est en effet important de rendre le dispositif lisible pour les professionnels et les citoyens..
Cette réforme a aussi pour objectif de renforcer la formation et la collaboration de tous les professionnels confrontés à la prise en charge de personnes victimes.
Plus particulièrement concernant la prise en charge des victimes d’inceste, cette réforme permettra entre professionnels pluridisciplinaires, un échange et une discussion des pratiques en matière de prise en charge de ces victimes dans toutes ses dimensions médicales, sociologiques et judiciaires et de rompre parfois l’isolement des professionnels face à ce traumatisme encore peu étudié et peu enseigné. La prise en charge et l’examen médical d’un mineur présumé victime d’agressions sexuelles et a fortiori d’actes incestueux est un examen extrêmement spécialisé dont le médecin mais aussi l’équipe médicale doivent être habitués. La réforme permettra de créer un véritable réseau, dans lequel les UMJ seront « référents » et contribueront à optimiser la prise en charge des victimes d’inceste. A l’instar de ce qui est déjà mise en place dans certaines UMJ, comme celle de l’Hôtel-Dieu décrite dans le §2, la réforme permettra de renforcer, de simplifier l’accès à l’offre de soins mais aussi et surtout l’accès à une écoute et à une véritable prise en charge.
Enfin, pour accompagner cette réforme, dans chaque cour d’appel et sous l’égide du procureur général, un travail de fond sera mené avec tous les partenaires institutionnels et toutes les associations afin de répondre à la souffrance de toutes les victimes, notamment celle des mineurs victimes d’inceste.
II. L’amélioration de la détection et de la prise en charge des victimes d’actes incestueux par la réforme de la médecine légale : l’exemple de l’UMJ mineurs de l’Hôtel-Dieu (extrait du rapport d’activité du Dr Rey Salmon, responsable de l’UMJ mineur et majeur de l’Hôtel-Dieu à Paris).
Chaque UMJ a pour vocation d’accueillir, d’examiner et d’effectuer les prélèvements médico-légaux nécessaires pour les victimes adressées sur réquisition par les autorités judiciaires.
On a rien a faire de vous si vous ne portez pas plainte.

Concernant les mineurs victimes et notamment les enfants victimes d’inceste, à titre d’exemple, l’unité médico-judiciaire mineurs de l’Hôtel-Dieu (située à l’hôpital Armand Trousseau jusqu’au 1 avril 2010) à Paris accueille notamment des enfants victimes d’inceste. Les principales missions de cette unité sont :
Assurer des examens et des prélèvements médico-légaux de bonne qualité en développant un accueil spécifique des mineurs, en particulier des plus jeunes d’entre eux ;
Assurer la conservation des dossiers et des prélèvements dans des conditions optimales de sécurité ;
Favoriser l’accompagnement des mineurs et de leur famille dans les suites de l’examen médico-légal en les informant sur les possibilités d’un soutien psychologique, social et d’une information juridique.
Concernant l’accueil, le mineur est entendu par un officier de police judiciaire avant l’examen médico-légal. En effet, l’audition préalable du mineur par un officier de police judiciaire garantit la qualité du témoignage du mineur, celui-ci risquant d’évoluer au fur et à mesure des contacts du jeune avec les différents professionnels de santé (pédiatre, psychiatre, psychologue, infirmière, assistante sociale…). Au terme de l’audition qui, dans le cadre des agressions sexuelles, peut comporter un enregistrement vidéo, l’officier de police judiciaire prend contact avec le médecin de l’U.M.J. pour préciser la mission médico-légale, indiquer son degré d’urgence et décider d’un rendez-vous tenant compte, dans la mesure du possible, du rythme de l’enfant.
Pour réaliser l’examen médical, l’information et le consentement à l’examen et aux éventuels prélèvements sont essentiels à une prise en charge de bonne qualité. Ils permettent de réaliser l’examen médico-légal dans des conditions respectueuses des droits des victimes. Le consentement des parents aux actes médico-légaux est particulièrement recherché dans le cadre des agressions sexuelles.
Au terme de l’examen médico-légal et des examens complémentaires réalisés à l’U.M.J., il peut s’avérer nécessaire d’hospitaliser le mineur victime. En cas d’hospitalisation motivée par des soins somatiques (traumatisme orthopédique, viscéral, sexuel…), l’hospitalisation peut avoir lieu dans un service du centre hospitalier pédiatrique siège de l’UMJ en accord avec le Chef de service concerné.
En cas d’hospitalisation motivée par des symptômes psychiatriques (menace de passage à l’acte suicidaire, état dépressif, attaque de panique anxieuse…), le mineur est dirigé vers un service extérieur adapté à ses besoins.
En raison de la nécessaire séparation des procédures de constatations médico-légales et des soins, le mineur réclamant la poursuite d’une prise en charge médico-psycho-sociale est orienté vers une structure ou un service spécialisé. Le libre choix des familles sur le type de prise en charge et le lieu du suivi est bien évidemment garanti. Une information est systématiquement donnée aux victimes et à leur famille sur les possibilités thérapeutiques offertes.
Cet exemple d’organisation d’unité médico-judiciaire, montre l’attention portée à l’amélioration de l’accès à l’offre de soins mais aussi à la simplification du parcours et à la qualité des procédures judiciaires. Cette organisation participe ainsi à la reconstruction psychique et physique de l’individu.
En déployant ce modèle sur l’ensemble du territoire, la réforme de la médecine légale permettra d’atteindre un plus grand niveau d’expertise et de répondre ainsi de la façon la plus juste, la plus pertinente et la plus professionnelle à la souffrance des mineurs victimes d’inceste.
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Autres billets sur la loi
n° 2010-121 du 8 février 2010
17 février 2012 – QPC – Définition du délit d’atteintes sexuelles incestueuses

La loi française interdit-elle vraiment l’inceste ?

20/01/2011

Le blog de l’avocat Jacob Delebecque – Lex & Net Heureusement, nos valeureux députés ont voté une Loi du 26 janvier 2010, interdisant – en toute lettre – le mot « inceste » sur mineur dans le Code pénal.

Sauf que… cette Loi n’a eu aucune utilité puisque le Code prohibait déjà viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestes, c’est-à-dire commis au sein de la famille par un ascendant ou par toute autre personne ayant une autorité de droit ou de fait.

Donc, est-il est toujours possible d’avoir des relations sexuelles avec un membre de la famille si celle-ci est consentie ?

Il a été clamé que la Loi prévoirait que le mineur ne peut pas être considéré comme consentant à un acte sexuel avec un membre de sa famille, précision qui n’existait pas avant 2010. C’est – juridiquement – une erreur.

Après l’article 222-22 du Code pénal, la Loi de 2010 a inséré un article 222-22-1 ainsi rédigé :

« La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. »

Lorsque la loi impose, elle utilise le présent, tout juriste qui a fréquenté une Fac’ de droit le sait. Donc si notre très conservateur Parlement – et très mauvais juriste, nouvelle démonstration…- avait voulu interdire les relations sexuelles entre proches mineurs, il aurait ainsi rédigé : « la contrainte résulte de la différence d’âge ».
En l’état, le Procureur devra donc toujours démontrer qu’il y a eu contrainte (dans la deuxième version, il aura suffit de comparer les dates de naissance…). La seule différence d’âge ne fait donc pas la démonstration de l’absence de consentement.
Donc, en 2011, majeurs et/ou mineurs consentants peuvent encore avoir des relations sexuelles libres avec un membre quelconque de leur famille.
Il n’est donc pas interdit en France d’avoir des rapports sexuels incestueux.

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