La Loi sur l’inceste, une triste proposition par André Ciavaldini, Directeur de programme du CRIAVS

Éditorial par André CIAVALDINI, Directeur de programme du CRIAVS Rhône-Alpes
« La prohibition de l’inceste est moins une règle qui interdit d’épouser mère, sœur ou fille, qu’une règle qui oblige à donner mère, sœur ou fille à autrui. C’est la règle du don par excellence. Et c’est bien cet aspect, trop souvent méconnu, qui permet de comprendre son caractère. »

Le législateur connaissait-il cette définition de Claude Levi Strauss (Les structures élémentaires de la parenté, 1949) quand il a validé le texte de la toute récente proposition de loi sur la répression de l’inceste ?
Depuis le 26 janvier, l’inceste a fait son entrée dans les textes de loi, c’est devenu un crime. Nous pourrions dire qu’il a chuté du statut de tabou à celui de crime. La transgression de l’interdit majeur de l’humanité est devenue, sous la plume de notre législateur contemporain, un crime banal. Qu’espère-t-il trouver dans cette triste proposition ?
Sur le plan pénal, osons le dire franchement : rien. En effet les textes précédents pénalisaient la situation d’inceste au même titre que toute autre atteinte, agression, viol sur mineur, la situation d’allié ou d’ascendant constituant de surcroît une circonstance aggravante. Ainsi, la situation particulière de l’atteinte sexuelle que comporte celle d’inceste était déjà criminalisée, reconnue comme telle et donc puni fermement (20% des Arrêts de Cour d’Assises). Que gagnons-nous, si ce n’est pour la député, porteuse de cette proposition, d’y voir son nom attaché ?

Si de nouveau j’ai employé l’adjectif « triste » déjà employé dans les éditoriaux précédents et issu d’une référence à « Tristes tropiques », c’est que cette proposition vient nous montrer le besoin actuel de matérialiser les interdits, comme si l’humain perdait sa foi dans la valeur symbolique des codes. Il faut du concret et il faut répondre, fut-ce de manière inopportune, comme l’est cette loi, à certaines paroles publiques soutenues par les médias et dont s’empare les politiques pour faire leur publicité personnelle.
Cette loi doit être comprise comme le symptôme de notre temps. Elle révèle trois dimensions qui en disent long sur l’estime, qu’à travers la député initiatrice de ce projet, nos politiques portent à l’humain. La première dimension est le peu de crédit que nos dirigeants actuels accordent à la capacité de nos contemporains, via les institutions qui les représentent et particulièrement la famille, à traiter le vivre ensemble. Cette loi dit implicitement que les transmissions intergénérationnelles des codes fondamentaux seraient altérées.
Quels sont les travaux scientifiques qui l’indiquent ? Aucun.
Derrière cela se profilent d’autres débats, notamment celui sur les nouvelles organisations familiales (familles monoparentales, multiparentales, homoparentales, etc.).
La deuxième dimension est liée à la définition de cet interdit : pourquoi cette loi ne vient-elle pas obliger le don et ne relève t-elle que l’interdit ?
Le don de nos jours aurait-il mauvaise presse ? Le don lié à l’interdit, je le rappelle, fonctionne comme une entrée dans la culture. La dualité du tabou permet à l’humain de passer de l’alliance, qui appartient à la nature, à une ouverture de liaison, qui signifie un mode d’entrée dans la culture par la définition de places (mère, fils, fille, père, etc.) permettant à chacun de se repérer dans une filiation et d’appartenir ainsi à une histoire qui plus tard pourra se parler et donc se transmettre.
La troisième dimension, corollaire des deux autres, est celle transculturelle. La mondialisation dans laquelle nous sommes engagés nécessite une ouverture à d’autres cultures. Cette ouverture suppose précisément la notion de don telle que l’évoque Claude Levi Strauss, ce don qui invite à l’échange, à l’alliance dans le respect absolu des corps, des places générationelles et donc des identités de chacun. Aussi, cette loi, sous couvert de protection accrue des victimes (il n’est pas question du soin aux agresseurs), ne serait-elle qu’une rémanence malvenue et inutile du débat sur l’identité nationale ?
Pour lire la suite du billet, cliquez sur le logo de CRIAVS

L’express – "lois de circonstance à des fins de communication ministérielle" par l’USM – Union syndicale des magistrats

Hortefeux met les magistrats en boule
Par Emilie Cailleau,
publié le 01/02/2010 à 14:47
mis à jour le 01/02/2010 à 15:30
Les magistrats ne décolèrent pas. Les propositions du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux pour protéger les seniors ne sont que du réchauffé, affirme l’Union syndicale des magistrats. USM

Brice Hortefeux et son plan pour la sécurité des seniors a déjà beaucoup fait jaser les politiques. Ce week-end, après un fait-divers sanglant, le ministre annonce un dispositif pour protéger davantage les plus âgés. Mais la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie proteste : ce n’est pas du ressort de l’Intérieur, explique-t-elle. C’est alors au porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, de mettre son grain de sel et de soutenir le ministre Brice Hortefeux.

Mais les mesures du ministre de l’Intérieur provoquent surtout la colère des magistrats. L’annonce du ministre de l’Intérieur provoque la colère des magistrats. « On réinvente des choses déjà existantes dans le Code pénal pour plaire à une partie de l’électorat », s’agace Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire.

Ces sanctions aggravées pour les auteurs d’agressions contre les personnes âgées existent déjà. Le blogueur Me Eolas l’explique et cite le Code pénal. Pour punir le double meurtre des retraités, l‘article 221-4 prévoit une réclusion criminelle à perpétuité. Et le 311-4 définit le vol aggravé.

Difficile de faire plus, renchérit Me Mô sur son blog. « L’auteur de ce double meurtre encourt […] la réclusion criminelle à perpétuité (le meurtre étant à lui seul puni de trente ans de réclusion criminelle). La seule ‘aggravation possible’ consisterait ainsi à élever le quantum de la période de sûreté envisageable. Bof. »

Course à l’échalote
Cette disposition n’amènerait donc rien de nouveau, ni sur le fond… ni sur la forme (voir encadré) : « On instrumentalise la loi et un fait-divers à des fins politiques », explique-t-il à LEXPRESS.fr.

Le président de l’USM parle de « lois de circonstance à des fins de communication ministérielle ». Il cite à titre d’exemple l’inceste sur mineurs, déjà pris en compte par le Code pénal au titre de viol, ou agression sexuelle par ascendant ou autorité, ainsi que la loi sur les bandes violentes avec l’association de malfaiteurs.
Le coup de gueule de l’USM est partagé par Me Eolas. « Vous connaissiez la règle ‘un fait divers, une loi ?’ Elle a atteint un nouveau palier: désormais, c’est un fait divers, votons ce qui existe déjà », ironise-t-il dans un post de blog.
Pour ces professionnels de la justice, l’inflation législative n’est pas une solution. Elle masque le manque de moyens de police et de justice. « On vend une accumulation de textes qui sont censés régler le problème mais c’est pas comme ça qu’on va baisser la délinquance, tempête Christophe Régnard. Au contraire les vols en bande et à main armée ont augmenté ces dernières années ».
Zéro dissuasion
Ces professionnels se montrent aussi sceptiques sur l’allongement des peines prévues dans la proposition de Brice Hortefeux (de sept à dix ans pour les vols avec violence sur les personnes vulnérables, ndlr). « Je doute que Monsieur le ministre ait déjà eu l’occasion de demander à un prévenu comparaissant à l’audience s’il sait quelle peine il encourt pour le délit pour lequel il est poursuivi […], explique Maitre Mô sur son blog. […]
Une élévation du plafond de sept à dix ans d’emprisonnement serait vraisemblablement une information que l’intéressé recueillerait le jour de l’audience, ou quasiment. Effet dissuasif: zéro ».
___________________

La surchauffe législative

Nombre d’annonces politiques ne sont jamais appliquées et finissent par tomber dans l’oubli.
C’est le cas de la loi sur les récidivistes, le décret sur les cagoules, la loi sur le racolage passif, le délit d’occupation de halls d’immeuble… « Beaucoup de lois ne sont pas appliquées car inapplicables », juge Christophe Régnard de l’USM.